Gaspard-Hubert Lonsi Koko: « L’unité nationale ne doit être hypothéquée sous aucun prétexte ».
1. Les rebelles du M23 ont quitté Goma. Pensez-vous que ce retrait résout la crise ?
Ce retrait ne peut résoudre la
crise qu’en tenant compte de deux facteurs fondamentaux. Si le M23 est
un mouvement local soutenu par des pays étrangers, les rebelles qui le
composent sont censés savoir qu’aucun citoyen congolais n’est au-dessus
des lois de la République. Leurs chefs devront être traduits en
justice pour violation des articles 63, 64, 66, 67 de la Constitution et
pour haute trahison du fait d’agir en intelligence avec les ennemis de
la Nation. Si le M23 est composé d’éléments étrangers s’étant approprié
la citoyenneté congolaise, cela confirme l’agression de notre pays par
les voisins ougandais, burundais et rwandais. En conséquence, le
gouvernement devra recourir aux dispositifs constitutionnels appropriés –
plus précisément aux articles 85 et 86, ainsi qu’au second alinéa de
l’article 214 de la Constitution. Le président de la République devra
décréter l’état de siège et demander à ses alliés de la SADC, de la
CEEAC, de l’Union africaine et de la Francophonie de s’impliquer dans
une négociation globale, voire d’intervenir militairement aux côtés des
FARDC, pour rétablir l’ordre dans la région du Kivu et pacifier
l’ensemble du territoire national.
2. Quelle réflexion vous
inspire les pourparlers engagés à Kampala entre la délégation du
gouvernement de la RDC et les rebelles du M23 ?
Cette rencontre avec le M23 doit avoir
comme finalité la mise au point sur la sécurisation du territoire
national. Elle ne doit en aucun cas servir de cadre à la négociation en
vue du partage des compétences administratives et de l’attribution des
postes ministériels. Elle doit être l’occasion d’accompagner les
menteurs jusqu’à la porte. J’invite donc à la prudence et à la
clairvoyance les membres de la délégation gouvernementale, car il est
question de la cohésion nationale. L’unité nationale ne doit être
hypothéquée sous aucun prétexte.
3. Faites-vous confiance à cette délégation conduite par le ministre des Affaires étrangères, Raymond Tshibanda ?
Raymond Tshibanda étant le patron de la
diplomatie congolaise, il est judicieux qu’il conduise une telle
délégation. Mais, il faudra le quitus du Parlement pour que le ministre
des Affaires étrangères engage le pays dans tout accord relatif à la
sécurité de nos populations, à la paix et à l’intégrité du territoire.
4. Comment réagissez-vous au refus des principaux partis d’opposition de participer à ces négociations ?
Le bon sens voudrait, effectivement, que
l’on ne négocie pas avec des criminels, de surcroît agresseurs et
acteurs de la déstabilisation. Mais comme la RDC s’est retrouvée avec
des forces armées téléguidées de l’extérieur à défaut d’une institution
militaire aguerrie, elle est contrainte de se rendre à Kampala pour
rappeler la nécessité d’une médiation plus large devant inclure ses
alliés habituels et d’un dialogue inter-congolais, auquel prendront part
les Congolais de l’étranger, pour sortir de la crise qui paralyse
politiquement le pays. En effet, la diaspora est composée des Congolais à
part entière bénéficiant des mêmes droits et devoirs que leurs
compatriotes de l’intérieur. Leurs représentants doivent être choisis
dans les différents pôles géographiques sur la base des critères précis :
capacités politiques, intellectuelles et relationnelles au regard des
autorités des pays, ou du continent, où ils vivent.
5. Comment mettre un terme définitif à cette guerre et au drame humain qui se joue à l’Est de la RDC ?
Une réelle volonté politique et un
patriotisme sans faille sont indispensables pour un Etat de droit, la
stabilité et l’indivisibilité de la RDC. Il faudra commencer par mettre
en place des conditions d’une véritable réconciliation nationale autour
des valeurs républicaines et un gouvernement d’union nationale ou de
salut public dans le contexte de l’état d’urgence, tout en garantissant
le caractère inaliénable de la nationalité congolaise d’origine,
conformément à l’alinéa 3 de l’article 10 de la constitution, ainsi que
le droit de vote et d’éligibilité des Congolais de l’étranger. Il
faudra aussi préparer des élections libres et crédibles, en commençant
par les scrutins locaux, et créer des juridictions d’exception en vue
des poursuites contre les auteurs des crimes de guerre, des crimes
contre l’Humanité, des violations des droits fondamentaux de la personne
humaine et pour haute trahison. Il faudra aussi obtenir le changement
de la mission de la Monusco et sa transformation en une force
d’intervention aux côtés des FARDC, à partir de la frontière rwandaise,
et, au cas où les Nations Unies refuseraient de requalifier sa mission,
son remplacement par les forces de l’Union africaine ( à l’exclusion des
pays voisins de l’Est), et ou de l’Eurofor, ou alors de l’Africom.
Enfin, il faudra maîtriser l’insécurité et restaurer l’autorité de
l’Etat sur l’ensemble du territoire national grâce à une armée et à une
police républicaines et performantes.Propos recueillis par Robert Kongo (correspondant en France)
(*) Porte-parole du Rassemblement pour le Développement et la Paix au Congo (RDPC).
© Le Potentiel
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