lundi 26 novembre 2012

Sommet de Kampala au sujet de la RDC : de qui se moque-t-on ?

À l’issue du sommet des pays de la région des Grands Lacs qui s’est tenu le 24 novembre à Kampala, les chefs d’État concernés ont demandé aux éléments du M23 de quitter la ville de Goma dans les 48 heures et ont prié leur homologue congolais, Joseph Kabila, d’écouter les revendications des agresseurs. Mais ces derniers exigent un dialogue, avant d’envisager leur retrait de la capitale de la province du Nord-Kivu.
Le chef de la diplomatie congolaise, Raymond Tshibanda, a estimé que les négociations porteraient sur la mise en œuvre de l’accord du 23 mars 2009[1], après le retrait du M23 de Goma. Mais le président du M23, Jean-Marie Runiga, a affirmé que le retrait de Goma devrait être le résultat des négociations relatives à un dialogue inclusif avec la société civile congolaise, l’opposition et la diaspora sur tous les sujets qui touchent à la vie publique[2].

La déclaration finale du sommet de Kampala

Le texte appelle Kinshasa à négocier avec le mouvement du M23. Ces négociations doivent permettre de répondre aux revendications légitimes selon la déclaration finale de la rébellion. De son côté, le M23 doit mettre fin aux combats dans l’Est de la RDC et quitter Goma. Les chefs d’État de la région des Grands Lacs ont également appelé les rebelles à retirer leurs troupes dans un rayon de 20 kilomètres autour de la capitale provinciale du Nord-Kivu et ce dans les 48 heures. Les mesures demandées concernent aussi le déploiement à l’aéroport de Goma, d’une force composée de soldats congolais, de rebelles du M23 et d’une force neutre qui serait définie plus tard. La police de Goma doit enfin être réarmée pour pouvoir reprendre ses activités en ville. Tout cela sous la supervision des chefs d’états-majors congolais, rwandais et ougandais.

Confusion dans la dénomination et abdication de Joseph Kabila

La délégation congolaise n’a même pas osé affirmer que la RD Congo n’est pas victime d’une rébellion, mais plutôt d’une agression de ses voisins rwandais, burundais et ougandais. Effectivement, il n’est plus un secret pour personne, ce sont les éléments de l’armée rwandaise qui combattent sur le sol congolais. Le M23 est donc une fabrication rwando-ougandaise pour permettre l’occupation de la région du Kivu.
Si les éléments du M23 sont des rebelles congolais, ils ont violé l’article 64[3] de la Constitution. En conséquence, on doit tout simplement les faire condamner par les tribunaux congolais. S’ils ne sont pas Congolais, il s’agit bel et bien d’une agression venant de l’extérieur. Cela nécessite des poursuites judiciaires, de la part des autorités congolaises, auprès des tribunaux appropriés.
Par ailleurs, la RD Congo étant un pays souverain, l’armée congolaise doit être déployé sur l’ensemble du territoire national sans exception. Le fait de se contenter du retrait du M23 de la seule ville de Goma démontre l’abdication de Joseph Kabila.

Complicité avec les agresseurs ?

Le texte final du sommet de Kampala demande au M23 de quitter la ville de Goma, mais lui reconnaît le droit de se déployer à l’aéroport de Goma. Cet oxymoron est indéniablement très significatif. L’ambiguïté de cette clause permettra au Rwanda et à l’Ouganda d’être au courant de l’acheminement des armes en vue de la pacification de la région du Kivu.
Comment la délégation congolaise a-t-elle pu admettre que les chefs d’états-majors des pays qui soutiennent le mouvement du M23, en l’occurrence le Rwanda et l’Ouganda, puissent participer à la supervision du processus concernant la réarmement de la police de Goma ? Pourquoi la force neutre – qui pourrait bien être représentée par la Monusco, ou par une autre force armée ne comprenant aucun voisin impliqué dans l’agression de la RD Congo – est-elle absente de ce processus ? En ayant cautionné les conclusions de ce sommet, lesquelles ont mis la charrue avant les bœufs, les autorités congolaises ont innocenté les agresseurs. Pis encore, elles ont confirmé leur propre complicité dans les différentes tentatives du démembrement de la République Démocratique du Congo. Ainsi Joseph Kabila et sa délégation ont-ils accepté l’inacceptable.

Remédier au droit de regard des agresseurs

Franchement, de qui se moque-t-on ? Il est évident que le texte final du sommet de Kampala avantage les agresseurs. En effet, les parrains du M23 auront un droit de regard dans les affaires intérieures de la République Démocratique du Congo. Au vu des arguments avancés supra, on est en droit de se demander les véritables raisons ayant poussé les autorités congolaises à cautionner un accord qui non seulement est défavorable à leur pays, mais hypothèque d’ores et déjà la possibilité d’une paix durable dans la région des Grands Lacs. Il est impératif d’empêcher la mise en place de l’accord de Kampala. Le Parlement congolais doit demander en urgence, à cet effet, des explications au gouvernement de Matata Ponyo. À défaut, pour honorer le sang versé par les agresseurs, les Congolaises et les Congolais doivent se lever et mettre un terme à un complot qui vise, on en a maintenant la certitude, la balkanisation de la République Démocratique du Congo. Le patriotisme les y oblige.

Gaspard-Hubert Lonsi Koko

© Jolpress

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[1] Voir également : RDC - M23 : Regard sur le fameux Accord du 23 mars 2009 entre le Gouvernement et le CNDP.
[2] C’est-à-dire la démocratie, les droits de l’homme et la gouvernance.
[3] L’article 64 de la Consitution de la RD Congo stipule : « Tout Congolais a le devoir de faire échec à tout individu ou groupe d’individus qui prend le pouvoir par la force, ou qui l’exerce en violation des dispositions de la présente Constitution. Toute tentative de renversement du régime constitutionnel constitue une infraction imprescriptible contre la nation et l’État. Elle est punie conformément à la loi. »

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