RUGARI (RDCongo) - "Des
femmes et des filles sont violées par le M23. Ils pillent nos chèvres ou
nos biens dans nos maisons", se plaint un habitant de Rugari, une ville
de la province instable du Nord-Kivu, dans l'est de la République
démocratique du Congo,
où opère une rébellion depuis mai.
où opère une rébellion depuis mai.
Les
rebelles Mouvement du 23 mars (M23) contrôlent une partie du Rutshuru,
territoire situé dans le Nord-Kivu. Les habitants de cette région
agricole verdoyante, qui vivent de la culture de fruits et de légumes et
de l'élevage de chèvres et de vaches, dénoncent, discrètement,
exactions, viols et pillages.
Le M23 est composé essentiellement d'anciens membres du Congrès national pour la défense du peuple, une ex-rébellion intégrée dans
l'armée nationale de RDC en 2009. L'ONU accuse le Rwanda et l'Ouganda,
pays voisins de la région du Rutshuru, de soutenir le M23, ce que
démentent Kigali et Kampala.
Samedi, le président du M23, Jean-Marie Runiga, a annoncé que son bras armé changeait de nom et était rebaptisé "Armée révolutionnaire du Congo".
Les combats entre l'armée et le M23 ont fait plus de 300.000 déplacés et réfugiés. Les affrontements sont rares depuis juillet mais les populations reviennent au compte-goutte, et de nombreuses maisons et commerces restent fermés. Mais, signe qu'une certaine normalité s'installe, les écoles rouvrent.
Avant
la rentrée, début septembre, le M23 avait encouragé les parents à
scolariser leurs enfants et, après une reprise timide, on observe
désormais un peu partout des jeunes en uniforme bleu et blanc qui vont
ou viennent de l'école, cartable ou dos, et jouant parfois en cours de
route.
Mais l'habitant de Rugari, qui comme beaucoup, ne donne pas son nom, n'est pas rassuré. "J'accompagne ma fille au camp de Kanyarucinya,
où restent ma femme et mes autres enfants: même des petites filles sont
violées", affirme-t-il en charriant deux gros sacs de charbon sur un
vélo, avec l'aide d'un proche et de sa fille.
"Chez
moi, il n'y a pas beaucoup de viols. Mais à Rugari, il y a des viols de
femmes à grande échelle", renchérit un habitant d'une localité proche. Il ne précise pas directement qui, d'après lui, en sont les auteurs, mais il soupçonne le M23.
Dans la capitale régionale du Nord-Kivu, Goma, Justin Paluku, gynécologue-obstétricien à l'hôpital Heal Africa, a estimé récemment
que 5.000 femmes avaient été violées depuis le début de l'année, et que
cette hausse "dramatique" était due au regain d'instabilité qui a suivi
la création du M23.
Outre les viols, le M23 est accusé de recrutement d'enfants soldats et d'exécutions sommaires par l'ONG Human Rights Watch.
Reporters
sans Frontières et Journaliste en Danger s'inquiètent par ailleurs du
"climat d'insécurité" dans lequel les journalistes locaux font leur
travail.
Le président du
M2 Jean-Marie Runiga réfute les accusations: "Jusque-là, il n'y a pas
d'exactions" et si jamais elles arrivaient les responsables seraient
"jugés et condamnés", dit-il. Il a aussi promis de sanctionner ses
hommes qui menaceraient des journalistes.
Face aux feu des critiques, le M23 tente de donner des gages de confiance. A Rutshuru-centre, des panneaux neufs siglés "M23" annoncent:
"Luttons contre la corruption", en français, anglais, swahili et
kinyarwanda. Des taxes et impôts assimilés à des "tracasseries" ont été
supprimés mais un système de péage a été instauré.
"C'est
5 dollars pour un minibus, 20 pour les camions, et cela peut aller
jusque 50 pour les très gros camions", explique Benjamin Mbonimpa, l'administrateur du territoire désigné en juillet par le M23.
Dans
les rues de Rutshuru, l'ambiance paraît calme. "On ne voit absolument
rien de mal concernant le M23, mais les gens ont peur à cause de tout ce
qui s'est passé... Ils n'ont pas confiance", dit à voix basse un
commerçant de la ville, qui affirme n'avoir jamais entendu parler de
viols.
Calme aussi à
Bunagana, un important poste-frontière avec l'Ouganda, qui a été le
théâtre d'âpres combats. La vie tourne au ralenti, comme à Rutshuru et
d'autres zones conquises par le M23. "C'est la crise! Il n'y a plus rien
comme avant !", se plaint une restauratrice.
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