jeudi 29 janvier 2015

Congolais telema !

Les députés et les sénateurs congolais réunis il y a quelques jours en commission paritaire, à la suite de l’amendement par le Sénat de l’article 8 du projet gouvernemental tendant à modifier la loi N° 06/006 du 9 mars 2006 telle que modifiée par la Loi N° 11/003 du 25 juin 2011, ne se sont finalement pas prononcés sur le dispositif à l’origine des manifestations qui auraient occasionné plus ou moins 42 personnes en République Démocratique du Congo. En effet, le président de la Chambre basse, Aubin Minaku, a pris le devant en déclarant que « le point de vue que l’Assemblée nationale [défendait] devant la commission [était] celui du retrait de l’alinéa contesté ».

Le mécontentement du souverain primaire

Dans un pays où l’écrasante majorité parlementaire, qui plus est acquise au pouvoir en place, impose systématiquement l’adoption des textes favorables aux intérêts de la seule mouvance présidentielle à une opposition institutionnelle très désunie, la vraie contestation ne peut se matérialiser qu’à l’extérieur de l’enceinte parlementaire. En tant que souverain primaire, le peuple congolais, resté très longtemps indifférent aux divergences de la classe politique, a enfin pris la résolution de descendre dans la rue. Ainsi a-t-il manifesté, pendant plus de trois jours, son mécontentement au regard d’un projet de loi inique qui, s’il était adopté tel que présenté en première lecture à l’Assemblée nationale, aurait porté atteinte à quelques dispositifs constitutionnels et muselé la démocratie. Cette courte et intense bataille extra-parlementaire a fini par stopper les velléités peu orthodoxes de la majorité présidentielle, au point de retirer le projet de loi électorale initié par le gouvernement.

Volonté d’apaisement ou manœuvre politicienne ?

Faudrait-il considérer le retrait du dispositif litigieux, par le président de l’Assemblée nationale, comme une réelle volonté d’apaisement ou un simple stratagème pour gagner davantage du temps ? A défaut d’imposer sa volonté à la rue, après avoir laminé l’opposition à l’Assemblée nationale, la majorité présidentielle a vite saisi au bon l’opportunité offerte par les sénateurs pour se conformer illico presto aux attentes des populations en proie à la colère. Force est de constater que l’épreuve de force engagée par la rue a sauvé la face à l’opposition institutionnelle, qui s’est précipitée de crier victoire, ainsi qu’à une majorité gouvernementale soi-disant soucieuse de l’unité nationale.
En tout cas, le dispositif supprimé, qui liait le recensement de la population à l’élection présidentielle de 2016, constituait dans l’absolu un subterfuge censé permettre au président Joseph Kabila de se maintenir au pouvoir sans modifier la Constitution qui limite à deux le mandat présidentiel. La voix des députés primant en dernier ressort sur celle des sénateurs, le texte final a été voté en seconde lecture le 25 janvier par la Chambre basse, en session extraordinaire, en vue d’une éventuelle promulgation par le magistrat suprême. Ainsi revient-il aux Congolaises et aux Congolais de réagir massivement, avec force et vigueur, en faveur de sa non-promulgation par le président de la République Démocratique du Congo.

L’arbre et la forêt

En réalité, l’alinéa 3 de l’article 8 du projet de loi électorale n’est que l’arbre qui cache l’immense forêt congolaise. En effet, le fait d’avoir exclu du texte gouvernemental l’adéquation entre le recensement de la population et la tenue de l’élection présidentielle ne garantit en rien l’égalité de tous les Congolais en matière de représentativité politique. En effet, les dispositifs discriminatoires contenus dans le texte soumis au vote du Parlement ne sont toujours pas supprimés. Le fait de conditionner une candidature au niveau d’étude, ou alors à une expérience professionnelle, laisse-t-il supposer que le corps électoral devra avoir les mêmes compétences que les candidats ? Par ailleurs, le fait d’imposer plus de 100 000 USD à la candidature à l’élection présidentielle signifie-t-il dire que seuls les nantis sont habilités à aspirer à la magistrature suprême ? Bref, seule la capacité du portefeuille confère-t-elle les qualités idoines pour la place qu’il faut ?
Le projet gouvernement modifiant la loi N° 06/006 du 9 mars 2006, telle que modifiée par la Loi N° 11/003 du 25 juin 201, reste tout à fait injuste. Il ne fait que renforcer l’inégalité des citoyens au regard des Lois de la République Démocratique du Congo.

La dignité d’un peuple et la grandeur d’un pays

Rien n’est plus injuste que lors la loi génère elle-même des injustices. Ayant à l’esprit ce postulat juridique et au vu des arguments évoqués supra, les Congolais, de l’intérieur comme de l’extérieur, ont grand intérêt à maintenir par tous les moyens – pacifiques, diplomatiques, lobbying – une pression citoyenne afin de venir à bout d’un régime aux abois retranché désespérément derrière une muraille, assiégée de partout, qui est en train de s’écrouler tel un château de cartes. Ils sont contraints de rester debout, unis par le sort et dans l’effort pour la souveraineté. Ils doivent enfin dresser leurs fronts longtemps courbés et prendre pour de bon le plus bel élan dans la paix afin de bâtir un pays plus beau qu’avant et davantage démocratique.
Mu par un patriotisme enfin conscient, se laissant guider par l’intelligence et soutenu par les forces de l’esprit, le peuple congolais, qui plus est le souverain primaire, doit surtout façonner l’argile pendant qu’elle est encore humide. C’est le prix de sa dignité et de son devenir, ainsi que de la grandeur de la République Démocratique du Congo. Congolais telema !(*)

Gaspard-Hubert Lonsi Koko

(*) Debout Congolais !

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