jeudi 12 avril 2012

Processus électoral en RD Congo : atouts et faiblesses


Comment s’est déroulé le processus électoral congolais du 28 novembre 2011 ? Dans quel climat ? Quels furent les points faibles et les points forts de ce processus ? Quels enseignements pour les scrutins à venir ?


Rencontre autour de ces questions avec Gaspard-Hubert Lonsi Koko, porte-parole du rassemblement pour le développement et la paix au Congo et auteur de « Congo-Kinshasa : Le degré zéro de la politique » récemment paru aux Éditions l’Harmattan.

Date : 4 mai 2012
Heure : 19 heure précise
Lieu : Maison de l’Afrique, 7 rue des Carmes - 75005 Paris (France)
Métro : Maubert-Mutualité

Nota Bene : L’auteur dédicacera son ouvrage à cette occasion.

mardi 3 avril 2012

A propos de « Congo-Kinshasa : le degré zéro de la politique »


Gaspard-Hubert Lonsi Koko : « Je me suis intéressé à un pays où il faut imaginer d’autres voies, un système politique adéquat en vue du bien-être des populations en proie à la misère»
Par  Le Potentiel
C’est le premier entretien que Gaspard-Hubert Lonsi Koko accorde à la presse depuis les élections du 28 novembre 2011 en RDC. Homme de conviction et d’action, il s’est présenté comme candidat indépendant à la députation dans la circonscription de Madimba (Bas-Congo). Rentré en France, quelque peu dépité, cet écrivain au style raffiné publie chez l’Harmattan un livre intitulé : « Congo-Kinshasa : le degré zéro de la politique », œuvre dans laquelle il analyse férocement la situation en RDC. Avec la verve qu’on lui connait, il a accepté de répondre aux questions de notre correspondant en France.

Vous publiez bientôt chez l’Harmattan un livre au titre qui ne peut laisser indifférent : « Congo-Kinshasa : le degré zéro de la politique ». Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire ce livre ?
J’ai voulu faire le point, en tant que candidat à la députation nationale, sur les élections dans un pays africain où le processus démocratique est en plein balbutiement, un pays où l’économie peine à décoller, où les droits fondamentaux de l’être humain sont bafoués, où les infrastructures font défaut. Je me suis penché sur le cas d’un pays où le chômage ne cesse de battre des records inimaginables, un pays où l’État a démissionné depuis longtemps. Oui, je me suis intéressé à un pays où il faut imaginer d’autres voies, un système politique adéquat en vue du bien-être des populations en proie à la misère.

Que recouvre la formule « le degré zéro de la politique » en parlant de la République démocratique du Congo ?
La carence dans la formation des membres de la CENI, le manque de formation des témoins de partis politiques et de candidats indépendants ont démontré l’irresponsabilité des acteurs politiques dans les nombreux déficits ayant hypothéqué le processus électoral. On ne doit pas excuser les faits graves concernant les électeurs dont les noms ne figuraient nulle part et la mise en place des bureaux fictifs. L’improvisation et le retard dans l’envoi du matériel ne doivent être tolérés au prétexte que l’on était confronté au défaut d’infrastructures et à la défaillance en matière des transports. Je n’exagère donc pas, à propos du degré zéro de la politique qui caractérise notre pays. Vous dites que « le Congo est un bateau ivre »…
Au-delà de la description rimbaldienne, la RD Congo ressemble à un navire qui vague vers un futur incertain. Son équipage, en ayant pris en otage les passagers, a bafoué les institutions. Il s’est moqué de la morale, dès lors qu’il a transformé une défaite électorale en une victoire à la Pyrrhus.

Vous parlez d’un futur incertain pour le Congo. Selon vous, le pays n’est pas dirigé par des acteurs politiques capables de le sortir du bourbier dans lequel il se trouve ?
Des forbans, qui ne se soucient guère du bien mal acquis, sont aux commandes du bateau ivre qu’est devenu le Congo-Kinshasa. Nous devons empêcher le naufrage, pour nous épargner un investissement titanesque. Notre pays a besoin d’hommes et de femmes en mesure d’offrir une autre perspective que le bricolage.

Avez-vous une ou des solutions pour cela ?
Je dispose de toute une panoplie de solutions en vue de la liberté, l’égalité, la prospérité et la paix. Encore faut-il que nos compatriotes privilégient le projet de société aux promesses chimériques, que la conscience politique prenne le dessus sur la politique du ventre, que la gestion de la chose publique l’emporte sur l’esprit de lucre. Les mentalités doivent évoluer. L’avenir ne dépendrait que de la capacité des différents acteurs à bâtir un havre où prédominerait la vraie joie de vivre.

Que vous inspire les noms de vos ascendants que vous évoquez dans votre livre : les Nlasa Ngandu, les Vuzi di Nkuwa, les Kimuakasa et les Nsala Nkanga ?
Je suis à la fois mfumu Nlasa Ngandu, fils des Vuzi di Nkuwa, petit-fils des Kimuakasa et des Nsala Nkanga. Mes ascendants confirment mes quatre identités claniques propres aux Bantous. Le troisième alinéa de l’article 10 de la Constitution du 18 février 2006 constate, en effet, la nationalité congolaise d’origine. Celle-ci est inaliénable. Ainsi prime-t-elle sur une autre citoyenneté. Quelle leçon tirez-vous de votre expérience de candidat à la députation dans la circonscription de Madimba ?
Le bilan est globalement négatif. Néanmoins, la campagne électorale que j’ai faite dans le Bas-Congo constitue le premier pas vers l’espérance à venir. Je la considère comme étant l’échec le plus honorable de mon parcours politique, car les forces de la vie finiront par faire oublier la défaite. Les temps des épreuves ne pourront que me rendre digne du temps des victoires. Socialiste jaurésien à tendances blumiste et mitterrandiste, j’essaie toujours de concilier l’idéal et le réel. Je n’ai ni regret pour le passé, ni remords pour le présent mais une confiance inébranlable pour le futur.

Tout le monde a décrié le travail réalisé par la CENI et soutient qu’il faut recadrer cette institution ou mettre en place une nouvelle CENI pour les élections futures (les provinciales, les sénatoriales...). Quel est votre avis ?
Le double scrutin du 28 novembre dernier n’a été, sur le plan national, qu’une mascarade censée permettre la réélection de Joseph Kabila, et lui donner une majorité confortable au Parlement. La CENI n’a-t-elle pas cautionné la nomination des députés du cru 2011 ? Il est indispensable de réformer cette institution, pour éviter d’autres déboires électoraux.

Que pensez-vous de l’ouverture prônée par Joseph Kabila ?
C’est la majorité parlementaire qui gouverne. La politique de la main tendue prouve que le président sortant est électoralement minoritaire. S’imposer sur le plan légal ne donne pas forcément la légitimité, laquelle s’acquiert par la reconnaissance populaire. C’est la raison pour laquelle Joseph Kabila veut associer l’opposition à son probable échec.

Etes-vous pour un gouvernement d’union nationale avec une majorité recomposée ?
La manipulation, la contestation, la suspicion et le rejet des résultats des élections sont dus au laisser-faire. Cette négligence concernait la bataille liée à l’articulation du processus électoral, le manque de confiance à l’égard de la CENI et d’autres institutions qui étaient impliquées dans la démarche, la méfiance entre les acteurs politiques majeurs, l’attitude des élites. Elle est aussi due à la manipulation des populations et à l’instrumentalisation des institutions, à l’opacité des conditions de transfert et de compilation des résultats, aux arrière-pensées politiques dictées par l’angoisse et les incertitudes, quant à l’avenir et au devenir tant individuel que collectif. Ces facteurs ont poussé les uns et les autres à perturber ce processus électoral pour aboutir à des négociations en vue d’un nouveau partage du pouvoir dans le cadre d’un gouvernement d’union nationale, ou de transition. Joseph Kabila n’aura aucun mal à débaucher au sein de l’opposition, moyennant quelques postes ministériels et d’autres avantages matériels. Non, je ne suis pas favorable à un gouvernement d’union nationale. Il faut mettre la soi-disant majorité présidentielle au pied du mur et la laisser se décomposer au profit d’une opposition crédible, dont je préconise instamment la mise en place.

On prendrait le risque de dire que le débauchage, s’il en est un, affaiblirait ou fragiliserait l’Opposition qui sera incapable de jouer son rôle de contre-pouvoir. Est-ce qu’en RDC l’Opposition a-t-elle déjà été à la hauteur d’un quelconque enjeu ?
Si l’opposition congolaise n’avait rien entrepris durant la mandature 2006-2011, alors qu’elle détenait plus d’élus qu’à l’issue du scrutin du 28 novembre dernier, elle serait davantage inexistante face à l’actuelle majorité concoctée pour la tranquillité de Joseph Kabila.

Pour calmer la tension politique entre la majorité présidentielle et l’Opposition, d’aucuns souhaitent que soit nommer un premier ministre issu de l’opposition. Qu’en pensez-vous ?
Que fera un Premier ministre qui ne détiendra aucune majorité au Parlement ? De quelle marge de manœuvre disposera-t-il ? Je m’insurgerais volontiers contre une telle nomination.

Selon vous, comment créer les conditions d’un dialogue possible entre la majorité présidentielle et l’Opposition ?
Il y a quelque chose de malsain au Congo-Kinshasa. Mais une jurisprudence bantoue recommande de façonner l’argile pendant qu’elle est humide. Ainsi est-il important de réfléchir à d’autres voies pouvant permettre au peuple congolais de connaître des lendemains meilleurs. Il faudrait créer les conditions favorables à des alternances politiques qui ne souffriraient d’aucune contestation. Et cela passerait par le fait de juguler en urgence la crise politique actuelle et de permettre l’émergence de nouveaux acteurs à l’étoffe d’hommes et de femmes d’État. Les Congolais devraient obliger la classe politique à tendre vers l’excellence.

Continuez-vous votre combat politique ?
Le processus électoral tant décrié en RD Congo ne doit guère décourager les femmes et les hommes de bonne volonté, dans la recherche des voix salutaires en vue de l’amélioration matérielle et du rayonnement intellectuel. Il est des moments où l’on doit faire l’impasse sur une injustice quelconque pour ensuite cheminer en toute quiétude vers l’aube de la démocratie. À l’instar de Josué, fils de Nun, qui avait jadis su patienter avant de se lever et de traverser le Jourdain, j’ai fait le choix de franchir le Congo... Quand on fixe un cap, il faut le suivre.

Propos recueillis par Robert Kongo, correspondant en France