samedi 5 juillet 2014

La RD Congo, victime d'un complot international ?

L’intervention des forces onusiennes en République Démocratique du Congo ne commence pas qu’en novembre 1999. L’impréparation de l’indépendance de l’ancienne colonie belge faisait redouter aux pays occidentaux le passage de ce territoire, minier et stratégique, dans la sphère d’influence soviétique. Sans attendre la proclamation de la souveraineté nationale, Dag Hammarskjöld envoya Ralph Bunche à Léopoldville comme représentant spécial.
Après la mutinerie de l’armée nationale congolaise, le déploiement des militaires belges dans le pays et la proclamation de l’indépendance du Katanga le 11 juillet 1960, Dag Hammarskjöld organisa, le 12 juillet de la même année, à la demande du président congolais Joseph Kasa Vubu et du Premier ministre Patrice Lumumba, une réunion de crise avec le Groupe des pays africains non-alignés[1]. Le 14 juillet, il eut recours, pour la première fois, à l’article 99 de la Charte des Nations Unies pour convoquer une réunion du Conseil de Sécurité sur la crise congolaise[2]. Ainsi le Conseil adopta-t-il la résolution 143 demandant à la Belgique de retirer ses troupes du Congo-Léopoldville et autorisant Dag Hammarskjöld à prendre toutes les mesures nécessaires pour fournir au gouvernement congolais l’assistance militaire dont il avait besoin[3]. A cet effet, le premier contingent de l’Opération des Nations Unies au Congo (ONUC) arriva à Léopoldville, actuellement Kinshasa, 48 heures après le vote de cette résolution.

Les différentes tentatives de sécessions

La présence des forces onusiennes ne vint nullement à bout des tensions qui menaçaient l’unité du Congo-Léopoldville. En effet, la crise s’amplifia avec la proclamation de l’indépendance du Sud-Kasaï, le 9 août 1960, et l’arrivée, le 15 août, de la coopération militaire soviétique à la demande du gouvernement congolais. L’ONUC céda à la pression des Etats-Unis en soutenant le président Joseph Kasa Vubu dans le but de contrer le soutien de l’URSS au Premier ministre déchu Patrice Lumumba. Espérant éviter l’implosion de ce géant au cœur de l'Afrique centrale, Dag Hammarskjöld mobilisa les pays non-alignés pour préserver la neutralité de l’ONUC et éviter sa paralysie. À l'automne 1960, l’URSS exigea la démission de Dag Hammarskjöld et la mise en place, pour diriger le Secrétariat des Nations Unies, d’un système de Troïka avec un membre représentant les États occidentaux, un les États non-alignés et un les États communistes. L’assassinat de Patrice Lumumba en janvier 1961 occasionna davantage les critiques du groupe des non pays-alignés contre l’action du Secrétaire général. Sous la pression de l’URSS, le Conseil de sécurité adopta, le 21 février 1961, la résolution 161 exigeant du président du Katanga sécessionniste, Moïse Antonin Kapenda Tshombe, de se séparer de ses mercenaires étrangers.

Les opérations Rumpunch et Morthor

Le 28 août 1961, l’ONUC déclencha au Katanga l’opération « Rumpunch » qui permit de neutraliser un grand nombre de mercenaires à la solde de Tshombe. Face à la violente réaction du gouvernement sécessionniste, sans l’accord du Secrétaire général, l’ONUC lança le 13 septembre 1961 l’opération « Morthor » afin de venir à bout de l’armée katangaise. Cette ultime initiative se fit au grand désespoir des États occidentaux qui étaient majoritairement favorables au maintien d’une forte autonomie du Katanga et reprochaient à Dag Hammarskjöld de ne pas les avoir prévenus avant le lancement de ladite opération. Ce fut dans ce contexte très tendu que le Secrétaire général entama un ultime voyage au Congo, convaincu que de la réussite de sa mission dépendaient son maintien à la tête de l’organisation onusienne, la survie des Nations Unies et l’avenir de la paix dans le monde.
Dans la nuit du 17 au 18 septembre 1961, l’Albertina, le DC-6 affrété pour le compte des Nations Unies par la compagnie suédoise Trans Air au bord duquel voyageait Dag Hammarskjöld, s’écrasa dans une forêt à une dizaine de kilomètres de Ndola en Rhodésie du Nord (l’actuelle Zambie). En effet, en provenance de Léopoldville, le Secrétaire général des Nations Unies se rendait le 13 septembre 1961, au lendemain du déclenchement par l’ONUC de l’opération « Morthor », à Ndola afin de rencontrer le président du Katanga indépendant, Moïse Antonin Kapenda Tshombe, à propos de la libération d’une compagnie de casques bleus retenue en otage à Jadotville (actuellement Likasi) et du désarmement complet des forces katangaises, en application de la résolution 161 du Conseil de sécurité.

L’accord de Lusaka

Avec la première guerre dite de « libération », menée à partir de la province du Kivu en septembre 1996 par ceux qui se sont qualifiés de Banyamulenge, sous la direction d’une coalition de quelques pays frontaliers, on a assisté à la fin de l’Etat zaïrois, la base armée du régime mobutiste s’étant rendue presque sans combattre. L’espoir suscité par l’installation de Laurent-Désiré Kabila au pouvoir se transforma néanmoins, en un laps de temps, en une très grande déception en l’absence d’ouverture politique et de recherche d’un consensus minimum sur l’Etat à reconstruire. Incohérence et inconsistance des politiques, concentration, ethnicisation et personnalisation du pouvoir ont fini par provoquer mécontentements et dissensions. La brouille avec les alliés des circonstances, internes et aussi externes comme le Rwanda ainsi que l’Ouganda, a conduit le 2 août 1998 à l’éclatement de la deuxième « guerre interrégionale africaine ». Celle-ci s’est enlisée, le pays étant de facto divisé, massacres et destructions ont occasionné des déplacements massifs de populations civiles.
Sous la pression de la communauté internationale, un accord de cessez-le-feu fut cependant signé in extremis en juillet et août 199 à Lusaka, en Zambie, entre six Etats[5] africains. Mais la mise en œuvre des accords de Lusaka s’est avérée d’emblée très difficile. Peu de progrès avaient été réalisés au début de 2001. Suite à l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila le 18 janvier 2001 et à l’arrivée presque imprévue au pouvoir de Joseph Kabila, une opportunité s’est enfin dégagée, eût-on cru, pour sortir la République Démocratique du Congo de la guerre et l’engager dans une voie de retour à la stabilité structurelle.
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La création de la MONUC

Le 30 novembre 1999, dans le but de maintenir, entre autres, une liaison sur le terrain avec toutes les parties concernées par l’Accord de Lusaka, le Conseil de sécurité a créé, par la résolution 1279, la Mission de l’organisation des Nations Unies en République Démocratique du Congo (MONUC). Celle-ci devait surtout garantir le respect du cessez-le-feu, le désengagement des forces en présence et le maintien d'une liaison avec toutes les parties ayant signé ledit l'Accord de cessez-le-feu. A cet effet, le Conseil de sécurité élargirait plus tard, à travers de nouvelles résolutions, le mandat de la MONUC en lui attribuant plusieurs tâches supplémentaires. Après avoir coûté plus de 10 milliards de dollars aux Nations Unies, sans pour autant parvenir à mettre un terme aux conflits armés ayant fait près de 6 millions de morts, la MONUC fut à l’origine, de 1999 à 2008, d’une cinquantaine de résolutions du Conseil de sécurité sur le situation en République Démocratique du Congo.

La mise en place de la MONUSCO

Le 1er juillet 2010, la Mission de l’organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République Démocratique du Congo (MONUSCO) remplaça la MONUC, en application de la résolution 1925 du Conseil de sécurité du 28 mai 2010. Ce changement traduisit la nouvelle phase dans laquelle le pays était entré. Cette mission devait en principe utiliser tous les moyens nécessaires pour s’acquitter de son mandat, notamment en vue d’assurer la protection des civils, du personnel humanitaire et du personnel chargé de défendre les droits de l’Homme se trouvant sous la menace imminente de violences physiques. Ainsi devait-elle appuyer le gouvernement congolais dans ses efforts de stabilisation, de protection civile et de consolidation de la paix. Avec plus de 23 000 hommes, la MONUSCO représente le plus budgétivore et le plus gros contingent des Nations Unies.

Les pourparlers de Kampala

A l’issue du sommet des pays de la région des Grands Lacs qui s’est tenu le 24 novembre 2012 à Kampala, la capitale ougandaise, les chefs d’Etat concernés ont demandé aux éléments du M23 de quitter la ville de Goma. Dans cette intention, ils ont prié leur homologue congolais, Joseph Kabila, d’écouter les revendications légitimes des agresseurs. Mais ces derniers ont exigé un dialogue, avant d’envisager le retrait de la capitale de la province du Nord-Kivu.
Les spécialistes de la région des Grands Lacs africains savaient pertinemment que les pourparlers de Kampala préfiguraient le devenir de la République Démocratique du Congo. En effet, ce qui s’est déroulé dans la capitale ougandaise sous la supervision du président Yoweri Kaguta Museveni, entre les représentants du gouvernement congolais et ceux du mouvement dénommé M23, allait révéler le pot aux roses : le décrochage de la région du Kivu au profit de l’Ouganda et du Rwanda. De plus, Kinshasa avait la possibilité de reconduire les clandestins jusqu’à la frontière. Il suffisait seulement de manœuvrer avec habileté. Mais n’était pas Talleyrand qui le voulait !

L’accord-cadre d’Addis-Abeba

Lors du sommet de l’Union africaine qui s’est tenu à Addis-Abeba, en Ethiopie, quelques dirigeants de la Communauté économique des pays des Grands Lacs (CEPGL) ont suggéré la mise en place d’une force neutre en vue de paralyser les éléments du M 23 et des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) qui opéraient dans la partie orientale de la République Démocratique du Congo. Mais, dans la journée du 11 juillet 2013, la rencontre interministérielle de la Conférence internationale de la région des Grands Lacs (CIRGL) a brillé par son incapacité à me mettre les participants d’accord sur la cessation immédiate des conflits qui déstabilisaient la région du Kivu. Pourtant, malgré quelques failles, le 24 février 2013, les dirigeants des pays des Grands Lacs, d’Afrique centrale et de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) avaient signé un accord-cadre de paix, sous l’égide des Nations Unies, visant à mettre définitivement fin à deux décennies de conflit dans l’Est du Congo-Kinshasa.
Primo, cet accord-accord aurait dû suspendre la médiation qui était menée par le président rwandais entre le gouvernement congolais et les éléments du M23. De plus, la mise en place d’une brigade d’intervention, sous la direction des forces onusiennes, interviendrait en vue de la stabilisation de la région. Secundo, l’engagement relatif au renforcement de la coopération régionale n’avait pas précisa que seules les ressources transfrontalières devraient être concernées par l’intégration économique. Tertio, l’objectif de l’accord-cadre d’Addis-Abeba devait renforcer la souveraineté de la République Démocratique du Congo et non sa mise sous tutelle par le biais d’une décentralisation maîtrisée par la communauté internationale. Par ailleurs, l’absence de sanction à l’encontre des signataires a incité très récemment le Rwanda à brandir la menace consistant à retirer sa participation à cet accord-cadre.

Une fatalité congolaise ?

Faut-il conclure que les ressources naturelles dont regorge la République Démocratique du Congo et sa situation géostratégique sont-elles à l’origine du malheur du peuple congolais. Ce malheur est-il le fait d’une simple fatalité ? Peut-on soulever l’hypothèse d’un complot international contre ce pays ? En tout cas, de l’accession de ce territoire à la reconnaissance internationale à nos jours, cet immense pays a toujours suscité des rivalités de pouvoir à l’intérieur et des convoitises à l’extérieur, c’est-à-dire à l’échelle régionale et au-delà. A défaut d’un leadership national, ses attractives ressources naturelles entretiennent sans cesse des conflits. Pour conjurer la fatalité, voire le complot international, qui ne cesse d’hypothéquer l’avenir des Congolaises et des Congolais, il est impératif de faire émerger un projet de société cohérent qui devra forcément se décliner en deux phases.
D’une part, il est urgent de développer une diplomatie performante en vue de la sécurité et de la paix dans la région des Grands Lacs africains. D’autre part, il faudra initier à très court terme une sérieuse politique républicaine qui aura pour finalité la croissance économique – l’objectif étant l’amélioration des conditions de vie des populations locales, la lutte contre la pauvreté, l’évolution sociale, la cohésion nationale et le patriotisme congolais.

Gaspard-Hubert Lonsi Koko

© Agoravox

Notes
- Ma vision pour le Congo-Kinshasa et la région des Grands Lacs, Gaspard-Hubert Lonsi Koko, L’Harmattan, Paris 2013 ;
- Congo-Kinshasa : le degré zéro de la politique, Gaspard-Hubert Lonsi Koko, L’Harmattan, Paris 2012.


[1] Ce mouvement, né durant la Guerre froide, regroupait les États qui ne se considéraient comme alignés ni sur le bloc de l’Est, ni sur le bloc de l’Ouest.
[2] Donnant au Secrétaire général la possibilité d’attirer l’attention du Conseil de sécurité sur toute affaire qui, à son avis, pourrait mettre en danger le maintient de la paix et de la sécurité nationales.
[3] Cette résolution a été adoptée par 8 voix – la France, la République de Chine et le Royaume-Uni s’étant abstenus.
[4] Composée de l’Ouganda, du Burundi et du Rwanda.
[5] L’Angola, la République Démocratique du Congo, la Namibie, le Zimbabwe, l’Ouganda et le Rwanda.

lundi 30 juin 2014

Des garanties sérieuses pour l'implication active de la diaspora en RD Congo

Dans un discours prononcé à la veille de la célébration du 54e anniversaire de l’accession de la République Démocratique du Congo à la souveraineté nationale et à la reconnaissance internationale, le président Joseph Kabila aencouragé les Congolais de la diaspora à revenir sur la terre de leurs ancêtres et à y prendre place, le pays étant en pleine croissance et en pleine mutation. « La terre de nos ancêtres est grande et fertile et dispose des potentialités nécessaires à l’épanouissement de chacun », a-t-il insisté, en invitant tous ceux qui vivent à l’étranger « à contribuer au développement de la République Démocratique du Congo dans la paix et la sérénité ». Si d’aucuns ne peuvent que louer cette attitude réconciliatrice, malgré des rapports exécrables entre le gouvernement de Kinshasa et ses administrés de la diaspora, il est évident que l’on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre.

L’incohésion nationale

Plusieurs mois après les assises des concertations nationales initiées par le président de la République Démocratique du Congo, la cohésion nationale est loin d’être acquise – le peuple congolais ayant compris que ce forum avait été organisé à dessein pour amadouer la classe politique et faire passer des mesures impopulaires au profit de la majorité présidentielle.
Pis encore, la diaspora a été représentée à ces assises par des gens non représentatifs de la réalité qui la compose. Ainsi le « per diem » et la folle envie d’occuper des postes au sein d’un éventuel gouvernement d’union nationale ont-ils relégué à l’arrière-plan les véritables revendications des Congolais de l’étranger. L’incohésion nationale s’est amplifiée davantage à cause des mesures tendant à tripatouiller les lois de la République, et l’incertitude politique s’est longtemps installée dans l’attente d’un remaniement gouvernemental, ou alors d’un nouveau gouvernement dont la nomination reste encore lettre morte.
En tout cas, il est certain que la cohésion nationale ne sera jamais effective tant qu’une partie de la population congolaise sera sans cesse privée de ses droits du simple fait de vivre hors du territoire national. Mais un simple appel incitant au retour au pays des ancêtres ne suffit pas. Encore faut-il  donner des gages sérieux pour que les Congolais de la diaspora puissent assumer leurs devoirs « au prix des efforts sans cesse renouvelés », en s’investissant sur les plans économique et politique, dans l’espoir de réaliser « le rêve d’un Congo prospère ».

Le patriotisme des émigrants

Les faiblesses dans les relations entre la diaspora congolaise et le gouvernement ont toujours constitué un frein considérable dans la valorisation et la matérialisation des atouts susceptibles de contribuer à l’émergence d’une République Démocratique du Congo solide, sur le plan étatique, et performante, du point de vue socio-économique. De plus, les violations systématiques des droits des Congolais de l’étranger portent préjudice aux dispositifs constitutionnels – tels que les articles 5 alinéa 3, 12, 50 et 66 – favorables aux droits humains, aux libertés fondamentales, aux devoirs du citoyen et de l’État.
Ainsi le gouvernement congolais devra-t-il rendre le premier alinéa de l’article 10 la Constitution du 18 février 2006 conforme à l’article 72. Dans cette optique, au regard de la double problématique du jus sanguinis et du jus soli, le 1er alinéa de l’article 4 de la loi du 12 novembre 2004, relative à la nationalité congolaise, devra privilégier le caractère inaliénable de la nationalité congolaise d’origine. C’est ainsi que l’on clarifiera les différents conflits fonciers qui ne cessent de contribuer, avec le pillage des ressources naturelles, à la déstabilisation de la partie orientale de la République Démocratique du Congo.
Par ailleurs, l’insécurité à travers le territoire national et la corruption ne contribuent guère à la libre-circulation des biens et des personnes, ainsi que des capitaux, facteur indispensable au développement économique, ainsi qu’à la liberté d’entreprendre et d’investir. Il faudra donc des garanties sérieuses, sur les plans fiscal et sécuritaire, pour que les Congolais de la diaspora daignent s’acquitter patriotiquement de leurs devoirs envers la République. C’est la condition sine qua non pour qu’ils puissent « donner à [leur] pays le meilleur [d’eux-mêmes] » sans toujours « attendre qu’il fasse tout à [leur] place ».

Gaspard-Hubert Lonsi Koko

samedi 28 juin 2014

Le chantage du Rwanda, une plaisanterie de mauvais goût

Dans un courrier adressé le 26 juin au Conseil de sécurité des Nations Unies, mécontent de la tenue d’une rencontre ayant été organisée à Rome par la communauté religieuse Saint’Egidio à laquelle avait participé une délégation des FDLR[1], le Rwanda a carrément menacé de retirer sa participation à l’accord-cadre d’Addis-Abeba[2]. Des envoyés spéciaux internationaux pour les Grands Lacs y ont également assisté. 

Le désarmement des FDLR

Dans cette missive transmise au président du Conseil de sécurité par Eugène Gassana, le représentant permanent du Rwanda auprès des Nations Unies, il était notamment question de la demande de levée temporaire d’interdiction de voyager faite le 24 juin dernier par le sous-secrétaire général en charge des opérations de maintien de la paix, Hervé Ladsous, au profit de Victor Byiringiro[3]. Ce dernier devait assister à la réunion organisée à Rome le 25 juin par la communauté Saint’Egidio et l’équipe des envoyés spéciaux pour les Grands Lacs, dirigés par Mary Robinson[4].

En effet, la finalité de la rencontre qui s’est déroulée dans la capitale italienne avait trait à l’accélération du processus de désarmement des éléments des FDLR basés dans l’Est de la République Démocratique du Congo et à la détermination des options susceptibles d’atteindre l’objectif fixé. Le fait de s’opposer à cette noble initiative montre les intentions réelles, de la part du président Paul Kagamé, relatives au pillage des ressources naturelles et à la partition de la République Démocratique du Congo, ainsi qu’à la crainte d’un dialogue inter-rwandais en cas de rapatriement des éléments des FDLR vers leur pays d’origine et à la fragilisation du régime autoritaire de Kigali. Comment Kinshasa devra-t-il alors réagir à ce chantage de mauvais goût, concernant l’éventuel retrait du gouvernement rwandais de la mise en œuvre de l’accord-cadre ratifié à Addis-Abeba en vue de la pacification de la région du Kivu ?

La réponse du berger à la bergère

Le naturel finit toujours par revenir au galop, après avoir été sciemment chassé. Maintenant que le Rwanda a dévoilé ses véritables intentions, s’agissant du pillage et de la déstabilisation de la région du Kivu, Kinshasa  dispose de tous les atouts pour confirmer les nombreuses accusations faites à l’encontre du président Paul Kagamé et ses complices à propos du génocide congolais en particulier, ainsi que, en général, des violations des droits fondamentaux de la personne humaine, des crimes de guerre et crimes contre l’Humanité commis dans le territoire congolais.

Par ailleurs, les atteintes systématiques à l’intégrité et à la souveraineté du territoire congolais à partir du Rwanda, l’insécurité due aux incessants conflits fonciers, le non-respect des droits de propriété et des règles de gestion des richesses naturelles du sous-sol de la région du Kivu constituent les principaux obstacles, parmi tant d’autres, aux bonnes relations entre les Etats congolais et rwandais. En conséquence, Kinshasa ne doit en aucun cas céder à la menace de Kigali relative au mécanisme de suivi de l’accord-cadre de Kinshasa. Bien contraire, compte tenu des éléments évoqués supra, le gouvernement congolais devrait cesser toute participation à la CEPGL[5] et revoir toute relation diplomatique avec son voisin aux velléités expansionnistes. Cela permettra enfin à la République Démocratique du Congo de définir de manière autonome sa politique migratoire dans la région du Kivu et de renforcer militairement la sécurisation de sa frontière orientale. Ainsi cette triste mésaventure humaine connaîtra-t-elle la même fin quand dans la fable de Jean de La Fontaine intitulé La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf.

Gaspard-Hubert Lonsi Koko

© Agoravox 

A lire aussi
- RD Congo/Rwanda : le loup sort enfin du bois.


[1] Les Forces démocratiques de libération du Rwanda, lesquelles sont composées, entre autres, de rebelles hutus rwandais accusés par Kigali d’avoir participé au génocide de 1994.
[2] Signé par onze pays de la région le 24 février 2013, sous l’égide de l’Union africaine et des Nations Unies, cet accord-cadre a en principe vocation à instaurer la paix dans l’Est de la République Démocratique du Congo.
[3] Qui plus est président par intérim des FDLR.
[4] La représentante du secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, pour la région des Grands Lacs africains.
[5] La communauté économique des pays des Grands Lacs, regroupant la République Démocratique du Congo, le Rwanda et le Burundi.

mercredi 25 juin 2014

La sécurisation de la frontière entre la RD Congo et le Rwanda

En République Démocratique du Congo, on attend encore l’autopsie des 5 soldats congolais ayant été tués à la frontière avec le Rwanda le 11 juin 2014. Kinshasa parle d’exécution, ce que dément Kigali qui attribue la mort de ses militaires à d’affrontements entre les FARDC[1] et les FRD[2]. Comment sécuriser efficacement la frontière congolo-rwandaise ? Les relations entre les deux pays sont-elles condamnées à être mauvaises ? Telles sont les questions judicieusement posées par Juan Gomez, dans le cadre de son émission Appels sur l’actualité diffusée sur les ondes de Radio France internationale.

La fin de la récréation ?

Dans l’euphorie de son élection en 2006 à la magistrature suprême, que l’opposition congolaise n’a jamais cessé de contester, Joseph Kabila avait déclaré avec détermination : « Avec l’accord de vous tous, j’annonce […] la fin de la récréation afin que le peuple puisse se consacrer entièrement au travail, et ce dans la paix et la tranquillité ». Presque huit années après cette déclaration, force est de constater que la paix et la tranquillité restent une arlésienne aux yeux de la plus grande majorité des populations de la République Démocratique du Congo. Ce peuple est sans cesse en proie à l’instabilité organisée, d’une manière ou d’une autre, soit par des acteurs frontaliers et plus ou moins cautionnées, à force de rester systématiquement ambigu, par le gouvernement de Kinshasa. Ainsi la violence est-elle devenue une variable d’ajustement qui permet à Kinshasa de conserver le pouvoir et quelques pays frontaliers d’affirmer leur leadership en Afrique centrale et dans la région des Grands Lacs.

Incapacité à s’affirmer régionalement

Trois raisons expliquent l’incapacité dans laquelle se trouve la République Démocratique du Congo, laquelle l’empêche de prendre en main son destin. Primo, l’absence flagrante de vision commune de la part des leaders politiques congolais, et de l’élite, affaiblit l’autorité de l’Etat. Secundo, tant que le problème des FDLR[3] ne sera pas définitivement réglé, le président Paul Kagamé trouvera toujours un prétexte relatif à un danger imaginaire qui pèserait sur le Rwanda à partir du territoire congolais. Raison pour laquelle l’armée rwandaise n’a jamais achevé le travail qu’elle était censée faire, lors de l’opération « Umoja wetu » menée conjointement au Nord-Kivu avec les forces armées congolaises entre janvier et février 2009. Tertio, les différents petits conflits ethniques à travers le territoire congolais ont sans cesse été exploités par des pays voisins dans l’espoir de piller les ressources naturelles et de fragmenter la République Démocratique du Congo.

Le caractère ternaire de la fatalité

L’aspect ternaire a sans conteste été depuis très longtemps, au dire des spécialistes de la problématique congolaise, au cœur de la direction et de la gestion du pays. Celui-ci s’est reposé sur trois piliers : le parti unique[4], l’armée et l’Eglise. Or, de nos jours, l’armée s’est affaiblie et le parti unique a fait long feu. Seule l’Eglise reste l’actrice majeure en mesure d’irriguer l’ensemble du corps social, de suppléer convenablement l’administration étatique, d’assumer correctement le système éducatif et de garantir le processus électoral. Pourquoi, dans un pays qui se dit républicain, les fonctions relevant de l’Etat peuvent-elles être assumées par la seule Eglise ? Il semble que, dans un pays dont le président est l’émanation de l’armée, la sécurité nationale et les relations avec les pays frontaliers doivent rester des prérogatives gouvernementales.

La stabilité de la région du Kivu

Il est évident que la paix dans la région du Kivu dépend, avant tout, du rapport de force, sur le plan militaire, entre la République Démocratique du Congo et le Rwanda. Ce n’est un secret pour personne. Si les autorités congolaises veulent réellement sécuriser la partie orientale, elles doivent commencer par déployer ne serait-ce qu’une brigade – composée de 9 720 hommes aguerris – pour protéger la frontière avec le Rwanda. Dans l’insécurité qui règne dans le Kivu, la force onusienne est plutôt une partie de la solution et non le fond du problème. 25 000 hommes pour un pays dont la superficie est de 2 345 000 km2, c’est très largement insuffisant par rapport aux 70 000 soldats bien entraînés que compte l’armée rwandaise. Pour mieux sécuriser la République Démocratique du Congo, pays partageant 9 frontières avec ses voisins, l’armée nationale devra être dans l’absolu composée de 500 000 hommes. Ce dispositif devra être complété de 2 administratifs, ou logisticiens, par soldat.
Partant du principe selon lequel la stabilité et la croissance économique de tout pas sont tributaires d’un système de sécurité et de défense performant et républicain, la République Démocratique du Congo devra revoir en hausse la dotation globale actuellement allouée aux FARDC et remanier leur chaîne de commandement[5]. Le secteur de la défense nationale doit être considéré comme un devoir patriotique consistant à sécuriser et à assurer l’intégrité du territoire, à protéger les centres et les installations d’intérêts vitaux contre les agressions armées d’où qu’elles viennent.
Gaspard-Hubert Lonsi Koko

[1] Forces armées de la République Démocratique du Congo.
[2] Forces rwandaises de défense.
[3] Forces démocratiques de libération du Rwanda.
[4] En l’occurrence le Mouvement populaire pour la révolution (MPR)

vendredi 13 juin 2014

RD Congo/Rwanda : le loup sort enfin du bois

Le vent commence enfin à éclaircir les ténébreux nuages ayant sans cesse masqué le visage du principal auteur de nombreux conflits armés qui déstabilisent la région du Kivu. En effet, depuis deux journées consécutives, des tirs à l’arme lourde retentissent à la frontière entre le Rwanda et la République Démocratique du Congo. Il s’agit des premiers accrochages directs entre les FARDC[1] et les FRD[2].

La main du diable

Le gouvernement congolais, les organisations humaines, la société civile et les institutions onusiennes ont sans arrêt dénoncé la main manipulatrice du président rwandais, Paul Kagamé, dans la déstabilisation de la région du Kivu. Les éléments des forces  de défense du Rwanda ont toujours opéré dans l’Est de la République Démocratique du Congo.
Ils l’ont fait officiellement à travers l’opération « Umoja wetu »[3] et, officieusement, par le biais de toutes les actions armées menées par CNDP[4], le M23[5] et d’autres milices hostiles au pouvoir en place à Kinshasa. Les marionnettes comme Laurent Nkunda, Bosco Ntaganda, Jules Mutebusi et tant d’autres ont chaque fois agi à la demande de l’homme fort de Kigali.

La fin de l’alibi

La neutralisation des éléments du M23 par la Munusco et les FARDC devait en principe permettre la pacification de la région du Kivu. Encore faut-il enlever au Rwanda le seul alibi qui lui permet de s’ingérer dans les affaires intérieures congolaises, en vue de l’annexion d’une grande partie du Kivu. Effectivement, comme par hasard, l’affrontement direct entre les FARDC et les FRD se déroulent au moment où l’option a été prise de désarmer les éléments des FDRL[6].
Cette fois-ci, il n’est plus question de mener, contre les éléments des FDLR, des opérations semblables à « Kimia I et II »[7], ainsi qu’à « Amani leo »[8]. D’une part, leur rapatriement vers le Rwanda enlèvera tout prétexte à Paul Kagamé dans le soutien aux différents groupuscules armés qui sévissent dans le Kivu. D’autre part, le président rwandais sera contraint d’initier une réconciliation inter-rwandaise afin d’éviter une catastrophe humanitaire, qui risquerait d’aboutir à l’implosion de pays, sans pour autant empêcher la fin de son régime politique.

Les conséquences de cet affrontement

L’affrontement directe entre les forces armées congolaises et rwandaises confirme de facto les mauvaises intentions ayant toujours animé le président Paul Kagamé. Comment peut-on continuer à œuvrer dans les institutions régionales avec un voisin qui, pour mettre à exécution son agenda caché, viole sciemment les conclusions de l’accord-cadre d’Addis-Abeba ?
Le pot-aux-roses étant maintenant découvert, on devra avoir le courage de mettre définitivement fin à l’hypocrisie qui est à l’origine du génocide congolais. Kinshasa devra tirer toutes les conséquences possibles, quant à la coopération diplomatique et aux échanges commerciaux entre la République Démocratique du Congo et le Rwanda.
Gaspard-Hubert Lonsi Koko

Notes :
[1] Forces armées de la République Démocratique du Congo.
[2] Les Forces rwandaises de défense.
[3] Une opération militaire conjointe entre les armées nationales rwandaises et congolaises
[4] Le Congrès national pour la défense du peuple, créé et dirigé par le criminel Laurent Nkunda.  Après l’assigné de ce dernier à résidence à Kigali par le Rwanda en novembre 2008, Bosco Ntaganda, inculpé par la Cour pénale internationale (CPI), l’a remplacé et a accepté d’orienter le mouvement vers la paix. En mars 2009, le CNDP s’est converti en parti politique et 3 000 à 4 000 de ses combattants ont intégré l’armée congolaise.
[5] Le mouvement du 23 mars était un groupe créé suite à la guerre du Kivu. Il était composé d’anciens rebelles du CNDP qui avaient réintégré l’armée nationale congolaise à l’issue d’un accord de paix signé le 23 mars 2009 avec Kinshasa. Ils se sont ensuite mutinés en avril 2012.
[6] Forces démocratiques de libération du Rwanda représentent un groupe armé formé en 2000 en République Démocratique du Congo. Opposées au président Paul Kagamé ayant remplacé l’Armée de libération du Rwanda. Elles compteraient dans leurs rangs des responsables du génocide rwandais.
[7] Les opérations « Kimia I et II » avaient été menés avant l’année 2010 dans les provinces du Nord Kivu et du Sud-Kivu comme objectif la destruction de tous les sanctuaires » des FDLR, ces rebelles rwandais installés dans l’Est de la République Démocratique du Congo depuis 1994 et à qui l’attribution les exactions contre les populations congolaises ainsi que l’exploitation illégale des ressources naturelles de la région.
[8] L’opération « Amani leo », qui signifie en swahili « La paix aujourd’hui », visait notamment la traque des rebelles hutus rwandais en vue de leur éradication par des actions pointues menées par des unités conjointes FARDC-Monuc sur le terrain.

mardi 10 juin 2014

COMMUNIQUE DE PRESSE n° 20140610/00015 relatif à l’éventualité de la révision constitutionnelle en RD Congo

Selon Radio France Internationale, à la suite d’un conseil des ministres extraordinaire qui s’est tenu le 9 juin 2014, le gouvernement de la République Démocratique du Congo a annoncé avoir l’adoption d’un projet de révision constitutionnelle en rapport avec les élections de 2015 et 2016. Il est évident que, en droit, les faits précèdent la loi. De ce fait, le Rassemblement pour le Développement et la Paix au Congo (RDPC) ne peut guère s’opposer systématiquement à l’éventualité d’une révision de la Loi fondamentale. En effet,

Au vu des anomalies et des contractions qui émaillent la Constitution du 18 février 2006 ;

Au vu de la présence des clauses contradictoires, donc conflictuelles ;

Au vu des dispositifs préjudiciables aux droits à la fois des Congolais de l’étranger et des Congolais d’origine détenant des citoyennetés étrangères ;

Au vu des clauses relevant des lois organiques, ainsi que d’application, et non d’une Constitution ;

Le Rassemblement pour le Développement et la Paix au Congo (RDPC) estime que, tout en préservant les dispositifs verrouillés de toute modification, la Loi fondamentale devra être révisée dans le but :
- de rétablir l’égalité effective de tous les Congolais au regard de la Loi ;
- d’harmoniser le texte de la Constitution ;
- de renforcer l’aspect initial relatif au caractère impersonnel.

Néanmoins, la Constitution étant un texte qui fixe l’organisation et le fonctionnement d’un organisme, généralement d’un Etat, sa modification devra respecter les voies légales, conformément à l’article 218, et tenir compte des limites fixées par le législateur. Ainsi le Rassemblement pour le Développement et la Paix au Congo s’oppose-t-elle aux amendements des articles 219 et 220.

Aucune révision constitutionnelle ne pouvant porter atteinte à l’intégrité du territoire, ni à la forme républicaine des institutions étatiques, le Rassemblement pour le Développement et la Paix au Congo rappelle que seul un référendum légitimera l’abrogation des dispositifs verrouillés par le législateur. Toute initiative qui passera outre la voie référendaire constituera un coup d’Etat constitutionnel.

Fait à Paris, le 10 juin 2014

Pour le Bureau du Rassemblement pour le Développement et la Paix au Congo,

Gaspard-Hubert Lonsi Koko
Porte-parole

jeudi 5 juin 2014

COMMUNIQUE DE PRESSE n° 20140605/00014 relatif à la problématique des éléments des FDLR en RD Congo

Le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies en République Démocratique du Congo, Martin Kobler, a lancé à partir de Kinshasa, le 4 juin 2014, un dernier appel aux combattants des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR). Ainsi leur a-t-il demandé de déposer leurs armes au risque d’y être contraints par les forces onusiennes et l’armée nationale congolaise et rappelé. Dans la foulée, il a précisé que les commandants de cette rébellion rwandaise accusés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité devraient répondre de leurs actes.

Le Rassemblement pour le Développement et la Paix au Congo (RDPC) soutient l’initiative du représentant des Nations Unies en République Démocratique du Congo. Par conséquent, s’agissant des crimes contre l’Humanité, force est de constater que la stabilisation de la région du Kivu dépend également :
- de l’extradition du criminel Laurent Nkunda vers Kinshasa ;
- de la cessation en approvisionnement en armes des rebelles congolais à partir du territoire rwandais ;
- de la non-infiltration des éléments des armées rwandaise et ougandaise dans le territoire congolais, ainsi que du soutien de la communauté internationale aux Forces armées de la RDC (FARDC) dans leurs actions relatives au maintien de la paix dans la région du Kivu ;
- de l’acceptation du rapatriement vers Kigali de tous les éléments des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR) censées se trouver dans le territoire congolais, ou alors de leur extradition sans condition dans un pays non limitrophe de la République Démocratique du Congo ;
- du dialogue inter-rwandais ;
- de la capacité du gouvernement congolais à déployer les moyens nécessaires en vue de la sécurisation du territoire national.

Le Bureau du Rassemblement pour le Développement et la Paix au Congo est convaincu de la nécessité d’une armée citoyenne capable de sécuriser les frontières nationales et d’assurer la défense du territoire congolais en cas d’agression, d’où qu’elle vienne. De plus, seul le rétablissement d’une paix durable et le respect des valeurs universelles permettront la démocratisation, ainsi que la reconstruction de la République Démocratique du Congo.

Fait à Paris, le 5 juin 2014

Pour le Bureau du Rassemblement pour le Développement et la Paix au Congo (RDPC),

Gaspard-Hubert Lonsi Koko
Porte-parole

lundi 2 juin 2014

COMMUNIQUE DE PRESSE n° 20140602/0013 relatif à la dignité des citoyens de la RD Congo

Le Président de la République Démocratique du Congo a reçu le samedi 31 mai 2014, au Palais de la Nation, les Ambassadeurs ainsi que le Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations-Unies accrédités auprès du gouvernement de Kinshasa. A cette occasion, le premier magistrat a évoqué le comportement des « combattants  » vivant surtout dans les pays occidentaux qui « se [caractériseraient] par des actes de délinquance et/ou de criminalité contre leur pays, sous l’alibi d’une lutte pour la démocratie ». Ainsi a-t-il estimé incompréhensible que des pays amis [comme la France, la Belgique, l’Angleterre et les Etats-Unis, NDLR] qui partagent avec le peuple congolais la nécessité d’éradiquer, au besoin par les armes, les Idéologies négatives, dangereuses pour l’existence même desdits peuples et de la nation congolaise puissent tolérer ou encourager, sur leurs propres sols, de telles attitudes chez « des délinquants en provenance de la République Démocratique du Congo ».
Le Rassemblement pour le Développement et la Paix au Congo (RDPC) reconnaît au président de la République Démocratique du Congo la totale liberté d’exprimer son point de vue à l’attention des Ambassadeurs et du Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies, en l’occurrence Martin Kobler. En revanche, au moment où nos compatriotes sont humiliés, traités comme moins que rien et refoulés comme du bétail par les autorités du Congo-Brazzaville, un tel discours, de la part de celui qui est censé être le garant du respect à l’égard de son peuple, ne peut qu’encourager encore plus les expulsions de nos compatriotes vivant à l’étranger. Ainsi le RDPC regrette-t-il que les déclarations du président de la République puissent cautionner davantage l’attitude inadmissible des autorités du Congo-Brazzaville, avant même la tenue de la commission mixte entre les deux Congo, et encourager les refoulements massifs de nos compatriotes vivant hors des frontières nationales.
En conséquence, le Rassemblement pour le Développement et la Paix au Congo rappelle le devoir patriotique en vue de la dignité et de la responsabilité de nos compatriotes au regard de tous ceux qui, sans aucune exception, encouragent la haine entre les différentes populations de la République Démocratique du Congo et incitent par leurs discours, ainsi que leurs actes, à la chosification du peuple congolais.

Fait à Paris, le 2 juin 2014

Pour le Bureau du Rassemblement pour le Développement et la Paix au Congo (RDPC),

Gaspard-Hubert Lonsi Koko
Porte-parole

jeudi 22 mai 2014

A Paris, Joseph Kabila joue la carte centrafricaine

Pourquoi Paris déroule le tapis rouge au président congolais ? François Hollande et Joseph Kabila se sont trouvés des intérêts communs dans le dossier centrafricain.
François Hollande et Joseph Kabila à L’Elysée le 21 mai 2014 © Présidence de la République
« Réchauffement », « normalisation », l’équipe de Joseph Kabila affiche sa satisfaction après l’entrevue du président congolais avec François Hollande mercredi 21 mai à l’Elysée. Il faut dire que la dernière rencontre entre les deux hommes s’était déroulée dans un climat plutôt glaciale à Kinshasa pendant le Sommet de la Francophonie d’octobre 2012. A l’époque, le président français avait vertement tancé le leader congolais sur la situation des droits de l’homme « tout à fait inacceptable » en République démocratique du Congo (RDC).

La France engagée dans deux conflits africains

18 mois plus tard, la situation a évolué entre François Hollande et Joseph Kabila. Le président français déroule aujourd’hui le tapis rouge de l’Elysée (qu’il n’y avait pas) pour recevoir son homologue congolais. Qu’est-ce qui a changé ? Si la situation des droits de l’homme n’a guère progressé à Kinshasa, la France s’est lancée dans deux guerres africaines qu’elle n’avait pas programmée : le Mali et surtout… la Centrafrique. Deux conflits qui s’enlisent et qui nécessitent à la France de s’appuyer sur de nouveaux partenaires africains. François Hollande s’est rapproché de l’incontournable Idriss Déby pour venir renforcer l’opération Serval au Mali. Aujourd’hui, le président français compte sur la RDC en Centrafrique [lire la suite].

Christophe Rigaud

© Afrikarabia

lundi 19 mai 2014

Expulsion vers Kinshasa : Lettre ouverte au président Denis SASSOU NGUESSO



Monsieur le Président de la République,

Nous souhaiterions attirer fraternellement votre attention sur l’opération « Mbata ya mokolo » initiée par les administrations de la République du Congo à l’encontre des migrants originaires de la République Démocratique du Congo.

Notre inquiétude ne réside pas dans le fait d’avoir expulsé plus de 83 000 de nos compatriotes qui séjournaient sur votre sol, votre pays étant souverain. Ce sont plutôt les éventuelles conséquences des informations sur les violations des droits fondamentaux de la personne humaine qui nous préoccupent davantage.

Par conséquent, nous, membres de la diaspora RDCongolaise, nous nous demandons avec force et vigueur si les expulsés sont victimes d’un règlement de compte entre Kinshasa et Brazzaville. Nous nous interrogeons sur les véritables motivations de ces refoulements, dans la mesure où les extraditions judiciaires auraient été le processus le plus approprié.

C’est parce que nous privilégions la sagesse que nous voulons connaître les tenants et les aboutissants, ayant débouché sur l’humiliation de nos compatriotes ; c’est parce que nous prenons en compte la dimension étatique que nous souhaitons le rassemblement sur les deux rives du fleuve Congo, au vu des relations millénaires entre nos deux peuples, de tout ce qui est épars ; c’est parce que nous sommes des humanistes que nous avons à cœur de soutenir toute initiative favorable au plus grand bienfait de nos populations et tenons à ce que tout soit entrepris dans le meilleur délai afin de mettre un terme au climat de haine qui s’installe entre nos deux peuples ; c’est parce que nous tenons à sauvegarder les intérêts de nos compatriotes vivant dans votre territoire que nous recourrons à la voix diplomatique en vue de la résolution pacifique, en toute fraternité, des conséquences dues à l’expulsion des plus de 10 % d’entre eux ; c’est parce que nous sommes conscients que l’on ne résout pas positivement les rapports entre Nations par la passion que nous prenons en compte, dans notre démarche, les obligations morales qui cimentent nos rapports, ainsi que l’amélioration et la poursuite d’un bon voisinage.

Aucune entrave au principe inhérent aux obligations morales et fraternelles ne doit être tolérée. La violence n’ayant jamais rien arrangé, l’objectif de notre initiative consiste à chercher la vérité en vue de la solidarité.

Nous estimons que, dans ce moment difficile, nos cœurs devront plutôt se rapprocher en même temps que nos mains pour que la grandeur de ce geste et son sens profond puissent lier davantage, comme dans le passé, nos deux peuples dans le temps présent et dans le futur.

Votre tâche, qui consiste à faire en sorte que nos deux peuples vivent en harmonie, n’est pas au-dessus de vos forces – à la condition qu’elle devienne ce qu’elle doit être : l’humanisme au service des populations. L’harmonie, tout comme le bien, se diffuse.

Ainsi espérons-nous avoir des interlocuteurs responsables en vue d’un échange constructif sur des mesures susceptibles de répondre aux pratiques inhumaines ayant porté atteinte à l’honneur d’un peuple frère.

Nous pensons que seules la tolérance mutuelle, ainsi que le respect des autres et de soi-même faciliteront les échanges culturels, traditionnels et économiques, ainsi que l’entente cordiale entre Kinshasa et Brazzaville.

Espérant pouvoir compter sur les relations fraternelles ayant toujours liées nos deux peuples et sur votre compréhension, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre très haute considération.

Fait à Paris, le 19 mai 2014

Les signataires :
Gaspard-Hubert Lonsi Koko, Ferdinand Lufete, Modeste Mputu-Mulenda, Emmanuel Mutombo-Lupetu, Samuel Tambue-Kanyuka

Contact :
- congolaisdefrance@gmail.com
- 0033612066872

lundi 5 mai 2014

Cinq questions à Gaspard-Hubert Lonsi Koko

1. Comment réagissez-vous à l’ opération « Mbata ya mokolo » initiée par les autorités du Congo-Brazzaville ?
La dénomination de l’opération menée à l’encontre de nos compatriotes lui confère une connotation provocatrice. Les expulsés sont-ils victimes d’un règlement de compte entre Kinshasa et Brazzaville ? S’agit-il d’une concertation régionale, dans la mesure où l’Angola menace à son tour d’expulser de force nos ressortissants en situation irrégulière ? Faudra-t-il voir, à travers les positions de Brazzaville et de Luanda, une volonté manifeste dans l’espoir d’un mécontentement populaire à Kinshasa, ou alors un acte prémédité consistant à infiltrer des éléments subversifs dans notre territoire ? J’ose espérer que la sagesse reprendra le dessus. Je souhaite que, sur les deux rives du fleuve Congo, l’on sache rassembler tout ce qui est épars. Par conséquent, je demande personnellement aux présidents Denis Sassou Nguesso – l’aîné que je reconnais comme tel – et Joseph Kabila de pendre en compte, dans les relations entre nos deux pays, la dimension étatique en vue du plus grand bienfait de nos populations.

2. Approuvez-vous la démarche des autorités de Kinshasa qui ne recherchent que des issues diplomatiques et pacifiques à cette opération au lieu d’une réplique musclée, comme le souhaite la population ?
Nos 50 000 expulsés en trois semaines représentent, aux dires de Lambert Mende, le porte-parole du gouvernement de Kinshasa, 5 à 8 % seulement de nos ressortissants vivant au Congo-Brazzaville dont les documents administratifs ne sont pas en règle. Pays souverain, le Congo-Brazzaville est en droit de décider librement de sa politique en matière d’immigration. De ce fait, la position de Kinshasa est compréhensible. On ne résout pas les rapports entre Nations par la passion. La fraternité entre nos deux peuples nécessite que les expulsions se fassent dans le respect des droits fondamentaux de la personne humaine. En effet, nos dirigeants respectifs doivent avoir présentes à l’esprit les obligations morales qui cimentent nos relations. La concorde régionale doit être prise en compte dans l’amélioration et la poursuite d’un bon voisinage. Aucune entrave à ce principe ne doit donc être tolérée. Les dirigeants de nos pays doivent sans arrêt chercher la vérité en vue de la solidarité. La violence n’a jamais rien arrangé. Dans ce moment difficile, nos cœurs devront plutôt se rapprocher en même temps que nos mains pour que la grandeur de ce geste et son sens profond puissent lier davantage nos deux peuples dans le temps présent et dans le futur. La diplomatie et les échanges commerciaux doivent rapprocher encore plus nos populations respectives. Il faudra travailler sans relâche à conserver les liens millénaires ayant toujours unis les Congolais de Brazzaville et ceux de Kinshasa.

3. Les tortures, les tueries, les insultes, les vols, les viols…Les RD Congolais ne sont-ils pas devenus  la risée du monde et de l’Afrique ?
Tout en n’étant pas mobutiste, je reconnais que, sous le règne du maréchal Mobutu, nous n’avons jamais été humiliés de la sorte par nos voisins. C’est l’absence de l’Etat qui fait que nous soyons devenus la risée de tout le monde. Nos voisins ne nous prendrons en considération que lorsque nous nous respecterons nous-mêmes. Ainsi devons-nous bâtir un Etat de droit et tabler nos relations avec les pays limitrophes sur la base du droit international.

4. En tant qu’acteur politique RD Congolais , quelles mesures préconiseriez-vous pour répondre à ces pratiques barbares qui n’honorent pas le genre humain ? 
Seules la tolérance mutuelle, ainsi que le respect des autres et de soi-même faciliteront les échanges commerciaux entre Kinshasa et Brazzaville. Ils permettront une complicité, sur le plan diplomatique, entre nos deux pays dans les différentes initiatives d’ordre régional. Il faudra surtout éviter les actions susceptibles d’amplifier le climat de défiance, ou d’hostilité, comme l’opération qui vient d’être diligentée contre nos concitoyens. Par conséquent, tout doit être entrepris en vue des réparations inhérentes aux biens mobiliers et immobiliers, ainsi qu’à la torture morale. Brazzaville devra régler de manière politique tout problème d’ordre économique, et selon la Convention de Genève, tout contentieux relevant du droit l’asile.

5. Comment interprétez-vous l’indifférence de la communauté internationale et le silence des médias occidentaux devant ces actes ignominieux ?
La communauté internationale a d’autres chats à fouetter en ce moment, notamment en Ukraine. Elle est très occupée par l’éventualité de la candidature de Bachar El Assad à la prochaine élection présidentielle en Syrie. Les médias occidentaux sont focalisés sur les élections européennes. En France, l’avènement de Manuel Valls est encore d’actualité et les tristes événements de Bangui mobilisent la politique africaine. Je suis de ceux qui pensent que les Congolais sont les premiers gardiens de leurs intérêts. Raison pour laquelle je déplore le silence de notre Parlement, face aux tergiversations du gouvernement dans la résolution du refoulement de nos compatriotes.

Propos recueillis par Robert Kongo, correspondant en France

Gaspard-Hubert Lonsi Koko,
porte-parole du Rassemblement pour le Développement et la Paix au Congo (RDPC).