Dans l’interview qu’il vient d’accorder à Œil
d’Afrique, Gaspard-Hubert Lonsi Koko se montre pragmatique dans le choix
budgétaire en vue de l’exercice 2015. A cet effet, il allie politiquement le
dynamisme économique à la justice sociale.
Œil d’Afrique : Le Premier ministre
congolais, Augustin Matata Ponyo, a proposé un budget de 9 milliards USD pour
l’exercice 2015, alors que vous proposez
12,5 milliards USD. Comment avez-vous fait pour trouver les 3,5 milliards
USD ?
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Dans l’absolu, en prenant en compte les estimations selon lesquelles le
Trésor public perd plus de 11,13 milliards USD par an, le budget de la
République Démocratique du Congo pour l’exercice 2015 devrait s’élever à plus
de 23,63 milliards USD. Mais il serait absurde d’acheter la chikwangue (le bâton
de manioc) pour le poisson que l’on n’a pas encore pêché. Fort de ce constat,
j’ai privilégié l’option qui consiste à récupérer progressivement, en cours de
mandature, les sommes inutilement gaspillées ou alors détournées. Mon souhait
le plus cher, c’est que le budget prévisionnel que je propose aux Congolaises
et aux Congolaises puisse être révisé en hausse, dans les trois premiers mois
de son application, à la suite d’une gestion rigoureuse et sérieuse de la chose
publique.
Œil d’Afrique : Qu’est-ce qui prouve
l’exactitude de vos chiffres, d’autant plus que le Premier ministre a
l’avantage de disposer des chiffres non connus de l’opposant que vous
êtes ?
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Un budget correspond en principe aux dépenses réelles et croit chaque
année par rapport aux besoins du pays. L’information gouvernementale étant une
source parmi tant d’autres, j’ai fait mes prévisions en fonction de tous les
éléments – aussi bien internes qu’externes – en ma possession. En tout cas, les
prévisions que j’avance tiennent compte non seulement des différentes
hypothèses de croissance, mais aussi de nombreux gaspillages de l’argent du
circuit officiel, de la corruption, du détournement des fonds publics… Tous ces
facteurs ont conduit à ce que je puisse précautionneusement tabler le budget de
la République Démocratique du Congo, dans un premier temps, à 12,5 milliards
USD pour l’exercice 2015. Par rapport à la loi de règlement de l’exercice clos,
je ne serai pas surpris que mes observations soient prises en compte soit dans
la loi de finances initiale, soit dans la loi de finances rectificative.
Œil d’Afrique : Comment se fait-il
que le Premier ministre mise sur 48 milliards USD de recettes sur les 5 ans
tandis que votre pronostic est de plus de 65 milliards USD pour la même période ?
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : L’équation est simple. Elle est claire et limpide comme de l’eau de roche.
Si le gouvernement en place à Kinshasa est en mesure de dilapider plus de 11,13
milliards USD en une année, on peut a contrario économiser la même somme à
chaque exercice budgétaire pendant tout le quinquennat. Ce n’est qu’une
question de volonté politique et du désintérêt personnel au profit de l’intérêt
de l’Etat, de la capacité à maîtriser les circuits informels en rapport avec la
fuite des capitaux. Je ne préconise nullement plus de 65 milliards USD des
recettes pour le simple plaisir d’amuser la galerie. Cette préposition est le
résultat d’un cheminement gestionnaire mûrement réfléchi.
Œil d’Afrique : Pourquoi, malgré
votre pragmatisme, les 65 milliards USD que vous proposez dans 5 ans restent
néanmoins inférieurs au budget de l’Angolais pour l’exercice 2014 ?
Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Le budget de l’Angola n’a pas atteint cette année plus de 70 milliards
USD par l’opération du Saint-Esprit. Cela est dû à un long processus basé
sur une exploitation efficace et une commercialisation sérieuse des minerais.
Le gouvernement angolais a su investir l’argent des produits exportés dans les
infrastructures publiques. Mon ambition, c’est que la croissance économique
contribue largement au bonheur du peuple congolais. Elle doit à tout prix
améliorer les conditions matérielles et intellectuelles de nos compatriotes. La
cohésion sociale, c’est la finalité de la vision que j’ai, à très court terme,
de l’avenir des Congolaises et des Congolais.
Propos recueillis par Roger Musandji
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