jeudi 28 février 2013

Que faut-il attendre du nouveau protocole de paix pour une paix durable dans l’est de la République démocratique du Congo ?

Le dimanche 24 février à Addis-Abeba, au siège de l’Union africaine, les pays des Grands Lacs se sont engagés à garantir la paix dans l’Est de la République Démocratique du Congo, à travers la signature d’un accord cadre, sous l’égide de l’UA et de l’Onu. Pourquoi cet accord n’intervient que maintenant, après des années de conflits et de violences dans cette région du Congo ? En quoi est-il différent de tous les autres engagements signés par ces pays depuis une quinzaine d’années et qui n’ont pas abouti à la normalisation souhaitée de cette région ? Qui a véritablement intérêt à la paix et à la fin des violences à l’Est de la RDC ? Réponses dans ce Grand Débat.

Invités :

- Gaspard Hubert Lonsi-Koko, Acteur politique congolais, « Essayiste réformiste »

- Thierry Vircoulon, Directeur Afrique centrale d’International Crisis Group

- Edouard Olito, Représentant en France de l’UDPS (Union pour la démocratie et le progrès social), parti de l’opposant Etienne Tshisekedi)

Pour écouter l'émission, prière de cliquer sur le lien ci-contre : http://africa1.com/IMG/mp3/le_grand_debat_-_27_02_13_pad.mp3

RDC : les visées expansionnistes de l’accord-cadre d’Addis-Abeba

L’accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République Démocratique du Congo signé le 24 février 2013 par onze pays africains[1], sous l’égide des Nations Unies, recommande, entre autres, le renforcement « de la coopération régionale, y compris à travers l’approfondissement de l’intégration économique avec une attention particulière accordée à la question de l’exploitation des ressources naturelles ». 
Or, l’article 56 de la Constitution congolaise stipule que « tout acte, tout accord, toute convention, tout arrangement ou tout autre fait, qui a pour conséquence de priver la nation, les personnes physiques ou morales de tout ou partie de leurs propres moyens d’existence tirés de leurs ressources ou de leurs richesses naturelles, sans préjudice des dispositions internationales sur les crimes économiques, est érigé en infraction de pillage punie par la loi ». En conséquence, précise l’article 57, « les actes visés à l’article précédent ainsi que leur tentative, quelles qu’en soient les modalités, s’ils sont le fait d’une personne investie d’autorité publique, sont punis comme infraction de haute trahison ».

La supranationalité de l’accord-cadre d’Addis-Abeba

Curieusement, le mécanisme de suivi régional[2] que viennent de mettre en place les signataires de l’accord-cadre d’Addis-Abeba n’est guère habilité à sanctionner tout manquement aux engagements contractés. Nul n’ignore que les institutions supranationales sont pourvues de pouvoirs de décision à l’égard des États membres et de leurs ressortissants.
Cela démontre la logique expansionniste qui a animé les signataires de cet accord-cadre, dont le but réel a trait à la recherche de nouveaux marchés et à l’exploitation dans l’impunité des ressources naturelles de la région du Kivu. Les décisions qui seront prises par ce mécanisme de suivi, le fameux système « 11 + 4 », ne pouvant être révocables par le gouvernement congolais, leurs règlements et directives, qui auront la primauté sur le droit national, s’appliqueront automatiquement. Ainsi la République Démocratique du Congo sera-t-elle mise de facto sous tutelle.

Des institutions transnationales

Certes, les acquis de l’accord-cadre d’Addis-Abeba – notamment ceux qui se rapportent à l’évolution du mandat des forces onusiennes, au déploiement d’une brigade d’intervention rapide et à la nomination d’un Envoyé spécial des Nations Unies – ont permis la fragilisation du M23 qui est désormais contraint d’engager des négociations à Kigali en vue de l’attitude à adopter.  Néanmoins, la Constitution congolaise réaffirme, dans son article 5, le principe démocratique selon lequel tout pouvoir émane du peuple.
Comme le souverain primaire a délégué ses représentants dans les institutions étatiques, il revient au Parlement congolais[3] de jouer pleinement son rôle en demandant des explications à l’autorité ayant engagé le pays dans un accord-cadre dont certaines clauses hypothéqueraient la souveraineté de la République Démocratique du Congo et encourageraient le pillage le pillage de ses ressources naturelles.
Ainsi cet exercice devra-t-il avoir pour objet l’audition des ministres des Affaires étrangères, Raymond Tshibanda, et de la Défense nationale, Alexandre Lubal Tamu, pour comprendre la nature des recommandations ayant poussé le président Joseph Kabila, garant de la souveraineté nationale conformément à l’article 69, à ratifier l’accord-cadre d’Addis-Abeba.
Les parlementaires congolais devront préconiser, comme l’ont d’ailleurs fait dans un passé proche la France et l’Allemagne, des clauses de substitution privilégiant une politique étrangère et de sécurité commune ainsi qu’un mode intergouvernemental en matière de justice et des affaires intérieures. Ainsi devront-ils faire évoluer certains engagements dudit accord-cadre au profit des institutions transnationales.

Gaspard-Hubert Lonsi Koko

Source : Jolpress

À lire aussi : 

- RD Congo : les dessous de l’accord-cadre ;
- Un accord de paix pour la RD Congo sous l’égide de l’ONU.

Notes:
[1] La République Démocratique du Congo, le Congo-Brazzaville, la République centrafricaine, la République du Soudan du Sud, l’Ouganda, le Burundi, le Rwanda, la Tanzanie, la Zambie, l’Afrique du Sud et l’Angola.
[2] Lequel sera étroitement lié à l’Union africaine, à la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs et à la Communauté pour le développement de l’Afrique australe, ainsi qu’à d’autres partenaires internationaux, y compris l’Union européenne, la Belgique, les Etats-Unis d’Amérique, la France et le Royaume-Uni. Un plan détaillé pour la mise en œuvre de l’accord sera développé conjointement, y compris l’établissement de critères et mesures de suivi appropriées.
[3] En effet, les commissions des affaires étrangères et de la défense des chambres haute et basse du Parlement congolais doivent se réunir en urgence pour se pencher sur lesdites clauses qui, si elles ne sont pas précisées, risquent d’officialiser la mise sous tutelle de la République Démocratique par le biais du système « 11 + 4 ».

Lettre ouverte au Premier ministre belge, Elio di Rupo, sur le drame du Kivu

Homme de conviction, Gaspard-Hubert Lonsi Koko propose une politique audacieuse dont la finalité est la paix, la croissance économique et l'évolution sociale en République Démocratique du Congo.


Pour suivre l'entretien qu'il a accordé à M. Nzunga Mbadi, journaliste à NET'INFO.tv, prière de cliquer sur le lien ci-contre : http://www.netinfo.tv/Politique/Interviews/Gaspard-Hubert-Lonsi-Koko-wamauwIPjA.html

lundi 25 février 2013

Paix en RD Congo : les dessous de l’accord-cadre

L’accord-cadre pour la paix en République Démocratique du Congo signé le 24 février 2013 à Addis-Abeba par les pays des Grands Lacs, de la SADC et de l’Afrique centrale[1] – sous l’égide des Nations Unies – est globalement satisfaisant. En effet, à propos de la dramatique situation en cours dans la région du Kivu, les signataires ont manifesté la volonté de s’atteler aux causes profondes du conflit et de mettre un terme aux cycles de violence récurrents. Néanmoins, si quelques engagements de cet accord-cadre constituent une ingérence dans les affaires intérieures de la République Démocratique, d’autres méritent d’être clarifiés.

Les avantages

La signature de cet accord-cadre a mis de facto un terme à la médiation menée par le président ougandais Yoweri Museveni. Une excellence nouvelle pour Kinshasa, car les pourparlers de Kampala cachaient un guet-apens que l’on essayait de tendre de manière sibylline à la délégation congolaise au profit du M23. Ainsi la mise en place d’une brigade d’intervention rapide, sous la direction des forces onusiennes, pourra stabiliser la région du Kivu en enrayant les cycles de conflit récurrents et les violences persistantes imposés par des groupes armés tant nationaux qu’étrangers.
Dans la même optique, le fait de recommander aux pays régionaux de ne pas héberger, de ne fournir aucune protection de quelque nature que ce soit aux criminels[2] ne pourra que faciliter l’administration de la justice, grâce à la coopération judiciaire dans la région. Ainsi le Rwanda pourrait-il livrer à la République Démocratique du Congo des criminels tels que Laurent Nkunda, Jules Mutebusi, Bosco Ntaganda

Les points à clarifier

La clause concernant l’engagement relatif au renforcement de la coopération régionale, y compris à travers l’approfondissement de l’intégration économique avec une attention particulière accordée à la question de l’exploitation des ressources naturelles, mérite d’être clarifiée. En effet, seules les ressources frontalières seront partagées grâce à l’exploitation commune par des sociétés publiques d’économie mixte.
Par ailleurs, compte tenu des arrière-pensées des dirigeants ougandais, rwandais et burundais, il aurait mieux valu envisager le réaménagement de la CEPGL[3]. De plus, il est trop tôt d’envisager, comme s’il ne s’est rien passé de dramatique entre la République Démocratique du Congo et ses agresseurs, la revitalisation de ladite communauté économique.

Les engagements à revoir

L’objectif de cet accord-cadre consiste en principe à permettre au gouvernement congolais de faire régner l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire et non à le mettre sous tutelle à travers l’ingérence dans ses affaires intérieures. Il ne revient pas à la communauté internationale d’imposer la décentralisation à un État souverain. Dans un pays qui ne dispose pas encore d’une armée performante et républicaine, et dont les institutions sont encore défaillantes, la décentralisation non maîtrisée ne peut qu’aboutir à un démembrement. Or, nul n’ignore que les agresseurs de la République Démocratique du Congo encouragent des initiatives allant dans ce sens pour imposer leurs poulains, c’est-à-dire les rebelles du M23, dans l’administration de la région du Kivu en vue d’une autonomie ultérieure.
Dans le même ordre d’idées, la promotion de la réforme structurelle des institutions étatiques – y compris la réforme des finances – relève de la seule compétence du Parlement national et non du ressort de la communauté internationale mais.

Le toilettage du texte

Les parlementaires congolais auraient dû être saisis avant la signature de cet accord-cadre. Comme cela n’a pas été le cas, les commissions de la défense et des affaires étrangères des chambres haute et basse du Parlement congolais devront se réunir dans l’urgence pour amender les clauses qui portent atteinte à la souveraineté de la République Démocratique du Congo. C’est la seule façon de rendre juste et parfait ce texte signé à Addis-Abeba qui, grâce à son caractère international, a une valeur supranationale sur les lois étatiques. Si jamais il n’est pas toiletté, cet accord-cadre incarnera le cheval de Troie qui minera à moyen terme l’État congolais.

Gaspard-Hubert Lonsi Koko

Source : Jolpress
Notes :
[1] En présence des présidents de la République Démocratique Congo, du Congo-Brazzaville, du Rwanda, de l’Afrique du Sud, du Mozambique du Sud-Soudan et de la Tanzanie.
[2] Plus précisément les personnes accusées de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, d’actes de génocide ou de crimes d’agression, ou les personnes sous le régime de sanctions des Nations Unies.
[3] Communauté économique des pays des grands lacs.

dimanche 24 février 2013

Un accord de paix pour la RD Congo

Les dirigeants des pays de l’Afrique des Grands Lacs, d’Afrique centrale et de la SADC[1] ont signé un accord de paix ce dimanche à Addis-Abeba, la capitale éthiopienne – sous l’égide des Nations Unies – visant à mettre fin à deux décennies de conflit dans l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC). Après avoir été reportée en janvier dernier pour clarifier la question du commandement de la nouvelle force régionale devant être déployée dans la région du Kivu pour lutter contre les groupes armés composés de génocidaires enclins aux violences sexuelles et pillages, la signature dudit accord s’est déroulée en présence des dirigeants du Mozambique, du Rwanda, de la Tanzanie, de l’Afrique du Sud, de la République Démocratique du Congo, de la République du Congo, du Soudan du Sud et du Secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon. Ainsi ont-ils approuvé la nature et le commandement de la force internationale neutre[2], qui sera déployée à la frontière entre la République Démocratique du Congo et le Rwanda, et obligé de facto les pays de la région des Grands Lacs à respecter la souveraineté de leurs voisins.

Des avis très partagés

En République Démocratique du Congo, les avis sont nettement partagés entre les différents acteurs politiques et membres de la société civile sur la signature de cet accord de paix. Pour les uns, ce texte reste l’une de solutions aux problèmes de sécurité que connaît la région du Kivu. Pour d’autres, il est question de la mise en cause de la souveraineté nationale pourtant garantie par le droit international. Quelques observateurs s’interrogent plutôt sur la mise en œuvre du texte signé Addis-Abeba, en se demandant si ce processus de paix aidera la région à sortir de la crise ou restera une énième résolution sans conséquence concrète sur le terrain.

L’absence des présidents ougandais et angolais

En principe, les Chefs d’État de tous les pays frontaliers de la République Démocratique auraient dû parapher l’accord d’Addis-Abeba. L’absence des présidents de l’Ouganda, l’un des pays agresseurs, et de l’Angola, l’une des puissances militaires régionales, ne peut que confirmer l’inquiétude de ceux qui s’interrogent sur l’impact réel de cet accord.
L’Ouganda, déçu par le fiasco des pourparlers de Kampala, s’est volontairement inscrit aux abonnés absents. Ayant soutenu les revendications du M23, il ne pouvait en aucun cas cautionner un texte qui hypothèque les visées « balkanistes » de ses poulains. Quant à l’Angola, pays qui tient à s’imposer comme puissance incontournable en Afrique centrale, la stabilité de la République Démocratique du Congo finira par confirmer la position géostratégique de Kinshasa. Ainsi le gouvernement congolais, une fois son pays pacifié, voudra régler le contentieux pétrolier qui l’oppose au gouvernement angolais.

Le Rwanda contraint de signer

Le Rwanda, reconnut par toutes les institutions internationales comme étant le principal agresseur de la République Démocratique du Congo, ne pouvait pas se permettre de boycotter cette cérémonie. En ayant signé ledit accord, ce pays espère montrer à la face du monde du monde sa volonté de contribuer à la paix dans la région du Kivu. De plus, Paul Kagame, s’il se réjouit de l’échec[3] des pourparlers de Kampala, ne peut pas s’opposer à la volonté de ses commanditaires occidentaux. Au-delà de la criante des sanctions, il espère en réalité rester en bons termes avec Kinshasa qui, nul ne l’ignore, détient le destin socio-économique du Rwanda.

La mayonnaise congolaise

La réussite de l’accord de paix signé le dimanche 24 février à Addis-Abeba dépend surtout de la vision que le peuple congolais a de son pays. Son unité est le facteur déterminant, pour ce qui est de la stabilité territoriale de la République Démocratique du Congo. D’aucuns osent espérer que le dialogue inclusif permettra aux Congolaises et aux Congolais de dépasser leurs divergences, de sceller un pacte tacite en faveur de la cohésion nationale face à toute agression extérieure et à toute tentative interne de déstabilisation – l’objectif consistant à mettre en place des institutions étatiques efficaces et viables. La mayonnaise congolaise devra donc représenter le ciment du patriotisme congolais, garant de l’unité nationale et d’une paix interne durable. On ose espérer que le génie congolais parviendra, enfin, à faire échouer à jamais l’appétit vorace et les velléités expansionnistes de ceux qui ne rêvent qu’à se servir sur les décombres de ce beau, riche et majestueux pays.

 Gaspard-Hubert Lonsi Koko


[1] Communauté de développement d’Afrique australe.
[2] La force internationale neutre, qui sera composée de quatre mille soldats, est appelée à démanteler les groupes armés opérant dans l’Est de la République Démocratique du Congo, notamment les rébellions des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR) et du M23. Son déploiement sur la frontière congolo-rwandaise avait été proposé lors du sommet interministériel des États de la Conférence internationale sur la région des grands lacs (CIRGL) en mi-juillet 2012 à Addis-Abeba.
[3] En effet, si Yoweri Museveni avait réussi à arracher un accord entre le M23 et le gouvernement congolais à Kampala, il aurait confirmé son leadership dans la région des Grands Lacs au détriment du président rwandais.

jeudi 21 février 2013

Une solution durable à la stabilité de la RD Congo


« La République Démocratique du Congo est un des pays qui méritent plus de recherche et d’attention, et une place de choix sur la liste de nos priorités en matière de politique étrangère », a rappelé le Sous-Secrétaire d’État américain chargé des Affaires africaines, Johnnie Carson, dans un discours prononcé lors d’une rencontre initiée par la Brookings Institution sur l’identification d’une solution durable à l’instabilité de ce pays francophone. 

Ainsi a-t-il rappelé que « la communauté internationale se [devait], moralement, d’agir avec plus d’efficacité en RDC pour rompre [le] cycle de mort et de souffrance, et trouver des solutions aux autres conséquences de [la] violence – les viols et la violence sexuelle inqualifiables perpétrés à l’encontre des femmes et des enfants, les près de 2 millions de personnes déplacées à l’intérieur de leur pays, les quelque 450 000 Congolais contraints de se réfugier dans les pays voisins, et l’absence de vies dans la sécurité et la prospérité pour pratiquement tout le pays », tout comme « le monde ne peut se permettre d’échouer dans ses efforts de stabilisation en RDC ».

Une solution subtile

Johnnie Carson a surtout insisté sur la nécessité de déployer des efforts plus sérieux à l’identification d’une formule qui déboucherait sur une stabilisation durable de la situation en République Démocratique du Congo pour mettre définitivement un terme au cycle de violence et des horreurs : d’où l’obligation d’adopter une solution subtile qui puisse bénéficier de l’appui de la communauté internationale[1].
« Avant toute chose, le gouvernement de la République Démocratique du Congo et sa population sont les premiers responsables [pour] relever les défis auxquels ils sont confrontés », a précisé le Sous-Secrétaire d’État américain – les efforts dans le cadre d’une approche plus pointue et holistique de la communauté internationale ne devant être que complémentaires.

La responsabilité des Congolaises et des Congolais

Il est certain que le patriotisme oblige le peuple congolais à taire ses divergences, dès lors que le pays est menacé de démembrement par des forces négatives bénéficiant du soutien de quelques pays limitrophes et des puissances extracontinentales intéressées par les ressources naturelles du Kivu.
S’impose donc un dialogue inclusif républicain en vue de la cohésion nationale, de l’émergence d’un État de droit et de la stabilisation de la partie orientale. Seule l’existence des institutions fortes et viables permettra de faire juger les auteurs des crimes de guerre et crime contre l’Humanité, d’obtenir des sanctions contre les agresseurs par la communauté internationale et de faciliter la paix sur le plan régional.

Le soutien de la communauté internationale

Le principe du dialogue intercongolais étant quasiment acquis, il faudrait éviter que les assises qui en découleraient soient bâclées à cause du machiavélisme et de la mauvaise foi des acteurs politiques. Il serait donc souhaitable que ce dialogue soit présidé par un Haut représentant des Nations Unies.
Par ailleurs, au regard de la souveraineté de la République Démocratique du Congo, les problèmes internes ne doivent pas être débattus dans un pays étranger. La ville de Kinshasa reste, bien entendu, le cadre idéal d’un dialogue inclusif. De plus, concernant un pays en proie aux conflits ou aux guerres, l’Histoire nous apprend que tous les accords signés à l’étranger ont malheureusement privilégié la balkanisation[2].
Seules les pesanteurs telluriques pourront générer, sur le domaine ancestral, les véritables forces spirituelles indispensables au patriotisme et à la cohésion nationale. Il est évident qu’une approche plus pointue et holistique de la communauté internationale pourra consolider les résolutions qui sortiraient du dialogue inclusif, mais à condition que des mécanismes de contrôle et de sanction, réellement opérationnels, soient mis en place.

Gaspard-Hubert Lonsi Koko

Source : Jolpress

Notes :
[1] Rappelons que les États-Unis sont parvenus à une telle solution pour mettre un terme au conflit dans l’ex-Yougoslavie par le biais des Accords de Dayton. Ils ont réussi à mettre un terme à la plus longue guerre civile qu’ait connue l’Afrique, le conflit au Soudan, grâce à l’Accord de paix global négocié par les États membres de l’EGAD et appuyé par les États-Unis, la Norvège et la Grande-Bretagne.
[2] Les accords de Dayton signés en décembre 1995 entre les présidents serbe Slobodan Milosevic, croate Franjo Tudjman et bosniaque Alija Izetbegovic, sous la supervision du négociateur américain Richard Holbrooke assisté de Christopher Hill, ont abouti à un système de gouvernance tripartite complexe qui a permis de conserver l’intégrité territoriale de la Bosnie et laissé une large autonomie aux entités croato-musulmane et serbe.
L’accord Global et Inclusif de Pretoria signé en décembre 2002 a débouché sur le « 1 + 4 » qui, au lieu de la transition pacifique tant souhaitée, n’a fait qu’enfoncer davantage la République Démocratique du Congo dans une crise politique aux relents « balkanistes ».
Les accords de paix signés à Naivasha au Kenya en janvier 2005 ont accordé au Sud-Soudan une large autonomie pendant six ans, période au bout de laquelle les habitants de la région devaient être conviés à un référendum d’autodétermination.

mercredi 20 février 2013

RD Congo : la coopération régionale et les ressources communes

Les Chefs d’État de l’Angola, du Burundi, du Congo-Brazzaville, du Rwanda, de l’Afrique du Sud, de la Tanzanie, de l’Ouganda et de la République Démocratique du Congo, ou leurs représentants, sont attendus ce dimanche 24 février 2013 à Addis-Abeba, siège de l’Union Africaine, pour la signature de l’Accord-cadre sur la paix en territoire congolais. Trois nouveaux pays pourraient s’ajouter à la liste des signataires. Il s’agit de la RCA, le Sud-Soudan et le Mozambique. Le document devrait être co-signé par le Secrétaire Général de l’ONU, Ban Ki-moon, et la présidente de la Commission de l’Union Africaine, Nkosazana Diamini Zuma.

À cette occasion, les différentes parties signeront un accord dans lequel le gouvernement de la République Démocratique du Congo s’engagera à poursuivre la réforme du secteur de la sécurité, à consolider l’autorité de l’État particulièrement dans la partie Est du pays, à accélérer la politique de décentralisation, à développer l’économie, les infrastructures et les services sociaux de base. Il devra aussi réformer les institutions, les finances et élaborer un agenda de réconciliation et de démocratisation.
Quant aux pays de la région (Grands Lacs, SADC, Afrique Centrale), ils devront s’interdire de s’ingérer dans les affaires internes de leurs voisins, refuser tout appui à toute force négative et respecter leur souveraineté ainsi que leur intégrité territoriale. Cet accord recommande également « le renforcement de la coopération régionale, dans la droite ligne de l’intégration économique régionale et l’exploitation commune des ressources naturelles dans le strict respect des intérêts légitimes des voisins, surtout dans le domaine sécuritaire ».

Des unions douanières et des sociétés publiques mixtes

Pour éviter toute interprétation erronée, il est important de préciser que des concertations doivent être entreprises entre les différents pays de la région en vue de la gestion commune des ressources frontalières à travers des sociétés publiques d’exploitations mixtes. Il n’est pas du tout question d’intégrer économiquement la région du Kivu au Rwanda, ni de la mettre à la disposition de l’Ouganda – l’objectif étant de prévenir tout conflit foncier.
Mais cela n’empêche pas de réfléchir sur la réactivation de la CEPGL[1], comme complément vital au processus de paix et au développement économique. Ainsi est-il important de discuter des modalités d’un éventuel réaménagement de ladite Communauté par le truchement d’une Commission d’évaluation, de relance et de réaménagement des mécanismes et instruments existants afin de faire des propositions opérationnelles. Pour cela, il faudra définir un agenda et un calendrier précis.

Sécurité et défense communes[2]

Quant au domaine sécuritaire, on devra à tout prix signer des accords de non-agression et d’assistance mutuelle en vue de l’indépendance dans l’interdépendance. En effet, il sera plus efficace de mettre en place un système confédéral de protection. Ainsi faudra-t-il inciter les partenaires régionaux à s’associer à un projet relatif au pacte de stabilité des systèmes régionaux communs de défense et de sécurité ainsi qu’à un projet de paix spécifique aux pays des Grands Lacs et de l’Afrique orientale.
Ceux-ci seront complétés par la conférence intergouvernementale sur la sécurité, la défense, la paix et la coopération régionale, qui réunira les Chefs d’État et de gouvernement concernés afin d’examiner et de mettre en commun les moyens d’affirmer une véritable identité et une réelle appartenance régionales. Cette organisation devra tenir compte, dans son fonctionnement, des spécificités de chaque pays.
Mais pour que tout cela soit possible, la République Démocratique du Congo devra avant tout se doter d’une armée nationale performante. En effet, compte tenu de sa situation géostratégique et ses énormes potentiels, ce pays a un rôle déterminant à jouer dans le rayonnement économique de l’Afrique centrale et de la région des Grands lacs. Ainsi sa stabilité est-elle la condition sine qua non en vue de la paix, facteur indispensable au développement.
Enfin, les États de la région s’abstiennent de fournir la moindre protection aux auteurs des crimes de guerre, crimes contre l’Humanité, crimes de génocide ou d’agression, ou ceux se trouvant sous le coup des sanctions des Nations Unies.
Il faudra à cet effet, au-delà de la coopération administrative et judiciaire, que le conseil permanent du pacte de stabilité des systèmes régionaux communs de défense et de sécurité se dote des mécanismes constants. Cela lui permettra de prévenir les conflits, rétablir la paix et sanctionner en cas de manquement aux accords contractés.

Gaspard-Hubert Lonsi Koko

© Jolpress

[1] Communauté économique des pays des Grands Lacs.
[2] Sur cette problématique, il faudra surtout lire les propositions faites dans les Cinq questions à Gaspard-Hubert Lonsi Koko.

lundi 18 février 2013

Stabilité régionale : diverses personnalités signent une tribune sur la RDC

Les signataires souhaitent vivement que ce géant de l'Afrique centrale redevienne un havre de Paix où ferait bon vivre.

« Pour un État de droit, la légitimité politique, la sécurité et le développement économique en RD Congo », telle est l'intitulé de la tribune signée récemment par une quinzaine de personnalités (acteurs politiques et associatifs congolais, élus belges et français, professeurs d'université, etc.) dans laquelle elles exposent leurs vues en rapport avec la situation générale du pays. Les signataires dressent, à l'entame de leur analyse un tableau sombre de la République démocratique du Congo (RDC), théâtre depuis 1996 des affrontements meurtriers entre différentes factions lesquelles ont littéralement désarticulé son fonctionnement en tant que Nation. La crise politique découlant des élections présidentielle et législatives du 28 novembre 2011 avec, à la clé, une fragilisation des institutions hypothèque, selon eux, l'avenir des populations.

Au-delà de la simple description, les signataires de cette nouvelle tribune tirent la sonnette d'alarme face au drame que vit la RDC avec plus de 2,5 millions de déplacés concentrés dans la seule région du Kivu et près de 500.000 réfugiés dans les pays voisins, sans parler des milliers d'enfants enrôlés de force par des groupes armés. Une situation qui, expliquent-ils, « fragilise la cohésion nationale exposant de facto le Congo-Kinshasa aux visées expansionnistes de quelques pays limitrophes et aux pillages en tous genres ». D'où l'appel urgent lancé en direction de la communauté internationale pour qu'elle intervienne efficacement dans la mise en place des mécanismes idoines censés contribuer au retour de la paix en RDC et, par ricochet, dans la région des Grands lacs et en Afrique centrale.
En termes de recommandations en rapport avec la sécurisation du Kivu, les signataires proposent la requalification du mandat de la Monusco « afin de lui permettre d'assister un État souverain confronté aux problèmes à la fois internes et externes ». Ils plaident également pour l'externalisation des pourparlers de Kampala et lacondamnation des États voisins qui contribuent, d'une manière ou d'une autre, à la déstabilisation de la RDC. Sur les violations des droits fondamentaux de la personne humaine, les signataires exigent « l'arrestation et le jugement des auteurs de crimes de guerre et crimes contre l'Humanité par des tribunaux tant nationaux qu'internationaux », ainsi que « le retour des personnes déplacées à l'intérieur du pays et celles qui sont déplacées au-delà des frontières nationales après un recensement avec l'aide de la Croix Rouge ».

Quant à la cohésion nationale considérée comme un enjeu majeur de l'heure, les signataires proposent « l'ouverture d'un dialogue inclusif et républicain entre les différentes forces vives congolaises, sous la supervision de la communauté internationale ». La mise en place d'un gouvernement de salut public « en vue de l'organisation dans un délai raisonnable des élections crédibles et transparentes auxquelles ne participera pas l'actuel chef de l'État conformément à la Constitution », fait également partie de leurs desiderata. Favorables aux accords de non-agression censés sceller la paix régionale, ils militent, par ailleurs, pour des concertations en vue de la gestion commune des ressources frontalières. Le professeur d'université Albert Bourgi, l'anthropologue Jean-Pierre Dozon et le député belge Laurent Louis figurent parmi les signataires de cette dernière tribune consacrée à la situation en RDC.

Alain Diasso

© Les Dépêches de Brazzaville

jeudi 14 février 2013

RD Congo : l'Etat de droit et la sécurité

Depuis 1996, la République Démocratique du Congo est le théâtre des affrontements meurtriers entre différentes factions. Nombreuses sont leurs conséquences : inexistence de l’État, menaces sur l’intangibilité des frontières nationales, déstabilisation de la région du Kivu, insécurité, crimes de guerre et crimes contre l’Humanité, violences sexuelles, enrôlement des enfants par des groupes armés, violations des droits fondamentaux de la personne humaine, impunité en faveur des criminels, ingérence des voisins dans les affaires intérieures...

La crise politique, qui fragilise les institutions congolaises depuis les élections présidentielle et législatives du 28 novembre 2011, hypothèque davantage l’avenir des populations locales : plus de 6 millions de morts, plusieurs milliers de femmes et de filles violées, des milliers d’enfants enrôlés de force par des groupes armés, plus de 2,5 millions de personnes déplacées dans la seule région du Kivu et près de 500 000 Congolais réfugiés dans les pays voisins… Ainsi fragilise-t-elle la cohésion nationale, exposant de facto le Congo-Kinshasa aux visées expansionnistes de quelques pays limitrophes et aux pillages en tous genres.
Nous devons avoir à l’esprit que la paix dans la région des Grands Lacs et en Afrique centrale dépend, en grande partie, de la stabilité de la République Démocratique du Congo. Ainsi est-il urgent que la communauté internationale intervienne efficacement dans la mise en place des mécanismes idoines.

Sur la sécurisation de la région du Kivu, nous préconisons :

- la requalification du mandat de la Mission des Nations Unies pour la stabilité de la République Démocratique du Congo (Monusco), afin de lui permettre d’assister un État souverain qui est confronté aux problèmes à la fois internes et externes ;
- la présence, aux côtés des Forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC), d’une force d’interposition sur la frontière orientale – ne contenant aucun pays présumé soutenir les éléments déstabilisateurs – composée soit de la Monusco, soit d’une force interafricaine, soit de l’Eurofor, soit de l’Africom ;
- l’externalisation des pourparlers de Kampala, le médiateur ne devant être à la fois juge et partie ;
- les condamnations des États voisins qui contribuent, d’une manière ou d’une autre, à la déstabilisation de la République Démocratique du Congo.

Sur les violations des droits fondamentaux de la personne humaine, nous demandons :

- l’arrestation et le jugement des auteurs de crimes de guerre et crimes contre l’Humanité par des tribunaux tant nationaux qu’internationaux ;
- l’assistance des victimes de dégâts, aussi bien directs que collatéraux ;
- le retour des personnes déplacées à l’intérieur du pays et celles qui sont déplacées au-delà des frontières nationales après un recensement avec l’aide de la Croix Rouge.

Sur la cohésion nationale, nous proposons :

- l’ouverture d’un dialogue inclusif et républicain, entre les différentes forces vives congolaises, sous la supervision de la communauté internationale ;
- la mise en place d’un gouvernement de salut publique en vue de l’organisation dans un délai raisonnable des élections crédibles et transparentes, auxquelles ne participera pas l’actuel Chef de l’État conformément à la Constitution, ainsi qu’en vue de la consolidation des institutions républicaines.

Sur la paix régionale, nous sommes favorables :

- aux concertations en vue de la gestion commune des ressources frontalières ;
- aux accords de non-agression, en vue de l’indépendance dans l’interdépendance.
Pour l’année 2013, compte tenu des valeurs universelles que nous partageons avec force et vigueur, nous souhaitons vivement que la République Démocratique du Congo devienne enfin un havre de Paix où règneront la Liberté, l’Égalité, la Sécurité et la Prospérité.

Les signataires : Gaspard-Hubert Lonsi Koko (Porte-parole du Rassemblement pour le Développement et la Paix au Congo, Président d’Union du Congo, France), Albert Bourgi (Professeur d’université, France), Erika Cologon Hajaji (Journaliste, Sénégal), Jean-Pierre Dozon (Anthropologue, directeur d’études à l’EHESS, France), Emmanuel Ikabanga (Mouvement de Libération du Congo, France), Alexandre Leupin, (professeur et directeur de mondesfrancophones.com, États-Unis), Joël Asher Lévy-Cohen (Journaliste indépendant, Canada), Laurent Louis (Député fédéral, Belgique), Ferdinand Lufete (Coordonnateur de l’Alliance pour le Développement et la République, France), Cynthia Mckinney (ancienne Congressiste, ancienne Candidate du Parti Vert à l’élection présidentielle, États-Unis), Akli Mellouli (Adjoint au Maire de Bonneuil, France), Augustin Mukamba (Président de Troisième Force, Suisse), Marc Mvé Bekale (Maître de conférences, enseignant-chercheur, France), Lamine Ndaw (Conseiller municipal, France), Herman Nzeza Malungidi (Président de l’Alliance Nationale pour le Changement, Angleterre), Els Schelfhout (Sénatrice honoraire, Belgique).

vendredi 8 février 2013

RD Congo : à propos de la lettre ouverte à Elio Di Rupo

Cinq questions à Gaspard-Hubert Lonsi Koko


1. Vous avez adressé récemment une lettre au Premier ministre belge, Elio Di Rupo, demandant, au nom des Congolais de l’étranger, l’intervention de la Belgique sur «la dramatique situation» qui prévaut au Nord-Kivu. Qu’est-ce qui a motivé votre démarche ?
Tout le monde sait que nos voisins de l’Est ont pris une sérieuse option sur notre avenir. Pour faire main basse sur nos terres et avoir la mainmise sur nos ressources naturelles, ils essaient de balkaniser notre pays par tous les moyens et à n’importe quel prix. Comme la situation ne cesse de devenir davantage dramatique et face à la faillite de l’Etat, contrairement à ceux qui ont passé des accords secrets pour céder des portions du territoire national, les Congolais de l’étranger avec qui je travaille au sein d’Union du Congo ont pris la résolution d’agir.
En conséquence, j’ai demandé à un pays avec lequel nous avons eu un passé commun d’assister les FARDC dans la noble tâche qui consiste à stabiliser la région du Kivu. Le peuple n’est-il pas, après tout, le souverain primaire ? L’article 64 de la Constitution du 18 février 2006 ne stipule-t-il pas que « tout Congolais a le devoir de faire échec à tout individu ou groupe d’individus qui prend le pouvoir par la force ou qui l’exerce en violation des dispositions constitutionnelles » ?

2. La Belgique serait-elle, selon vous, le pays le mieux placé pour aider la RDC dans sa quête de paix, de stabilité et de développement ?
La Belgique peut être utile à la RD Congo dans le cadre de la réforme de l’armée. Elle peut apporter son expertise dans différents domaines : sécuritaire, défensif et administratif. Au-delà de tous ces aspects, à travers la lettre adressée au camarade Elio Di Rupo, n’oubliez pas que je suis socialiste, c’est aussi les sujets du Roi que j’interpelle. J’ose croire que les Belges sont sensibles aux valeurs humanistes, lesquelles exigent que l’on combatte les auteurs des crimes de guerre et crimes contre l’Humanité où qu’ils se trouvent.
Si la justice belge s’est attribué les compétences en la matière, pourquoi son armée ne pourrait-elle pas intervenir dans son ancienne sphère d’influence pour y rétablir la paix ? Devrai-je conclure que ceux qui considèrent à tort, par ignorance ou simple sottise, mon acte comme un appel à la recolonisation préfèrent voir le peuple congolais subir le diktat de ses voisins rwandais, burundais et ougandais ? Devrai-je affirmer que mes détracteurs les plus perspicaces sont insensibles aux traitements inhumains quotidiennement infligés à nos compatriotes du Kivu ?

3. En clair, vous souhaitez que la Belgique intervienne dans la crise qui sévit au Nord-Kivu comme le fait actuellement la France au Mali. La comparaison n’est-elle pas osée ?
Pas du tout. Se limiter au seul poids politique et économique de la Belgique, c’est ignorer complètement la nouvelle logique occidentale, plus précisément européenne, au regard du continent africain. En tant qu’ancienne puissance coloniale, l’avis des Belges reste prépondérant sur les dossiers congolais, rwandais et burundais au Conseil de l’Europe.
Ainsi le royaume de Belgique est-elle en mesure d’obtenir le déploiement des éléments de l’Eurofor dans la région du Kivu. Sachons que les Européens ont réintégré le fait que les anciennes puissances coloniales peuvent intervenir, d’une manière ou d’une autre, dans leurs zones d’influence dès lors que cela peut permettre à l’Union européenne de faire efficacement face à la crise financière qui ne cesse de la fragiliser.

4. Bon nombre d’observateurs avisés soutiennent que la RDC est victime d’un complot international. Qu’attendez-vous vraiment de l’Europe, en l’occurrence la Belgique ?
Pour atteindre leur objectif, nos agresseurs se sont associés à des entreprises étrangères qui sont soutenues par des puissances extracontinentales. En contrepartie, ils doivent faire de la RD Congo, dans le pire des cas, un « no man’s land » où lesdites entreprises s’approvisionneront en minerais rares à moindres frais. Dans le meilleur des cas, ils doivent occuper la partie orientale de notre pays afin de la transformer en une zone franche au profit des forces coalisées.
Pour empêcher la balkanisation du pays, nous devons en principe compter sur une armée aguerrie. Or, ne disposant pas d’une force militaire capable de défendre et de sécuriser le territoire national, nous sommes contraints de priver les parrains du M23 des soutiens extérieurs dont ils bénéficient. Seul un changement d’alliances peut aboutir au résultat escompté. J’attends donc de l’Europe, en particulier de la Belgique, qu’elle redevienne une partenaire loyale.

5. Ne pensez-vous pas que la solution aux problèmes des Congolais ne viendra que des Congolais eux-mêmes ?
Vous prêchez un convaincu. En effet, la solution aux problèmes des Congolais ne pourra être résolue que dans un cadre inclusif et républicain. Je suis d’ailleurs l’un des premiers opposants à avoir prôné la cohésion nationale et le dialogue inter-congolais. Néanmoins, nous aurons besoin de la communauté internationale pour nous assister dans le processus souhaité par le président de la République qui consiste à résoudre les divergences internes à Kinshasa et non à Kampala.

PROPOS RECUEILLIS PAR ROBERT KONGO, CORRESPONDANT EN FRANCE


NOTA BENE : Une pétition, tirée de la lettre qui a été adressée au Premier ministre belge, est en ligne. Pour la signer, prière de cliquer sur le lien ci-contre : http://www.mesopinions.com/petition/droits-homme/lettre-ouverte-premier-ministre-belge-dramatique/9624

(*) Président d’Union du Congo

lundi 4 février 2013

Lettre ouverte au Premier Ministre Belge, Elio di Rupo, sur la dramatique situation dans le Kivu en RD Congo

Signez la pétition



Monsieur le Premier Ministre,

Nous, Congolais de l’étranger, souhaiterions attirer votre attention sur la dramatique situation en cours dans l’Est de la République Démocratique du Congo – ce pays ayant beaucoup contribué, d’une manière ou d’une autre, avant comme après l’indépendance, à la renommée internationale du Royaume de Belgique. En effet, l’intervention militaire française sur le sol malien ne peut que nous interroger sur l’indifférence de votre gouvernement par rapport à son ancienne colonie.

En ayant engagé les troupes françaises au Mali, le président de la République Française, François Hollande, vient de solder, envers le peuple malien, la dette morale de la France remontant à la Seconde guerre mondiale. Ainsi honore-t-il, par cette intervention militaire, les Maliens morts pour la France sur les différents champs de batailles. L’opération Serval a non seulement trait à la défense des valeurs universelles, mais surtout à une Histoire commune entre les peuples concernés. Or, nul ne l’ignore, la Belgique et la République Démocratique du Congo ont longtemps cheminé ensemble, pour le meilleur et pour le pire, vers un idéal partagé.

En conséquence, Nous, Congolais de l’étranger, demandons au gouvernement belge de prendre l’initiative d’une opération militaire, aux côtés des Forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC), en vue de stabiliser la région du Kivu. Nous ne souhaitons en aucun cas que cette intervention soit un soutien à une quelconque structure politique. Au contraire, elle doit symboliser un acte salutaire non seulement pour les populations congolaises victimes de crimes de guerre et crimes contre l’Humanité, mais surtout pour la Paix dans la région des Grands Lacs.

Espérant pourvoir compter sur l’humanité du peuple belge, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de notre très haute considération.

Gaspard-Hubert Lonsi Koko
Président d’Union du Congo

Signez la pétition

vendredi 1 février 2013

RD Congo, quelle alternative après l’échec des pourparlers de Kampala ?

N’étant parvenues jusqu’à présent à maintenir la paix dans la région du Kivu[1], les Nations Unies tentent de déployer sur place une brigade d’intervention rapide dont l’action serait appuyée par des drones. Mais Ban-Ki-moon devra tout d’abord obtenir des dirigeants de la région des Grands Lacs et de l’Afrique australe la signature d’un accord-cadre pour la paix et la sécurité en République Démocratique du Congo. Entre-temps, la situation humanitaire se dégrade sur le plan national : plus de 52 400 cas de choléra, dont 1 293 décès et environ 73 794 cas de rougeole avec 2 023 décès, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ; distribution des vivres à plus de 100 000 personnes à Goma et ses environs et une foire aux biens non alimentaires au profit de 5 000 personnes dans le Lubero, selon le Programme alimentaire mondial (PAM). Pendant ce temps le Katanga[2], une autre province de la République Démocratique du Congo, est à son tour en proie aux agressions de groupes armés.

La mauvaise foi des agresseurs

Pour détourner l’attention de l’échec patent des pourparlers de Kampala, le médiateur, en l’occurrence le président ougandais Yoweri Kaguta Museveni, soutenu par les pays de la Conférence internationale de la région des Grands Lacs (CIRGL) et ceux de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), s’est en pris violemment aux forces onusiennes auxquelles il a reproché, non seulement de s’adonner au tourisme militaire, mais surtout d’être incapables de rétablir la paix dans la région du Kivu. Cela a abouti au renvoi sine die de la signature d’un accord-cadre régional sur la paix en République Démocratique du Congo.
Quant au président rwandais, Paul Kagame, il est tout à coup devenu amnésique. Reniant son implication dans la déstabilisation de la région du Kivu, il ne cesse de clamer que son pays et la RD Congo, contraints de vivre ensemble dans la région des Grands Lacs, doivent être tournés vers l’avenir et trouver des solutions appropriées. Ainsi espère-t-il pouvoir tourner la page, sans rendre des comptes pour le génocide congolais et le pillage des ressources naturelles du Kivu, dont il est l’un des principaux initiateurs.
Pour ce qui est du Mouvement du 23 mars (M23), il juge le rapport des experts[3] des Nations Unies[4] « cruellement partial et peu professionnel, car il contient des éléments incompatibles et incohérents ». Dans la même optique, le M23 conteste le rapport de Human Rights Watch (HRW) qui l’accusait en mi-septembre 2012 de « crimes de guerre commis à grande échelle, y compris d’exécutions sommaires, de viols et des recrutements de force ». Ainsi Jean-Marie Runiga, dénonce-t-il la partialité des enquêteurs de ces organisations et les escobarderies dont est entaché leur travail. À cet effet, le dirigeant du M23 le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, à « rejeter purement et simplement les requêtes de Human Rights Watch et celles des experts de Nations Unies », et à « reconsidérer toutes les décisions prises » dans la mesure où lesdits rapports sont « politisés » et « erronés »[5].

La méthodologie du groupe des experts onusiens

Répondant aux questions de la journaliste belge Colette Braeckman[6], Steve Hege[7] a mis l’accent sur la méthodologie très rigoureuse ayant privilégié les informations recueillies auprès des témoins directs des événements qui sont à la base du rapport des Nations Unies. Les experts onusiens ont interrogé plus de cent anciens combattants du M23, dont 57 qui ont déclaré être des citoyens rwandais. Ces derniers ont insisté sur le soutien du Rwanda aux agresseurs. Ces informations ont ensuite été confrontées à plus d’une centaine émanant de dirigeants locaux, de commerçants, de simples paysans, d’anciens officiers de l’armée rwandaise, ainsi que d’anciens officiers du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP). Des membres actifs du M23 ont aussi reconnu le soutien du Rwanda à leur mouvement, témoignages qui ont été confirmés lors de sept visites au Rwanda[8]. Enfin, les services de renseignements de l’Ouganda, du Burundi, de pays occidentaux[9] ainsi que du gouvernement congolais ont confirmé les faits allégués par les différents témoignages.

Les prochains épisodes

Christophe Rigaud estime que l’échec annoncé de Kampala « risque de donner lieu à un scénario en deux actes : tout d’abord une reprise des affrontements autour de Goma et Bukavu et, ensuite, un second round de négociations, où, en plus du Rwanda et de l’Ouganda, on risque de retrouver l’Afrique du Sud, la Tanzanie et le Congo-Brazzaville à la manœuvre »[10]. L’échec des pourparlers de Kampala était prévisible, compte tenu de la partialité du médiateur. Ainsi Kinshasa avait-il intérêt à ne pas sécher les travaux programmés dans la capitale ougandaise, au risque de ne pouvoir se défendre contre les accusations à propos des maux dont souffrant la RD Congo. L’objectif de la délégation gouvernementale devait consister, dans un premier temps, à rester ferme sur le fait que les problèmes internes seraient débattus dans le cadre du dialogue intercongolais. Dans un second temps, Kinshasa devait faire en sorte que rien ne soit réglé à Kampala – l’objectif étant de délocaliser lesdits pourparlers à Brazzaville ou à Luanda – et d’empêcher que la Tanzanie, ou l’Afrique du Sud, prenne la tête d’une quelconque force neutre dans le cadre de prochaines opérations militaires dans le Kivu. En tout cas, à propos de l’alternative au guet-apens évité de justesse en Ouganda, la diplomatie congolaise doit s’ingénier pour que les prochains épisodes lui soient favorables.

 Gaspard-Hubert Lonsi Koko

À lire aussi :

Notes :

[1] Plus de dix années d’engagement en RD Congo.
[2] La très riche région minière du Sud-Est. Effectivement, les populations sont obligées de fuir des accrochages de plus en plus fréquents dans le Nord-Katanga.
[3] Rappelons que ce Groupe d’experts est composé de 6 membres, chacun nommé par le Secrétaire général des Nations Unies après une évaluation par le Secrétariat ainsi que par les quinze pays membres du Conseil de sécurité. Les membres sont des enquêteurs et chercheurs indépendants avec une expérience technique dans les différents domaines spécifiques du mandat – notamment les enquêtes sur l’approvisionnement en armes, le financement des groupes armés, le commerce des ressources naturelles, les violations graves des droits de l’Homme, et les problématiques transfrontalières.
[4] Ce rapport des experts des Nations Unies, qui a été publié fin 2012, accuse le Rwanda et l’Ouganda de soutenir le M23 à qui les Nations Unies imputent de graves exactions (viols, assassinats, recrutement forcé des enfants...).
[5] Le Conseil de sécurité des Nations Unies a gelé les avoirs et interdit de voyage les responsables du M23, dont Jean-Marie Runiga et le général Sultani Makenga, chef militaire du mouvement.
[7] L’un des experts des Nations Unis ayant diligenté les enquêtes relatives au rapport dénonçant l’implication du Rwanda, du Burundi et de l’Ouganda dans la déstabilisation de la RD Congo.
[8] Ces voyages ont été souvent effectués dans le cadre de l’enquête sur le recrutement de civils pour le M23. Ils concernaient notamment l’hôtel Bushokoro à Kinigi (cf. annexe 19 du rapport onusien).
[9] Cf. annexe 22 du rapport onusien.