Il y a quelques semaines, par le biais d'un document très argumenté
sur la nécessité d'un changement politique en République Démocratique du
Congo, le porte-parole du Rassemblement pour Développement et la Paix
au Congo (RDPC) attirait l'attention de la communauté internationale sur
les risques à moyen et long terme d'une politique de désinvolture,
s'agissant du règlement des conflits armés dans la région des grands
lacs africains. Ainsi a-t-il rappelé que la déflagration de la gestion
inexperte de la République Démocratique du Congo aura des effets
collatéraux garantis sur l'ensemble du monde.
Toujours dans le souci
de conscientiser cette communauté internationale, qui a tendance à
réagir plutôt qu'à agir de manière anticipée, l'accent est mis cette
fois-ci sur un phénomène qui semble marginal aujourd'hui, mais dont les
conséquences, si l'on ne s'y intéresse pas plus tôt, se
matérialiseraient très prochainement. De plus, pour les jeunes
« lingalaphones » de France – dont le passé reste muet, le présent sourd
et l'avenir aveugle –, la perspective de se réaliser à travers le
terrorisme est très alléchante. En effet, la marginalisation de facto,
dont cette jeunesse est victime, et la « conscience » – celle-ci
n'étant, en réalité, qu'une impression accentuée et déformée par des
prédicateurs connus –, ont de l'implication du Nord, surtout dans le
maintien de la misère et dans l'organisation du désordre, au Sud. Elles
constituent donc des motifs solides dont la finalité est un viatique :
ce raccourci qui semble faire ses preuves, ne serait-ce que par les
tourments qu'il inflige aux pays occidentaux.
La problématique des « lingalaphones » de France
Au moins trois raisons doivent inciter la communauté internationale,
la France et l'Union européenne en premier, à se pencher sérieusement
sur le cas de ces jeunes gens, c'est-à-dire sur la problématique
relative aux
« lingalaphones » de France. Primo, sur le plan typiquement
français, le lingala est devenu la première langue africaine parlée en
région parisienne (C'est déjà en Wallonie, surtout dans la région
bruxelloise). Secundo, il est important d'avoir à l'esprit le fait que
l’aire géographique du lingala couvre le Congo-Kinshasa, le
Congo-Brazzaville, la République centrafricaine et l’Angola : à savoir
plus des deux tiers du bassin du Congo. Tertio, d’après les
statistiques, beaucoup de citoyens français de moins de 25 ans habitant
l’Île-de-France sont nés des parents
« lingalaphones », c’est-à-dire
originaires dans la plus grande majorité des pays qui composent ledit
bassin du Congo. Pourtant, l’implantation durable de cette immigration,
dont la majorité provient de la République Démocratique du Congo, est
très récente en France. Les sociologues la situent, globalement, au
début des années 1980.
L’exclusion à la française
D’après plusieurs enquêtes, les conditions sociales de la plupart de
jeunes Français et immigrés
« lingalaphones » ne sont guère
reluisantes. Pis encore, pour eux, l’horizon se bouche davantage.
Effectivement, ils sont en proie aux innombrables problèmes sociaux et
aux multiples tracasseries administratives dues aux instructions d’une
classe politique soucieuse de couper l’herbe sous le pied de l’extrême
droite – en l’occurrence le Front National. Tous ces éléments montrent
que les perspectives d’instruction et d’emplois sont, d’une manière ou
d’une autre, moins prometteuses pour ces jeunes gens. Très démoralisés,
puisque sans aucun débouché intéressant, ils ne savent plus à quel saint
se vouer. Ainsi deviennent-ils des proies faciles pour quelques imams
pratiquant un islam peu orthodoxe. Ces derniers finissent par les
convaincre de suivre un enseignement axé sur les pseudo-vertus du
terrorisme. Et, après l’endoctrinement, le stage pratique se déroule,
bien entendu, en Afghanistan ou au Pakistan. Aussitôt leur formation
achevée, ils s’envolent vers l’Afrique subsaharienne afin de combattre
la politique occidentale, surtout celle des États-Unis d’Amérique
consistant à constituer un bouclier contre le terrorisme dans une zone
géographique s’étendant du Proche-Orient au continent africain.
L’intérêt pour les richesses et la position géostratégique de l’Afrique
Il est évident que les richesses dont regorgent quelques pays
africains n’intéressent pas que les seuls Occidentaux, mais aussi
d’autres puissances confirmées et émergentes comme la Chine, la Russie,
le Japon, l’Inde, Brésil... À ceux-là, il faut ajouter des groupes
extrémistes tels que les Hezbollahs, Al-Qaïda, les Talibans... Ces
derniers travaillent non seulement pour eux-mêmes, mais aussi pour des
pays comme l’Iran, le Pakistan... qui les protègent plus ou moins.
L’autre intérêt des puissances existantes, ou en phase de le devenir,
pour l’Afrique, c’est indéniablement sa position géostratégique. En
effet, l’avenir d’un bon nombre de continents, en premier lieu l’Europe,
ou de pays à dimension continentale à l’instar de la Chine et de la
Russie, dépendent du continent africain. Qui détiendra cette partie du
monde, dans toute l’acception de l’expression, aura accès non seulement
aux matières premières, mais surtout contrôlera à la fois les océans
Atlantique et Indien, ainsi qu’une partie de la Mer Méditerranée. Il
est des analystes, ne l'oublions pas, qui ne voient dans le soutien aux
régimes en place – considérés comme des alliés locaux –, contre les
groupes opposés aux intérêts occidentaux – tels que l’Armée de
Résistance du Seigneur (LRA), les Shebabs, les commandos salafistes... –
qu'un prétexte en vue de la mainmise sur les richesses de l’Afrique.
L’implication des « lingalaphones » de la diaspora sur le devenir du continent africain
Il est à noter que, en matière de terrorisme, l’Afrique est en train
de se transformer en un nouveau champ de bataille contre les intérêts
des Occidentaux, ces derniers étant de plus en plus attirés par ses
richesses et par sa situation géographique. Mais pourquoi les
« lingalaphones » de la diaspora sont-ils parties prenantes dans
l’impitoyable adversité entre ces différents camps sur le sol africain ?
« L’arbre
ne s’élève qu’en enfonçant ses racines dans la terre nourricière », dit
un vieux proverbe bantou. Il est certain que la misère de la majorité
des peuples africains a des effets négatifs sur leurs parents vivant
hors du continent. Ces derniers ont l’impression que les Occidentaux
maintiennent en place certains régimes douteux d’une part pour mieux
exploiter les richesses des pays africains et, d’autre part, pour
maintenir davantage lesdits États dans le sous-développement
– l'objectif étant de mieux les déstabiliser. En conséquence, ces
« lingalaphones » de l'étranger, qui s’estiment exclus de la gestion de
la chose publique en France (pour ceux qui sont citoyens français) et
qui n’y voient aucun avenir, projettent de retourner dans les pays de
leurs ancêtres dans le but d’y rétablir l’ordre. Dans leur esprit, le
désordre règne dans ces pays à cause des anciennes puissances
colonisatrices, en particulier, et, en général, des Occidentaux. Raison
pour laquelle ils s’allient d’office à ceux qui combattent, au prix de
leur vie, les intérêts occidentaux en Afrique. Les ennemis de nos
ennemis ne sont-ils pas nos amis ? Dans la mesure où la lutte contre le
terrorisme doit se faire à l’échelle internationale, la solution
concernant les conditions sociales des Français et immigrés
« lingalaphones » de l’Île-de-France n’est pas que franco-française.
Elle est aussi bien américaine qu’européenne et congolaise.
Une solution globale en vue de la dignité des peuples africains
Les réponses à cette problématique des « lingalaphones » de la région
parisienne sont aussi américaines, parce que la lutte contre le
terrorisme que mènent les États-Unis en Afrique est considérée par
certains caciques comme un paravent d’une politique néo-coloniale.
D’aucuns soutiennent volontiers que, à tort ou à raison, la politique
américaine dans le continent africain consiste à brandir la menace
terroriste dans l’espoir de se rallier les dirigeants locaux et
d’obtenir, moyennant finances et armements, de nombreux marchés. Il est
très important de rappeler que l’intérêt croissant de Washington pour
les richesses pétrolières des pays de l’ouest et du centre de l’Afrique
est l’une des alternatives à ses approvisionnements du Proche-Orient.
Les
solutions sont aussi européennes, dans la mesure où le partenariat
entre l’Europe et le Maghreb préconise une loi de lutte contre le
terrorisme en Afrique. Dans le même ordre d’idée, la Convention
européenne pour la répression du terrorisme, conclue le 27 janvier 1977 à
Strasbourg, ne consiste-t-elle pas à dissuader, par tous les moyens,
les actes contre les intérêts des pays d’Europe à travers le monde ? De
l’avis de la plupart de spécialistes des relations entre le Nord et le
Sud, les Occidentaux ont plutôt intérêt à conditionner leur partenariat
avec les régimes africains à la bonne gouvernance et non à continuer de
protéger des potentats au détriment des peuples. En agissant de la
sorte, non seulement ils maîtriseront l’immigration africaine, mais ils
contribueront surtout à la dignité des populations africaines. Ils
participeront, de facto, à l’émergence et à la consolidation des États
de droit.
Ces réponses sont également congolaises car la République
Démocratique du Congo doit s’intéresser davantage aux entrepreneurs
congolais de l’étranger, sachant que sa diaspora représente une manne
financière considérable et indispensable à son développement
socio-économique. C’est parce que la solution est globale que le
Rassemblement pour le Développement et la Paix au Congo (RDPC)
réintroduira, dans la législature 2010-2015, le ministère qui avait en
charge les Congolais de la diaspora et renforcera ses attributions. Dans
cette optique, le gouvernement du RDPC créera un Conseil Représentatif
de la Diaspora Congolaise (CRDC), lequel sera composé de membres élus et
dont le rôle sera avant tout économique et social. Ainsi le RDPC
fera-t-il appel aux compétences des Congolais de l’étranger, parmi
lesquels figurent les Congolo-Français, dans les différents secteurs
étatiques et privés. Il est question non seulement des échanges
humanistes avec les partenaires habituels de la République Démocratique
du Congo en vue de l’expatriation des ressortissants congolais d’origine
détenant les citoyennetés étrangères, mais aussi du retour concerté des
immigrés congolais, qui le souhaitent, à la terre de leurs ancêtres.
Gaspard-Hubert Lonsi Koko