Cinq questions à Gaspard-Hubert Lonsi Koko
1. Vous avez adressé récemment
une lettre au Premier ministre belge, Elio Di Rupo, demandant, au nom
des Congolais de l’étranger, l’intervention de la Belgique sur «la
dramatique situation» qui prévaut au Nord-Kivu. Qu’est-ce qui a motivé
votre démarche ?
Tout le monde sait que nos
voisins de l’Est ont pris une sérieuse option sur notre avenir. Pour
faire main basse sur nos terres et avoir la mainmise sur nos ressources
naturelles, ils essaient de balkaniser notre pays par tous les moyens et
à n’importe quel prix. Comme la situation ne cesse de devenir davantage
dramatique et face à la faillite de l’Etat, contrairement à ceux qui
ont passé des accords secrets pour céder des portions du territoire
national, les Congolais de l’étranger avec qui je travaille au sein
d’Union du Congo ont pris la résolution d’agir.
En conséquence, j’ai demandé à un pays
avec lequel nous avons eu un passé commun d’assister les FARDC dans la
noble tâche qui consiste à stabiliser la région du Kivu. Le peuple
n’est-il pas, après tout, le souverain primaire ? L’article 64 de la
Constitution du 18 février 2006 ne stipule-t-il pas que « tout Congolais
a le devoir de faire échec à tout individu ou groupe d’individus qui
prend le pouvoir par la force ou qui l’exerce en violation des
dispositions constitutionnelles » ?
2. La Belgique serait-elle, selon vous, le pays le mieux placé pour aider la RDC dans sa quête de paix, de stabilité et de développement ?
2. La Belgique serait-elle, selon vous, le pays le mieux placé pour aider la RDC dans sa quête de paix, de stabilité et de développement ?
La Belgique peut être utile à la RD
Congo dans le cadre de la réforme de l’armée. Elle peut apporter son
expertise dans différents domaines : sécuritaire, défensif et
administratif. Au-delà de tous ces aspects, à travers la lettre adressée
au camarade Elio Di Rupo, n’oubliez pas que je suis socialiste, c’est
aussi les sujets du Roi que j’interpelle. J’ose croire que les Belges
sont sensibles aux valeurs humanistes, lesquelles exigent que l’on
combatte les auteurs des crimes de guerre et crimes contre l’Humanité où
qu’ils se trouvent.
Si la justice belge s’est attribué les
compétences en la matière, pourquoi son armée ne pourrait-elle pas
intervenir dans son ancienne sphère d’influence pour y rétablir la paix ?
Devrai-je conclure que ceux qui considèrent à tort, par ignorance ou
simple sottise, mon acte comme un appel à la recolonisation préfèrent
voir le peuple congolais subir le diktat de ses voisins rwandais,
burundais et ougandais ? Devrai-je affirmer que mes détracteurs les plus
perspicaces sont insensibles aux traitements inhumains quotidiennement
infligés à nos compatriotes du Kivu ?
3. En clair, vous souhaitez que la Belgique intervienne dans la crise qui sévit au Nord-Kivu comme le fait actuellement la France au Mali. La comparaison n’est-elle pas osée ?
3. En clair, vous souhaitez que la Belgique intervienne dans la crise qui sévit au Nord-Kivu comme le fait actuellement la France au Mali. La comparaison n’est-elle pas osée ?
Pas du tout. Se limiter au seul poids
politique et économique de la Belgique, c’est ignorer complètement la
nouvelle logique occidentale, plus précisément européenne, au regard du
continent africain. En tant qu’ancienne puissance coloniale, l’avis des
Belges reste prépondérant sur les dossiers congolais, rwandais et
burundais au Conseil de l’Europe.
Ainsi le royaume de Belgique est-elle en
mesure d’obtenir le déploiement des éléments de l’Eurofor dans la
région du Kivu. Sachons que les Européens ont réintégré le fait que les
anciennes puissances coloniales peuvent intervenir, d’une manière ou
d’une autre, dans leurs zones d’influence dès lors que cela peut
permettre à l’Union européenne de faire efficacement face à la crise
financière qui ne cesse de la fragiliser.
4. Bon nombre d’observateurs avisés soutiennent que la RDC est victime d’un complot international. Qu’attendez-vous vraiment de l’Europe, en l’occurrence la Belgique ?
4. Bon nombre d’observateurs avisés soutiennent que la RDC est victime d’un complot international. Qu’attendez-vous vraiment de l’Europe, en l’occurrence la Belgique ?
Pour atteindre leur objectif, nos
agresseurs se sont associés à des entreprises étrangères qui sont
soutenues par des puissances extracontinentales. En contrepartie, ils
doivent faire de la RD Congo, dans le pire des cas, un « no man’s land »
où lesdites entreprises s’approvisionneront en minerais rares à
moindres frais. Dans le meilleur des cas, ils doivent occuper la partie
orientale de notre pays afin de la transformer en une zone franche au
profit des forces coalisées.
Pour empêcher la balkanisation du pays,
nous devons en principe compter sur une armée aguerrie. Or, ne disposant
pas d’une force militaire capable de défendre et de sécuriser le
territoire national, nous sommes contraints de priver les parrains du
M23 des soutiens extérieurs dont ils bénéficient. Seul un changement
d’alliances peut aboutir au résultat escompté. J’attends donc de
l’Europe, en particulier de la Belgique, qu’elle redevienne une
partenaire loyale.
5. Ne pensez-vous pas que la solution aux problèmes des Congolais ne viendra que des Congolais eux-mêmes ?
5. Ne pensez-vous pas que la solution aux problèmes des Congolais ne viendra que des Congolais eux-mêmes ?
Vous prêchez un convaincu. En effet, la
solution aux problèmes des Congolais ne pourra être résolue que dans un
cadre inclusif et républicain. Je suis d’ailleurs l’un des premiers
opposants à avoir prôné la cohésion nationale et le dialogue
inter-congolais. Néanmoins, nous aurons besoin de la communauté
internationale pour nous assister dans le processus souhaité par le
président de la République qui consiste à résoudre les divergences
internes à Kinshasa et non à Kampala.
PROPOS RECUEILLIS PAR ROBERT KONGO, CORRESPONDANT EN FRANCE
PROPOS RECUEILLIS PAR ROBERT KONGO, CORRESPONDANT EN FRANCE
NOTA BENE : Une pétition, tirée de la lettre qui a été adressée au Premier ministre belge, est en ligne. Pour la signer, prière de cliquer sur le lien ci-contre : http://www.mesopinions.com/petition/droits-homme/lettre-ouverte-premier-ministre-belge-dramatique/9624
(*) Président d’Union du Congo
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