La pression électorale
Il y a encore quelques mois, certains spécialistes, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, pronostiquaient « la victoire sans coup férir » du président sortant aux prochains enjeux électoraux. Or, face à la pression électorale qu’exercent habilement certains candidats à la magistrature suprême issus de l’opposition, le vent commence à tourner. La preuve en est que le président sortant vient de renoncer au calendrier électoral adopté par la Commission Électorale Indépendante (CEI), laquelle n’a pourtant fait qu’obéir aux injonctions de l’AMP, et souhaite l’installation de la Commission Nationale Électorale Indépendante (CENI) dans un meilleur délai. Quant à l’ambition du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD) de se présenter seul aux élections, elle est de moins en moins à l’ordre du jour. L’alliance officielle de la majorité présidentielle avec les acolytes de Laurent Nkunda et de Bosco Ntaganda, sachant pertinemment que ces derniers sont dans la ligne de mire de la cour pénale internationale, laisse donc apparaître les faiblesses du supposé vainqueur. Comment réagir face à pareille incertitude ?
Péril en la demeure ?
Rappelons que le Kivu, qui avait massivement élu le président Joseph Kabila en 2006, ne lui est plus du tout favorable. En effet, le départ du camp majoritaire de l’ancien président de la chambre basse Vital Kamerhe, qui était très apprécié dans cette région, et l’insécurité grandissante dans l’Est de la République Démocratique du Congo écartent davantage l’hypothèse de la réélection tant souhaitée. Y aurait-il péril en la demeure ?
En tout cas, les joueurs d’échecs savent ce qu’est une fourchette. Il s’agit d’un coup tactique qui consiste à attaquer deux pièces adverses, ou plus à la fois, pour obtenir un avantage matériel – la prise d’une pièce de l’adversaire étant imparable. À travers l’adhésion du CNDP à l’AMP, le président congolais, en proie au « syndrome ivoirien », tient d’une part à s’assurer à tout prix de la mainmise sur tous les bureaux de vote situés dans les territoires actuellement non accessibles aux FARDC mais contrôlés par le CNDP. D’autre part, par ce choix, il espère compter sur les affidés de ce parti militaro-politique en cas de contestation des résultats du scrutin.
Un meilleur accompagnement du processus électoral
Il faudrait absolument éviter que ne se reproduise en République Démocratique du Congo ce qui est en train de se dérouler en Côte d’Ivoire. Ainsi revient-il aux acteurs politiques congolais et à la communauté internationale de mettre en place des dispositifs idoines en vue d’un meilleur accompagnement du processus électoral, à commencer par l’exigence de la présence d’assesseurs de chaque candidat et d’observateurs de la communauté internationale à l’élection présidentielle dans tous les bureaux de vote. Ensuite, compte tenu de la majorité détenue par l’AMP à la CENI et de la composition du Conseil constitutionnel (ou de l’institution qui en fait office) au sein de laquelle ne se retrouvent que des partisans du président Kabila, il est impératif qu’un Haut Représentant des Nations Unies pour les élections soit nommé en vue d’un droit de regard, en conformité avec les dispositions légales, dans le processus électoral en République Démocratique du Congo. Enfin, le processus électoral en cours doit permettre le déploiement des éléments de la Mission des Nations Unies au Congo (monusco) dans les territoires qui sont sous le contrôle des éléments du CNDP, échappant de ce fait au contrôle des FARDC.
Gaspard-Hubert Lonsi Koko
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