vendredi 29 mars 2013

Une brigade d’intervention pour la RD Congo

Le Conseil de sécurité des Nations unies a approuvé à l’unanimité, le 28 mars dernier, la création d’une nouvelle force de combat censée sécuriser l’Est de la République Démocratique du Congo. Ainsi une résolution renforce-t-elle la Monusco[1] en créant une « brigade d’intervention » – qui sera composé de 3 069 hommes[2] et opérationnelle d’ici juillet – dans le but de mener des opérations offensives et ciblées contre les groupes armés[3] qui ne cessent de déstabiliser la région du Kivu. Cette résolution, initiée par Paris, renforce les engagements de l’accord-cadre[4] d’Addis-Abeba signé le 24 février 2013 par onze pays régionaux sous l’égide des Nations Unies.

Une voie inédite ?

Selon le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, la résolution « propose une approche nouvelle et globale en vue de s’attaquer aux causes profondes de l’instabilité à l’Est de la République Démocratique du Congo ». D’autant plus que l’accord-cadre d’Addis-Abeba a permis des avancées considérables à travers  des engagements relatifs à l’évolution du mandat des forces onusiennes, au déploiement d’une brigade d’intervention rapide et à la nomination d’un Envoyé spécial des Nations unies.
La mise sur pied de cette force armée n’en est pas forcément une initiative inédite, ni une innovation d’ailleurs, contrairement à ce qu’a souligné Gérard Araud, l’ambassadeur français aux Nations Unies. En effet, dans le passé, la France avait mis sur pied le dispositif « RECAMP[5] » qui, s’il avait atteint une phase supérieure, aurait pu rendre un très grand service à l’Union africaine dans le cadre du maintien de la paix. Contrairement à la brigade d’intervention onusienne, laquelle a une durée initiale d’une année, le programme français était permanent et s’articulait dans le respect des principes de multilatéralisme afin de permettre aux pays africains de gérer eux-mêmes la sécurité de leur continent.

Seule ou aux côtés des FARDC[6] ?

La résolution onusienne que vient d’adopter le Conseil de sécurité confie désormais à la Monusco la tâche supplémentaire d’agir, seule ou aux côtés de l’armée nationale congolaise, pour « stopper le développement de tous les groupes armés, (les) neutraliser et les désarmer ». C’est là que les bâts blessent, dans la mesure où la République Démocratique du Congo est un État souverain confronté aux guerres et conflits armés à l’intérieur de son territoire national. Les opérations onusiennes doivent en principe se faire soit sous l’observation des institutions congolaises, soit en soutien aux FARDC. Permettre à ladite brigade d’intervention d’agir en toute autonomie cautionnerait de facto l’existence d’une zone franche, une sorte de « no man’s land » sur lequel l’État congolais n’aurait aucune emprise directe. Une situation très dangereuse qui, si l’on n’y prend pas garde, finira par aboutir à moyen terme à la sécession kivutienne.

Gaspard-Hubert Lonsi Koko

Source : Jolpress

À lire aussi

- RDC : les visées expansionnistes de l’accord-cadre d’Addis-Abeba ;
- Paix en RD Congo: les dessous de l’accord-cadre ;
- Un accord de paix pour la RD Congo sous l’égide de l’ONU.

Notes :
[1] Composée de presque 20 000 hommes et actuellement déployée en République Démocratique du Congo, la force onusienne est chargée de la protection des civils et du soutien à l’armée nationale congolaise.
[2] En provenance d’Afrique du Sud, de Tanzanie et du Malawi.
[3] Le Mouvement du 23 mars (M23), les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) ainsi que d’autres milices présentes dans la partie orientale de la République Démocratique du Congo.
[4] Cet accord-cadre est censé pacifier l’Est de la République Démocratique du Congo en proie à des rébellions depuis deux décennies. Il sera étroitement lié à l’Union africaine, à la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) et à la Communauté pour le développement de l’Afrique australe (SADC), ainsi qu’à d’autres partenaires internationaux, y compris l’Union européenne, la Belgique, les États-Unis d’Amérique, la France et le Royaume-Uni.
[5] Renforcement des capacités africaines de maintien de la paix. Ce programme était délibérément placé sous l’égide des Nations Unies, et veillait à agir en harmonie avec l’OUA (actuellement Union africaine). Il visait à accroître les capacités militaires des pays africains à conduire, lorsqu’ils le désiraient, des actions de maintien de la paix. Il contribuait aussi au renforcement des organisations sous-régionales africaines en matière de sécurité, en participant au développement d’un climat de confiance mutuelle.
[6] Forces armées de la République Démocratiques du Congo.

jeudi 28 mars 2013

Les raisons de la tournée africaine de Xi Jinping

Le président chinois nouvellement élu effectue un voyage officiel à l’étranger, dont la première escale a été consacrée à la Russie[1]. Aussitôt les violons bien accordés avec son grand voisin oriental, Xi Jinping a mis le cap vers le continent africain pour des visites en Tanzanie, en Afrique du Sud et au Congo-Brazzaville. La présence de la Chine en Afrique constitue-t-elle une menace pour l’Occident, ou une opportunité pour les autochtones ? Quel regard doit-on porter, quant à la nature de ce rapprochement, à ses effets et aux défis par rapport aux populations locales ?

La colline et le chat de Deng Xiaoping

En matière de politique étrangère de la Chine, le président Xi Jinping se contente de suivre discrètement et fidèlement la voie tracée par son prédécesseur Hu Jintao, lequel s’est coulé dans le moule façonné par Deng Xiaoping. « Il ne peut y avoir deux tigres  sur la même colline », aimait rappeler l’ancien secrétaire général du Parti communiste chinois. Ainsi Deng Xiaoping, ayant habilement manié le communisme à tendance capitaliste, a tout entrepris pour qu’une seule puissance s’impose à l’échelle planétaire. Et pour atteindre cet objectif, la Chine devrait faire main basse sur l’Afrique, en adoptant une attitude différente de celle qui a toujours été pratiquée dans les échanges entre les Occidentaux et les Africains.
« Peu importe la couleur du chat, pourvu qu’il attrape les souris. » Cette citation préférée de Deng Xiaoping conditionne l’approche chinoise dans la conquête de l’Afrique. Celui que l’on avait surnommé « l’homme politique inébranlable de l’Asie » avait vite compris que « le fait de s’engager dans le capitalisme pourrait en effet enrichir certains Chinois, mais ne contribuerait absolument pas à améliorer le niveau de vie de l’écrasante majorité d’entre eux ». À cet effet, d’autres perspectives devraient à tout prix s’ouvrir à la Chine.  Et l’Afrique ferait bien l’affaire.

L’immobilisme de l’axe Nord-Sud

La Françafrique, à l’instar de Talleyrand s’appuyant sur l’épaule de Fouché, persiste encore. Cahin-caha, certes. Mais pour combien de temps ? Quant aux Anglo-saxons, ils se trouvent dans une mauvaise posture, surtout avec leur implication dans la déstabilisation de la République Démocratique du Congo. On peut aisément conclure que l’axe Nord-Sud, celui des bailleurs des fonds et du paternalisme, est en train de céder la place à une relation basée sur le transfert des technologies et la compétitivité. Et, dans ce domaine, les Chinois sont beaucoup plus pragmatiques que les Occidentaux. Ces derniers auraient pu garder le monopole en Afrique s’ils avaient su privilégier, du point de vue commercial, la solvabilité des pays concernés et la délocalisation de quelques branches professionnelles.

L’émergence de l’axe Sud-Sud

Au-delà du complexe de Fachoda[2], l’intérêt de la Chine pour l’Afrique est en train d’ouvrir une nouvelle ère et d’autres perspectives dans les échanges interplanétaires au détriment des affairistes et des barbouzes, des intérêts opaques, des familiarités coupables et criminelles, des fraternités douteuses… D’autant plus que, soucieux de diversifier leurs approvisionnements énergétiques, les Chinois ont engagé une politique africaine sans précédente. Depuis la présidence de Hu Jintao, plus de 100 000 Chinois travaillent en Afrique et les échanges sino-africains ont dépassé les 100 milliards de dollars américains[3].
Même s’il ne s’y arrête pas, la République Démocratique du Congo est très concernée par le voyage de Xi Jinping en Afrique. Ses vastes terres inexploitées et ses minerais[4] intéressent au premier chef l’empire du Milieu. Mais il fallait avant tout négocier avec la Tanzanie, qui reste la voie la plus appropriée et la moins coûteuse, pour évacuer les ressources congolaises vers la Chine. Ensuite il fallait s’harmoniser avec l’Afrique du Sud, dont l’implication dans la région des Grands Lacs n’a pour finalité que la mainmise sur les matières premières de ce géant aux pieds d’argile. Enfin, la visite du président chinois au Congo-Brazzaville a trait à la fois aux ressources pétrolières, au rôle du président Denis Sassou N’Guesso dans la Communauté économique des États d’Afrique centrale (CEEAC), à l’amélioration de la voie ferrée reliant Pointe-Noire à Brazzaville et à la construction, sur le fleuve Congo, du pont Kinshasa-Brazzaville.
Les Chinois ont de toute évidence compris que l’axe Sud-Sud, ce levier indispensable au développement économique et au positionnement géostratégique, pourra leur permettre de gagner la guerre sur les plans technologique et économique qu’ils sont en train de se livrer avec les États-Unis. Et les Africains, dans tout cela ?

La nouvelle géopolitique

Il ne faudra surtout pas que l’Afrique soit le dindon de la farce, dans cette guerre sournoise à laquelle se livrent sur son sol la Chine et les États-Unis. Quand deux éléphants se battent, n’est-ce pas l’herbe qui en pâtit ? En effet, l’offensive chinoise sur le continent africain consiste, entre autres, à mettre les Occidentaux devant le fait accompli et à obtenir d’eux certains avantages dans le domaine commercial en contrepartie de quelques concessions dans l’exploitation des richesses dont regorgent le sol et le sous-sol africains. Les peuples d’Afrique doivent se servirent des erreurs commises dans le partenariat avec les Occidentaux, pour éviter de négocier à perte avec les nouveaux venus.
Le passé étant ce qu’il est, l’Afrique doit plus que jamais prendre conscience de ses capacités, de ce qui fait sa force pour mieux affronter les enjeux du troisième millénaire. Ainsi les dirigeants africains doivent-ils se dire, comme l’ont compris les successeurs de Deng Xiaoping, que dans la réforme et l’ouverture sur l’extérieur, on doit faire preuve de plus d’audace et se tenir prêts à tenter de nouvelles expériences plutôt que de sombrer dans le solipsisme ou de cautionner ad vitam eternam l’exploitation des populations. Ils doivent profiter de la présence de la Chine sur leur continent, pour orienter au profit de leurs peuples la géopolitique en cours.

Gaspard-Hubert Lonsi Koko

Source : Jolpress

Notes

[1] La visite de Xi Jinping à Vladimir Poutine tient compte non seulement des rapports réciproques, mais surtout des intérêts partagés par les deux géants. Nul n’ignore que, au-delà des liens économiques, la Chine et la Russie, qui détiennent chacun un siège au Conseil de sécurité des Nations Unies, partagent une même approche sur les grandes affaires planétaires.
[2] Ce complexe remonte à la fin du XIXe siècle, quand la France tenta de devancer l’Angleterre dans la conquête du haut Nil (nom du Soudan à cette époque) et échoua à Fachoda, ayant ainsi scellé le partage des terres africaines entre Britanniques et Français. Frustrée d’avoir été stoppée dans sa progression à l’Est et au Sud par l’Empire de sa gracieuse Majesté, malgré l’entente cordiale de 1904, la France ne saurait oublier les ressentiments qu’elle n’avait cessé d’éprouver. Une vielle rancune de plus, diraient certains. Une question de principe au Quai d’Orsay, prétendraient d’autres, que l’humiliation de la défaite militaire en 1940, puis celle de la libération. Enfin, l’effondrement de l’Empire par la décolonisation et l’effacement relatif de la France qui s’en était suivi sur la scène internationale, où elle était devenue une puissance moyenne de second rang, loin de son rayonnement d’antan et de la nouvelle influence des puissances montantes comme la Chine, l’Inde, et bien sûr les États-Unis, n’ont cessé d’entretenir.
[3] On sait que le montant des échanges est passé de 7,7 milliards d’euros en 2000 à 128 milliards d’euros en 2011.
[4] Son sol et son sous-sol regorgent de ressources comme le cuivre, l’or, le diamant, le niobium, l’uranium, le cobalt, l’étain, la cassitérite, le coltan, le pétrole, le café, le cacao, les bois rares…

mardi 26 mars 2013

Dialogue national : La diaspora oubliée ?

Le groupe "Diaspora Congolaise Favorable au Dialogue"
Près de deux mois après que le président de l’Assemblée nationale et Secrétaire général de la Majorité Présidentielle, Aubin Minaku, ait débuté des consultations en prévision du dialogue national annoncé par le président de la République, en vue de réaliser la cohésion nationale pour faire face à la guerre de l’Est qui menace sérieusement l’intégrité territoriale, la diaspora congolaise n’a pas encore été conviée à ce rendez-vous.  Le contraire reste à prouver . Illustration de la méfiance du pouvoir à l’égard de la diaspora ? Dans un tel contexte, la question se pose.  
Depuis la mi-février,  le président de l’Assemblée nationale , Aubin Minaku,  a déjà invité un échantillon quasi représentatif de la population congolaise. Des partis politiques de la majorité et ceux de l’opposition -certains ont décliné l’invitation- des députées nationaux, des ministres, des mandataires d’entreprises, des organisations de la société civile… Voire, il a rendu visite au cardinal Laurent Monsengwo à son bureau au centre « Lindonge ». Les deux hommes auraient évoqué des pistes de solutions qui permettraient de répondre aux exigences de paix, de stabilité, d’unité auxquelles aspire le peuple congolais. Quid de la diaspora ?  
Officiellement, les autorités font tout pour permettre aux Congolais de  l’étranger de jouer un rôle de premier ordre dans la reconstruction du pays. Et leur participation  aux assises du dialogue national est vivement souhaitée. Mais dans les faits, la situation est différente.
L’attitude du président de l’Assemblée nationale à l’égard de la diaspora congolaise  ne traduit-elle pas  une méfiance du pouvoir envers cette composante de la société congolaise ? En tout cas, de nombreux observateurs avisés de la politique congolaise soutiennent cette hypothèse qui leur semble fort vraisemblable.  
A Kinshasa, ce qui est plausible, on se méfie des Congolais de l’étranger. On veut bien les laisser faire du « business » mais ils ne doivent surtout pas se mêler de la politique . Ils sont considérés comme peu contrôlables et leur implication dans la vie politique risquerait de mettre en évidence l’incompétence de certains dirigeants en poste.
« Ces Congolais feraient mieux de rester là-bas que de venir marcher sur nos plates-bandes », doivent-ils susurrer !

UNE DIASPORA TRES ACTIVE

Les statistiques montrent que la RDC compte plusieurs milliers de ses filles et fils qui vivent hors du territoire national, en Afrique comme ailleurs. Il ne faut pas sous-estimer l’importance de ces communautés congolaises installées un peu partout dans le monde. Aujourd’hui, c’est l’une des plus importantes diasporas au monde.
Au-delà de leur nombre, les Congolais de l’étranger possèdent une autre légitimité : parmi eux, on trouve un grand nombre d’intellectuels. Ils ont fait leurs preuves dans beaucoup de domaines. Et leur apport pour le pays, en crise, ne peut être que bénéfique.
Dans la lutte contre la balkanisation du Congo et contre les violations des droits humains, notamment les violences faites aux femmes, la diaspora occupe le devant de l’actualité et de la scène.
Il n’est pas prétentieux de dire que  grâce en partie aux nombreuses actions menées par les Congolais de l’étranger -depuis plusieurs années-  certains ennemis de la nation ont reculé ou retardent leur projet macabre visant à la balkanisation de la RDC.
Et force est de reconnaître que si le cri de détresse et d’amertume des compatriotes  de l’Est  - qui subissent les affres de la guerre- trouve d’écho sur le plan international, le relais est inévitablement cette diaspora congolaise mobilisée autour des associations et collectifs , des cercles de réflexion, des réseaux sociaux, des médias en ligne et autres mouvements de contestation politique en exil.

REUSSIR ENSEMBLE LE CONGO D’AVENIR

Aujourd’hui, des voix s’élèvent de partout, en Afrique, en Europe, aux Etats-Unis pour exprimer une certaine indignation et des craintes devant cet oubli de la part du président de l’Assemblée nationale qui feint d’ignorer l’existence d’une aussi importante  composante de la société congolaise.
Une chose est claire : si la diaspora revendique sa participation au dialogue national, c’est parce qu’elle veut apporter sa pierre à l’édifice du Congo en reconstruction. La situation que traverse la RDC, aujourd’hui,  ne peut laisser personne indifférente et ne peut s’éterniser.  
Les organisations des Congolais de l’étranger sont fiers que certaines de leurs suggestions débattues au cours des séminaires, colloques et conférences sur la situation économique, politique, sociale  et sécuritaire au Congo aient souvent été les bienvenues auprès des politiques Congolais - de la majorité présidentielle et de l’opposition - , qui au travers de leurs nombreuses déclarations, reprennent leurs idées et s’en approprient parfois le mérite.
D’ailleurs, il n’y a rien  d’anormal que la diaspora leur serve de Think Tank (un laboratoire d’idées) en vue de produire et diffuser des solutions politiques innovantes.
Ils partagent donc tout naturellement la même vision de ce que devrait être le Congo du futur !
Il est dès lors naturel qu’ils s’accordent sur une stratégie et synchronisent leurs actions respectives vers des objectifs communs. Dans l’intérêt de la RDC et du peuple congolais.
Au vu de l’implication  de la diaspora dans la vie nationale, rien ne peut justifier que celle-ci soit ainsi négligée dans le processus de préparation du dialogue national engagé par Aubin Minaku.
Il est donc capital que toutes les composantes de la sociétés congolaise soient consultées. Cette attitude  créerait  une atmosphère de quiétude et de sérénité entre compatriotes en vue de la réussite d’un véritable dialogue national inclusif et républicain. La réussite du Congo d’avenir en dépend.
                                                     
Robert Kongo , correspondant en France 

© Le Potentiel

vendredi 22 mars 2013

RD Congo : Président, « wapi » dialogue national ?

Dans son message du nouvel an, le président Joseph Kabila a rappelé le 31 décembre 2012 que la guerre imposée à la République Démocratique du Congo devait être une occasion, pour le peuple congolais, de s’unir davantage. Ainsi a-t-il précisé à juste titre qu’aucun résultat positif ne serait possible dans la division.

Entre-temps, l’on apprend du mandateur chargé des consultations en vue de la cohésion nationale, en l’occurrence le président de l’Assemblée nationale Aubin Minaku, la pensée du Chef de l’État quant audit dialogue. Les concertations nationales n’étant qu’une réunion comme tout autre, faut-il comprendre, elles auront lieu sur la base de la Constitution en son article 69. Plus explicitement, le fameux dialogue intercongolais serait réduit à une rencontre entre les différentes institutions étatiques. Et c’est là que les bâts blessent. Président, « wapi »[1] dialogue national ?

Une rencontre interinstitutionnelle

Pour Aubin Minaku, le recours à un dialogue inclusif et républicain ne se justifie pas. De plus, d’après le président de l’Assemblée nationale, les actuelles institutions de la République Démocratique du Congo découlent des élections de 2006 et 2011, de l’existence d’une Constitution acceptée par le peuple souverain à l’issue d’un référendum et préfigurent la perspective d’organisation d’autres élections (provinciales, locales, municipales, etc.). Or, constate-t-on, ces institutions, issues d’une élection bâclée, sont de plus en plus contestées par plus de 50 % d’électeurs. Au moment où l’incohésion nationale se cesse de s’amplifier, alors que l’unité du territoire national se fissure davantage, il serait imprudent de s’appuyer sur des institutions de plus en plus décriées qui n’inspirent guère confiance à la plus grande majorité.

Un référendum populaire ?

On est de facto en présence des deux tendances diamétralement opposées : la première privilégie un vrai dialogue national, tandis que la seconde préfère une concertation feutrée entre les professionnels de la politique. Ainsi tend-on, encore une fois, vers l’impasse avec tout ce que cela risque de comporter comme conséquences.
« On ne contourne pas un obstacle, mais l’on s’appuie dessus », disait le socialiste François Mitterrand. Le président Joseph Kabila ne rendra un très grand service à la République Démocratique du Congo que s’il recourt à un véritable dialogue inclusif et républicain sans pour autant que les assises afférentes ne sombrent dans les erreurs du passé du genre Conférence nationale (CNS)[2] indépendante ou Sun City[3]. Sinon, comme tout pouvoir émane du peuple, que la classe politique congolaise ait le courage de recourir à la voie référendaire, conformément à l’article 5 de la Constitution, pour déterminer la procédure appropriée s’agissant de la cohésion nationale et de la viabilité des institutions étatiques.

Gaspard-Hubert Lonsi Koko

Source : Jolpress

Notes :
[1] Dans les années 1960, les Congolais confrontés à une situation plus chaotique que pendant la colonisation belge ne cessaient d’interpeller en lingala, langue parlée à Kinshasa, les politiciens de l’époque en ces termes : « Wapi dipanda ? » (Où est l’indépendance ?). Aujourd’hui, ils demandent au président Joseph Kabila ce qu’est devenu le projet du dialogue intercongolais, pourtant promis la main sur le cœur.
[2] La CNS s’est étalée sur une année et demie, soit du deuxième semestre de 1990 à 1992, et avait réuni les forces vives de la nation zaïroise : les délégués représentant toutes les couches de la population, toutes les régions et la diaspora du Zaïre (Congo-Kinshasa).
[3] Les négociations de Sun City, conclu en 2002, ont accouché d’un accord bancal entre le Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba Gombo et le gouvernement de Kinshasa d’obédience kabiliste, après avoir exclu les autres forces armées, comme le principal groupe RCD-Goma d’Azarias Ruberua et les FONUS de Joseph Olenghankoy, ainsi que l’opposition non armée telle que l’Union pour la démocratique et le progrès social d’Étienne Tshisekedi wa Mulumba.

mardi 19 mars 2013

RD Congo, la victoire enfin au bout du canon ?

Jean-Marie Runiga[1] a été arrêté le dimanche 17 mars à Kigali[2], après avoir été délogé de son fief par la faction rivale du M23 sous les ordres du colonel rebelle Sultani Makenga. Quant au général rebelle Bosco Ntaganda[3], un proche du criminel Laurent Nkunda, il s’est réfugié le lundi 18 mars dans les locaux de l’ambassade américaine à Kigali où il a demandé à être transféré à La Haye pour y être jugé[4]. La neutralisation de Jean-Marie Runiga et de Bosco Ntaganda fait de Sultani Makenga, dont les troupes contrôlent désormais de la localité de Kibumba (à 30 km de Goma), le chef incontesté du M23 nouvelle version.
L'ex-général Bosco Ntaganda

Des fâcheux précédents

Le scénario auquel on est en train d’assister s’est déjà produit en 2009 lorsque Laurent Nkunda avait été arrêté à Kigali, après avoir été pourchassé par la faction dissidente du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) dirigée par son chef d’État-major Bosco Ntaganda qui, de facto, était devenu l’allié de Kinshasa. Aujourd’hui, Laurent Nkunda vit paisiblement à Kigali qui refuse de l’extrader vers Kinshasa. D’autres criminels ayant tristement sévi au sein du CNDP – dont Jules Mutebusi – se sont réfugiés au Rwanda où ils circulent en toute liberté. Le même privilège sera-t-il réservé à Jean-Marie Runiga ? Sultani Makenga deviendra-t-il le nouveau cheval de Troie, à l’instar de son prédécesseur Bosco Ntaganda ?
En tout cas, près de 600 rebelles, censés être des Congolais, fuyant des combats dans l’Est de la République Démocratique du Congo ont trouvé refuge au Rwanda voisin depuis le vendredi 15 mars. D’aucuns pensent qu’il s’agit d’une opération menée à dessein, une simple diversion pour exfiltrer les militaires rwandais qui combattaient officieusement dans la région du Kivu.
Le président du M23 déchu de ses fonctions, Jean-Marie Runiga
« Quand on ne sait pas où l’on va, on n’oublie pas d’où l’on vient », dit à juste titre un proverbe congolais. La fuite systématique des éléments du CNDP et du M23, vers le Rwanda, confirme ce que toutes les institutions régionales et internationales n’ont cessé d’annoncer : c’est-à-dire que tous ces mercenaires sont des pantins manipulés par le président rwandais Paul Kagame. Une seule possibilité s’offre donc à Kigali. Il doit extrader vers Kinshasa tous les criminels recherchés par le gouvernement congolais.

Du CNDP au M23

Les éléments du M23 sont issus du CNDP de Laurent Nkunda, une ancienne rébellion qui avait été montée de toutes pièces par les Tutsis avec la bénédiction de Kigali dans l’optique de déstabiliser la région du Kivu et d’infiltrer les institutions étatiques. Ces mutins – qui ont été intégrés, après la mascarade de l’arrestation de Laurent Nkunda à Kigali, dans l’armée nationale congolaise depuis le 23 mars 2009 – s’opposent aux Forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC), depuis mai 2012, dans le Nord-Kivu frontalier du Rwanda et de l’Ouganda.
D’abord sous la direction de l’ex-colonel Sultani Makenga, puis de Bertrand Bisimwa qui a succédé à Jean-Marie Runiga, ils reprochent au président congolais, Joseph Kabila, ne pas avoir tenu ses promesses. Ainsi réclament-ils, plus précisément, l’application de l’accord signé le 23 mars 2009 ayant trait au retour des réfugiés congolais basés au Rwanda, à une bonne démocratie et à la confirmation des grades des éléments du CNDP intégrés dans l’armée nationale congolaise.
L’ancien président du CNDP, Laurent Nkunda

Et après ?

Le rapport des forces est en train de changer dans la région du Kivu. Assiste-t-on à la réunification du M23 et son enracinement dans le vaste fief sous l’occupation des troupes de Sultani Makenga ? Cet avantage acquis sur le terrain poussera-t-il le nouvel homme fort du M23 à imposer sa volonté à Kinshasa, en obligeant le gouvernement congolais à signer un accord dans le prolongement des pourparlers de Kampala, au risque de s’installer pour très longtemps dans la partie conquise ? On n’est pas loin de penser qu’avec l’avènement de Sultani Makenga, si l’on n’intervient pas très vite militairement, on cautionnera soit la matérialisation de la balkanisation de la République Démocratique du Congo, soit la consolidation de l’infiltration des institutions étatiques par des éléments venus d’ailleurs.

L'ex-colonel Sultani Makenga
En tout cas, en ayant chassé Bosco Ntaganda et Jean-Marie Runiga de la région du Kivu, Sultani Makenga est tombé dans le piège mortel tendu par la communauté internationale. En effet, il a inconsciemment fait le sale boulot à la place des forces onusiennes et des FARDC. Dans pareille circonstance, Kinshasa n’a aucun intérêt à renouveler une expérience qui lui a déjà été fatale. Plutôt que de sombrer dans les erreurs du passé en composant avec la nouvelle version du M23, les autorités congolaises doivent doter les FARDC de moyens conséquents afin de mener une offensive foudroyante contre ces mutins, plus que jamais isolés, dont les parrains sont désormais liés par l’accord-cadre d’Addis-Abeba. Ainsi le gouvernement congolais doit-il façonner l’argile pendant qu’elle est encore humide. Sinon, le peuple congolais martyrisé ne comprendra pas que la victoire finale, qui plus est au bout du canon, lui échappe une fois de plus.

Gaspard-Hubert Lonsi Koko

Source : Jolpress


Notes :
[1] Président politique du M23, Jean-Marie Runiga a été démis de ses fonctions soi-disant pour avoir volé des fonds et soutenu une faction loyale à Bosco Ntaganda. Il est recherché par la Cour pénale internationale (CPI) pour le meurtre de civils lors d’un précédent soulèvement.
[2] Une soixantaine d’hommes de troupes ont été publiquement désarmés avant d’être acheminés dans des camps militaires rwandais, entre autres à Kibumba. Cette débandade a été précédée des affrontements très violents, où les hommes de Bosco Ntaganda ont perdu 150 hommes et ceux de Makenga une cinquantaine. Quant aux officiers – les colonels Baudouin Ngaruye, Rwagati, Badege, Muhirwe, Karagwa, Nyabirungu – ayant accompagné Jean-Marie Runiga dans sa fuite, ils ont été accueillis par leurs homologues rwandais avant d’êtré acheminés à Gisenyi par l’armée rwandaise.
[3] Soupçonné par le gouvernement congolais d’être à la tête du mouvement rebelle M23, Bosco Ntaganda, surnommé « Terminator », fait l’objet depuis 2006 de deux mandats d’arrêts de la CPI pour des crimes contre l’Humanité et des crimes de guerre : notamment l’enrôlement d’enfants soldats et des viols, commis dans les régions de l’Ituri et du Kivu au début des années 2000.
[4] Washington a pris contact avec la CPI et avec le gouvernement rwandais pour faciliter cette demande, a précisé Victoria Nuland, porte-parole du Département d’État.

mercredi 13 mars 2013

RDC : micmac dans la participation de la diaspora au dialogue national ?

Lors du message du Nouvel an adressé le 31 décembre 2012, le président de la République démocratique du Congo a souhaité un dialogue national dans l’espoir de consolider la cohésion nationale et de mieux faire face aux tentatives de déstabilisation de la région du Kivu. Joseph Kabila a demandé, à cet effet, au président de l’Assemblée nationale, Aubin Minaku, d’échanger avec les forces vives de la nation – l’objectif étant de récolter leurs doléances en vue des assises ou d’une adresse à la nation. 
La plus grande majorité de la classe politique et de la société civile basée dans le territoire national est donc en train d’être consultée. En revanche, aucun dispositif concernant les Congolais de l’étranger n’est mis en place pour connaître leurs desiderata. Ainsi risquent-ils d’être une fois de plus exclus, a-t-on l’impression, d’un du processus qui est censé aboutir à un dialogue national.

La diaspora, une extension du territoire national

Ces derniers temps, toutes les forces politiques, même les rebelles du Mouvement du M23, ont à juste titre revendiqué haut et fort la participation des Congolais de l’étranger à toute initiative ayant trait à l’avenir de la République Démocratique du Congo. La diaspora étant de facto devenue un maillon indispensable à la paix sociale, c’est-à-dire une énième circonscription administrative, il serait en effet injuste de continuer à l’exclure systématiquement de toute consultation à laquelle son apport et son expertise ne peuvent que constituer une pierre de plus à l’édifice. Malheureusement, semblerait-il, quelques kabilistes voudraient à tout prix écarter, du processus en gestation, leurs compatriotes vivant hors du territoire national.
Pour atteindre leur objectif, ils seraient en train de désigner des godillots à la solde de la majorité présidentielle, qui feraient de la figuration le moment venu. Ils souhaiteraient parler au nom de vrais acteurs de la diaspora à travers cette supercherie, en tant que représentants auto-désignés. C’est ainsi que l’on peut lire au moins deux fois par semaine dans un journal kinois, grâce à la complicité de quelques journalistes acquis à la cause, des articles vantant les supposés travaux des soi-disant groupes de réflexion basés dans des capitales européennes, dont les animateurs sont pourtant inconnus des Congolais vivant dans les pays concernés.

Le rôle des représentations diplomatiques

Les consultations entreprises par Aubin Minaku ne peuvent être crédibles que si elles reflètent réellement les souhaits de tous les Congolais, indépendamment de leurs lieux de résidence. Il serait plus logique que le président de l’Assemblée nationale fassent une tournée à l’étranger pour récolter toutes les propositions, lesquelles permettront au président de la République de prendre des orientations pouvant traduire la diversité de l’expression de ses compatriotes.
Au cas où les problèmes techniques ne permettraient guère à Aubin Minaku d’agir de la sorte, l’adresse électronique de l’Assemblée nationale étant inconnue et les services postaux défaillants, il serait souhaitable que le ministre des Affaires étrangères, Raymond Tshibanda, puisse donner des instructions aux ambassadeurs de la République Démocratique du Congo à travers le monde en vue de se procurer les cahiers des charges des Congolais de l’étranger. De plus, ces contributions constituent un facteur déterminant pour la désignation des acteurs en mesure d’apporter leur savoir-faire au processus en cours.

Gaspard-Hubert Lonsi Koko

Source : Jolpress

lundi 11 mars 2013

Pour un dialogue républicain et inclusif en RD Congo

Située au cœur de l’Afrique centrale, la République Démocratique du Congo, qui est traversée par l’équateur, a une superficie d’à peu près 2 345 409 km: soit quatre-vingts fois plus grande que la Belgique et cinq fois la France. Onzième État par sa taille, elle est grande comme la partie des États-Unis située à l’Est du Mississippi. Ainsi couvre-t-elle, d’Ouest en Est, un espace équivalent à la distance entre Paris et Prague. 
Les présidents Joseph Kasa Vubu, Mobutu Sese Seko, Laurent-Désiré Kabila et Joseph Kabila

Pourtant doté d’immenses ressources naturelles[1], le pays est le plus pauvre du monde. En effet, plus de 71 % des Congolais vivent avec moins d’un dollar américain par jour. Selon le Rapport mondial sur le développement humain de 2011, l’indicateur de développement humain (IDH) du pays est de 0,286 et l’indice de pauvreté multidimensionnelle (IPM) de 0,393 %[2].
Les conflits entre groupes armés ne cessent de déstabiliser la partie orientale de la République Démocratique du Congo depuis 1996. La situation humanitaire et sécuritaire y est très préoccupante avec des violations de droits fondamentaux de la personne humaine[3]. En proie à une crise post-électorale et aux ingérences extérieures qui affaiblissent davantage les institutions étatiques, l’incohésion nationale et le défaut de patriotisme exposent le pays à une éventuelle balkanisation.

Mauvaise préparation du scrutin de 2011

Depuis l’indépendance de la République Démocratique du Congo, la communauté internationale y joue sans cesse un rôle majeur. Elle a soutenu la transition politique de 2003 à 2006, puis a accompagné les institutions issues des élections de 2006. Le 18 mai 2011, devant le Conseil de Sécurité des Nations Unies, Ban Ki-moon déclarait au sujet du scrutin programmé par le gouvernement congolais : « Ces élections doivent avoir lieu dans les délais, être transparentes et crédibles, se dérouler dans la paix et la sécurité, et offrir à tous les Congolais l’occasion de participer librement, sans crainte d’être victimes de harcèlement ou de violence. Nous devons tout mettre en œuvre pour garantir que la violence n’éclate pas avant, pendant ou après les élections... ».
Telle une sonnette d’alarme, cet avertissement faisait référence aux inquiétudes soulevées par le calendrier électoral publié le 30 avril 2011 par la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI). Le Secrétaire général des Nations unies a entre-temps posé un début de diagnostic qui méritait d’être approfondi avec objectivité.
Mais aucune précaution n’a été prise, s’agissant de l’éventualité de la manipulation, de la contestation et du rejet des résultats. Rien n’a été non plus pris en compte, à propos des facteurs internes et externes. De plus, on aurait dû s’interroger, d’une part, sur les conditions susceptibles de permettre la tenue du scrutin dans un climat apaisé.
D’autre part, on aurait pu déterminer le rôle de la communauté internationale en vue des élections fiables, crédibles, justes et transparentes. L’objectif aurait consisté à mesurer l’adéquation entre les problèmes identifiés et les solutions proposées, quant à la fiabilité et à la faisabilité. Ainsi était-il nécessaire de définir en termes identiques le cadre, le rôle et les missions dévolues à chaque institution et d’évaluer le niveau d’implication de chaque intervenant institutionnel tout en s’adonnant à un travail pédagogique de vulgarisation et de sensibilisation.

Tripatouillage et bricolage

Pour se maintenir au pouvoir, la majorité kabiliste à l’Assemblée nationale et au Sénat a modifié l’article 71 de la Constitution – ayant ainsi adopté le mode de scrutin présidentiel à un tour. Le Parlement a aussi voté en juin 2011 une nouvelle loi électorale qui régirait les scrutins prévus pour le 28 novembre 2011 – s’agissant de la présidentielle et des législatives – et la mi-2013, quant aux autres élections.
Les parlementaires sortants se sont arrangé, dans la foulée, pour conditionner la validité d’une candidature à un minimum de cinq ans dans les domaines politique, administratif et économique à défaut du cursus universitaire ou autre capacité. Or, dans un pays où l’instruction n’est pas à la portée des trois quarts de la population, où l’État est incapable de créer des emplois, seul le suffrage populaire peut permettre l’égal accès à la représentativité électorale.
Conditionner le mandat électif en privant des milliers d’individus de leurs droits, c’est fouler sous le pied la règle universelle qui veut que le peuple soit le souverain primaire. En ayant exclu d’office les Congolais de l’étranger de leurs droits civils et politiques, après avoir accordé aux Congolais de l’intérieur le droit de vote et privé en même temps un bon nombre d’entre eux du droit d’être éligibles, la nouvelle loi électorale a violé les articles 5, 6, 11, 12, 50, 66 et 102 de la Constitution congolaise.
« Summum jus, summa injuria »[4], disait Cicéron. En effet, rien n’est plus injuste qu’une loi qui génère des injustices. En droit, la loi désigne une règle juridique suprême, générale et impersonnelle. Et, lorsqu’une loi est régulièrement adoptée, seul le législateur, ou une autorité supérieure, peut la défaire ou la refaire selon la règle pratique du « parallélisme des formes ».
En conséquence, une autre autorité peut passer outre, ou modifier la loi, dès lors qu’elle est inconstitutionnelle. Le président de la République Démocratique du Congo, « garant du respect de la Constitution » conformément à l’alinéa 2 de l’article 69, aurait donc dû demander au gouvernement et au Parlement soit de revoir leur copie, soit de rejeter l’abrogation de l’ancienne loi électorale.
On sait d’emblée qu’une élection présidentielle à deux tours permet aux électeurs de se prononcer une seconde fois en faveur de leur candidat préféré ou même de changer entre-temps d’avis quant à leur préférence. Ainsi donne-t-elle aux partis politiques et à l’électorat l’occasion de s’ajuster aux éventuels changements de l’environnement politique entre les deux tours de scrutin.
Pour l’éditorialiste Colette Braeckman, « malgré le coup de force qu’a représenté le changement de la Constitution, […] l’opposition gardait une chance de modifier la donne ». Cela aurait été envisageable en cas de désignation d’un candidat unique de l’opposition. Force est de constater que tous les ingrédients favorables à une crise post-électorale étaient réunis. Le tripatouillage des dispositifs légaux et le bricolage dans l’organisation du scrutin étaient la source des tensions et conflits ayant entaché les résultats du scrutin du 28 novembre 2011, au lieu de garantir la légitimité des personnes qui seraient élues. Dans pareilles circonstances, la réélection de Joseph Kabila ne pouvait qu’être contestée par une opposition représentative de plus de 50 % d’électeurs.

La crise de légitimité politique

L’opposition politique, qui a recueilli les voix de plus d’un tiers de l’électorat en 2006 et de plus de la moitié d’électeurs en 2011, n’a pas été à la hauteur dans l’instauration d’un contre-pouvoir efficace, gage de la stabilité du Congo. Si en 2006 la volonté de jouer son rôle a été compromise en raison du recours systématique à la force contre ses partisans, de l’exil de Jean-Pierre Bemba et de la réticence de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) d’Étienne Tshisekedi wa Mulumba, cette opposition a été victime en 2011 d’un scrutin faussé dès le départ et de la mauvaise gestion de la crise post-électorale.
Des critiques se sont élevées contre la communauté internationale, soupçonnée d’avoir cautionné les fraudes ayant permis la réélection de Joseph Kabila. Le rôle des observateurs internationaux, qui se sont contentés de faire des appréciations s’agissant du scrutin du 28 novembre 2011, ne devait pas consister à agir à la place des institutions congolaises. N’ayant disposé du droit de certifier les résultats, comme cela fut le cas en Côte d’Ivoire, la communauté internationale ne pouvait que se fier à la décision des organes censés les proclamer et les confirmer.
Est-il que les personnes averties savaient que le second mandat de Joseph Kabila serait difficile, au cas où les parlementaires joueraient consciencieusement, en toute objectivité, leur rôle de représentants du peuple. Mais, l’esprit de lucre ayant primé, le Parlement est resté godillot.
À qui doit-on donc la légitimité du pouvoir kabiliste ? On peut se demander à juste titre à qui incombe réellement la faute, quant à la désunion de l’opposition et à l’hypocrisie de la communauté internationale, à propos de la crise politique et de l’insécurité en cours en République Démocratique du Congo. En l’absence d’un vrai projet de société, l’opposition s’est illustrée par un soutien aveugle, à la limite du fanatisme, à des individus.
Une telle impasse a fini par encourager le recours aux armes, accentuant de facto, à travers la déstabilisation de la région du Kivu, la possibilité d’une balkanisation du territoire national. S’agissant de la crise politique qui handicape l’avenir du Congo-Kinshasa, on doit surtout réfléchir au mode de l’élection du président de la République. Doit-il être élu à l’issue d’un scrutin à un tour ou à deux tours ? Faut-il recourir aux grands électeurs, dans un pays dont les infrastructures et les moyens de communication relèvent encore du Moyen-âge ?

Sous l’arbre à palabre

Le fait que l’Histoire soit un perpétuel recommencement ne doit nullement cautionner l’amnésie. Le drame qui est en train de se dérouler dans la région du Kivu rappelle tristement les manœuvres ayant permis la chute du pouvoir mobutiste en 1997. Force est de constater la ressemblance du scénario actuel avec celui qui a été mis en scène, par les mêmes acteurs, il y a de cela dix-sept ans. Personne n’ignore que le peuple congolais est en train de subir, aujourd’hui, les conséquences des anciens alliés de Laurent-Désiré Kabila, le sulfureux tombeur du maréchal Mobutu Sese Seko.
Un peuple ne sera jamais libre tant qu’il n’aura pas pris en main son destin. Effectivement, pour devenir autonome, le peuple congolais doit à tout prix concevoir une révolution à la fois identitaire, culturelle et économique. À cet effet, le dialogue inclusif doit lui offrir non seulement la possibilité de laver le linge sale en famille, mais surtout l’opportunité de mettre en place un projet cohérent sur l’efficacité et la viabilité des institutions étatiques.
Il faut donc de l’innovation dans la gestion du Congo du troisième millénaire. Raison pour laquelle il faudra s’employer à éveiller les consciences, à faire évoluer les mentalités. L’idéal, c’est de réinventer la manière de faire de la politique ; c’est de rendre possible une alternative crédible afin de faire émerger un projet de société d’avant-garde fort, humaniste et fraternel.
Comme le patriotisme s’impose à ceux qui veulent absolument éviter la balkanisation, les assises que propose Joseph Kabila ne devront pas se transformer en une banale distraction de plus, semblable à la conférence nationale souveraine (CNS) à l’époque du maréchal Mobutu ainsi qu’à l’Accord Global et Inclusif sur la transition de Sun City ayant abouti au calamiteux système « 1 + 4 ».
Le dialogue entre Congolais ne doit pas être une occasion de se partager les portefeuilles, mais un moment historique qui proposera des axes sur la défense et la sécurisation du territoire national, la protection des plus faibles. Il doit permettre des réformes innovatrices sur le plan économique, soucieuses du bien-être du peuple congolais et initiatrices d’un monde plus juste et pacifié. Quoi qu’il arrive, le véritable élan libérateur doit prévaloir. De plus, la chaîne des générations, s’agissant de la défense de grandes causes, ne doit en aucun cas se rompre. De toute évidence, le combat pour le Congo du XXIe siècle doit être la principale mission du peuple congolais.

Gaspard-Hubert Lonsi Koko

Source : Jolpress

Notes :


[1] Son sol et son sous-sol regorgent de ressources comme le cuivre, l’or, diamant, le niobium, l’uranium, le cobalt, l’étain, la cassitérite, le coltan[1], le pétrole, le café, le cacao, les bois rares…
[2] D’après le PNUD, la République Démocratique du Congo occupe le 168ème rang sur 177 en termes de développement humain.
[3] Plus de 6 millions de morts, plusieurs milliers de femmes et de filles violées, des milliers d’enfants enrôlés de force par des groupes armés, plus de 2,5 millions de personnes déplacées dans la seule région du Kivu et près de 500 000 Congolais réfugiés dans les pays voisins…
[4] « Comble du droit, comble de l’injustice ».

mardi 5 mars 2013

Dialogue national : la diaspora congolaise revendique sa participation

Les Congolais de la diaspora réunis au sein du groupe « La diaspora congolaise favorable au dialogue » (DCFD) revendique sa participation, comme « composante à part entière », au dialogue national initié par le chef de l’Etat.

Dans un communiqué de presse publié à Paris le 2 mars, les Congolais de la diaspora, réunis au sein du groupe « La diaspora congolaise favorable au dialogue », ont planché sur la tenue du dialogue national visant à renforcer la cohésion nationale face à la guerre d’agression imposée à la République démocratique du Congo par le Rwanda et l’Ouganda et au danger de sa balkanisation.

« Pour mieux faire face à la crise des institutions et à l’agression auxquelles la République démocratique du Congo est confrontée, seul un Dialogue inter congolais, sous forme de forum ou d’assemblée, apportera des solutions aux problèmes qui se posent au Congo », lit-on dans le communiqué.

Conscients des enjeux de l’organisation de telles assises, le groupe « la diaspora congolaise favorable au dialogue » composé de  Gaspard-Hubert Lonsi Koko, Ferdinand Lufete, Emmanuel Mutombo (France), Rémy Luvumbu, Augustin Mukamba (Suisse), Herman Nzeza Malungidi, Dieudonné Pengo et Omer Kanyinda (Angleterre)  revendique, avec force et vigueur, sa participation au dialogue national, comme « composante à part entière », en vue d’« apporter la contribution des Congolais de la diaspora à la situation socio-économico-politique et sécuritaire que traverse la République démocratique du Congo ».

Compte tenu de l’état du délabrement des institutions en République démocratique du Congo, Gaspard-Hubert Lonsi Koko et son comité envisagent la réconciliation nationale, du point de vue politique, comme « un moyen par excellence de la reconstitution  de la souveraineté de l’Etat », «  une solution matricielle de la concorde nationale ».

SOUHAITS 

A cet effet, le groupe « la diaspora congolaise favorable au dialogue »  manifeste trois souhaits. Dès l’abord, « non seulement que le dialogue national se tienne en République démocratique du Congo, mais que sa médiation soit surtout assurée par des Congolais et placée sous l’observation de la communauté internationale. » Ensuite, « l’organisation de ces assises nationales doit être  financée par l’Etat congolais. » Enfin, « avoir des éclaircissements sur les conditions d’accueil des participants, de leur sécurité, et des garanties politiques à leur égard ».

Il entend présenter ses propositions, qui se déclinent autour des « valeurs républicaines et humanistes », dans le cadre d’un dialogue qu’il souhaite « inclusif et républicain », et dont l’objectif  devra être de  « rassembler le peuple congolais et de réussir le Congo d’avenir ».

Pour Gaspard-Hubert Lonsi Koko et son comité, il ne doit pas s’agir d’« un partage systématique des portefeuilles ministériels et autres fonctions dans les institutions de la République ou l’arbitrage  entre des factions rivales en vue d’une éventuelle légitimité. Mais plutôt d’un forum où l’on viendra faire des propositions d’avant garde pour maîtriser les causes ayant contribué à l’affaiblissement de l’Etat, à la fracture sociale, à l’incohésion nationale et au risque de balkanisation du pays ».

Pour conclure son communiqué, le groupe « la diaspora congolaise favorable au dialogue » souhaite vivement « parvenir à un consensus qui puisse permettre, au-delà des divergences, une réelle réconciliation nationale ».


Les Congolais de la diaspora réunis au sein du groupe « DCFD » (Photo Robert Kongo)

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