vendredi 1 août 2014

RD Congo : la cornélienne situation de l’opposition au regard de la révision constitutionnelle

En République Démocratique du Congo, la majorité présidentielle se mobilise en faveur de la révision constitutionnelle dans l’optique de permettre à Joseph Kabila de se représenter à l’élection présidentielle de 2016 et de remporter haut la main les scrutins de 2015. Ainsi le président de l’Assemblée nationale, Aubin Minaku, et le ministre de l’Intérieur, Richard Muyej, ainsi que le secrétaire général du PPRD[1], Évariste Boshab, sensibilisent-ils les affidés de la majorité présidentielle sur le bien-fondé de la révision de l’article 220 de la Constitution du 18 février 2014[2]. Plus entreprenant que les autres thuriféraires de la mouvance kabiliste, Évariste Boshab, dans une adresse aux membres de son parti politique, argument que le fait de « réviser la Constitution, c’est aussi la respecter » – cet exercice pouvant « se faire par voie référendaire ».
Nul n’ignore que la majorité kabiliste est prête à tout, comme dans le passé, pour se maintenir au pouvoir. Que peut faire, dans pareille circonstance, les opposants à la révision de l’article 220 de la Constitution ? De prime abord, pour contrer les velléités de la majorité présidentielle, deux alternatives sont possibles.

La pétition

La première alternative consiste à s’appuyer sur quelque dispositif constitutionnel. Il est évident que l’opposition doit profiter de la volonté de la majorité présidentielle pour imposer légalement le rapport de force. De plus, l’article 27 de la Constitution du 18 février 2006 accorde à tout Congolais le droit d’adresser individuellement, ou collectivement, une pétition à l’autorité publique qui y répond dans les trois mois. Ce procédé a l’avantage de protéger les auteurs de la pétition contre toute « incrimination, sous quelque forme que ce soit, pour avoir pris pareille initiative ». En agissant de la sorte, l’opposition évaluera ses véritables capacités à se mobiliser et à se rassembler autour d’une cause commune. La réussite d’une telle entreprise lui sera davantage bénéfique pour les prochains enjeux électoraux. Les signes du temps laissent supposer que l’opposition, si elle s’y prend bien, pourra obtenir gain de cause. En effet, le fait pour la Commission électorale nationale indépendante de vouloir imposer un scrutin indirect en vue des prochaines élections laisse supposer l’impopularité du régime en place à Kinshasa.

Le référendum populaire

La seconde alternative consiste à laisser la majorité présidentielle recourir au référendum populaire en vue de la révision constitutionnelle. De ce fait, le régime kabiliste étant cette fois-ci décrié par la communauté internationale, celle-ci devra surveiller attentivement le déroulement du processus qui pourra aboutir à une large victoire de l’opposition. Dans cette perspective, le pouvoir en place à Kinshasa sera désavoué et n’aura que la démission, aussi bien du président de la République que du gouvernement, comme seule possibilité. Si elle est risquée pour l’opposition, cette option peut néanmoins représenter l’issue fatale susceptible de provoquer les conditions du sabordage, avant l’année 2016, du bateau ivre qu’est devenu le régime congolais.

La crédibilité de l’opposition

Dans ces deux cas de figure, la crédibilité de l’opposition est en jeu. Celle-ci se trouve de facto confrontée à un dilemme. Soit elle parvient à mettre la majorité présidentielle sous l’éteignoir, et la voie menant vers l’alternance politique s’ouvrira pour le plus grand bonheur du peuple congolais. Soit elle brille encore une fois par sa médiocrité, et les kabilistes risqueront de se maintenir au pouvoir pour longtemps avec ce que cela comportera comme souffrance, appauvrissement et humiliation des Congolaises et des Congolais. Cette cornélienne situation est une épreuve décisive dans la mesure où elle pourra permettre à l’opposition congolaise de gagner enfin en crédibilité, de faire oublier l’inertie et l’amateurisme qui ne cessent de la caractériser.

Gaspard-Hubert Lonsi Koko

Notes
[1] Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie.
[2] Cet article interdit toute modification du mandat du président de la République qui plus est limité à deux.

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