Le
président du Sénat congolais, l’honorable Léon Kengo wa Dondo, a très
récemment affirmé, lors d’une séance de la chambre haute, que la
participation de ses compatriotes vivant hors des frontières nationales
est « verrouillée par la loi fondamentale » : c’est-à-dire par la Constitution, la loi sur la nationalité et la loi électorale[1].
Pourtant, la loi ne doit en aucun cas devenir la source des tensions,
ni exclure une catégorie de la population. Elle doit plutôt garantir la
cohésion nationale.
Dans un pays où l’instruction n’est pas à la portée des trois quarts de la population, où l’État est incapable de créer des emplois, seul le suffrage populaire peut permettre l’égal accès à la représentativité électorale. Conditionner le mandat électif, exclure des milliers d’individus d’une partie de leurs droits civils du fait de leur résidence, c’est fouler sous le pied la règle universelle qui veut que le peuple soit le souverain primaire.
Quatre constats s’imposent à première vue. Primo, il est injuste que les Congolais de l’étranger concernés à la fois par le jus sanguinis et le jus soli puissent perdre la nationalité congolaise d’origine du fait de détenir une citoyenneté étrangère. Secundo, en République
Démocratique du Congo, la terre appartient aux familles. Or, personne ne reniera les membres de sa famille parce qu’ils ont une citoyenneté étrangère. Ainsi risque-t-on de s’exposer à un conflit foncier, au cas où on leur contesterait la nationalité congolaise. Tertio, il est inhumain d’imposer aux enfants nés des parents congolais et non congolais de choisir une nationalité au détriment d’une autre. Quatro, dès lors que des Congolais d’origine détenant des citoyennetés étrangères siègent aux Parlements – national et provinciaux – et occupent des postes dans la haute administration nationale et dans les institutions étatiques, il est inadmissible que des Congolais d’origine se trouvant dans la même situation, mais résidant hors des frontières nationales, soient pénalisés.
Quant à l’article 50, dans son premier alinéa, il reconnaît que « l’État protège les droits et les intérêts légitimes des Congolais qui se trouvent tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays ». Enfin, l’article 66 stipule que « tout Congolais a le devoir de respecter et de traiter ses concitoyens sans discrimination aucune et d’entretenir avec eux des relations qui permettent de sauvegarder, de promouvoir et de renforcer l’unité nationale, le respect et la tolérance réciproques ».
Le fait de priver des milliers d’individus de leurs droits, ne serait-ce que pour des raisons techniques, c’est fouler sous le pied la règle universelle qui veut que le peuple soit le souverain primaire. En excluant d’office les Congolais de l’étranger de leurs droits civils et politiques du fait de leur résidence, les autorités violent purement et simplement les articles 5, 12, 50 et 66 de la Constitution.
En vertu de ces principes juridiques et au regard du droit international en matière de nationalité, sachant qu’en droit les faits précèdent la loi, le président de la République Démocratique du Congo doit en principe exiger l’abrogation des dispositions légales dont l’inconstitutionnalité génère des injustices. Ainsi serait-il judicieux qu’il demande au gouvernement et au Parlement non seulement d’officialiser le droit de vote et d’éligibilité des Congolais de l’étranger aux élections sénatoriales et législatives, mais aussi de confirmer le caractère inaliénable de la nationalité congolaise d’origine et sa primauté sur toute autre nationalité, conformément à l’alinéa 3 de l’article 10 de la Constitution et à l’article 4 de la loi du 12 novembre 2004 relative à la nationalité congolaise.
Gaspard-Hubert Lonsi Koko
Source : Jolpress
Notes :
[1] La Constitution du 18 février 2006
Article 10 : La nationalité congolaise est une et exclusive. Elle ne peut être détenue concurremment avec « aucune autre ».
La nationalité congolaise est soit d’origine, soit d’acquisition individuelle.
Est Congolais d’origine, toute personne appartenant aux groupes ethniques dont les personnes et le territoire constituaient ce qui est devenu le Congo (présentement la République Démocratique du Congo) à l’indépendance.
Une loi organique détermine les conditions de reconnaissance, d’acquisition, de perte et de recouvrement de la nationalité congolaise.
Article 72 : Nul ne peut être candidat à l’élection du Président de la République s’il ne remplit les conditions ci-après :
1 - posséder la nationalité congolaise d’origine ;
2 - être âgé de 30 ans au moins ;
3 - jouir de la plénitude de ses droits civils et politiques ;
4 - ne pas se trouver dans un des cas d’exclusion prévus par la loi électorale.
La loi du 12 novembre 2004 relative à la nationalité congolaise
Article 1er : La nationalité congolaise est une et exclusive.
Elle ne peut être détenue concurremment avec une autre nationalité.
Elle est soit d’origine, soit acquise par l’effet de la naturalisation, de l’option, de l’adoption, du mariage ou de la naissance et de la résidence en République Démocratique du Congo.
Article 2 : La nationalité congolaise est reconnue, s’acquiert ou se perd selon les dispositions fixées par la loi, sous réserve de l’application des conventions internationales et des principes de droit reconnus en matière de nationalité.
Article 4 : Tous les groupes ethniques et nationalités dont les personnes et le territoire constituaient ce qui est devenu le Congo (présentement la République Démocratique du Congo) à l’indépendance, doivent bénéficier de l’égalité des droits et de la protection aux termes de la loi en tant que citoyens.
À ce titre, ils sont soumis aux mêmes obligations.
Article 26 : Toute personne de nationalité congolaise qui acquiert une nationalité étrangère perd la nationalité congolaise en vertu des dispositions de l'article 1er de la présente loi.
[2] Nul n’est injuste qu’une loi qui génère des injustices.
Léon Kengo wa Dongo, président du Sénat congolais |
La loi électorale
Pour contourner les dispositifs constitutionnels relatifs à l’égalité de tous les Congolais, l’Assemblée nationale et le Sénat ont voté le 15 juin 2011 une nouvelle loi électorale qui régirait les scrutins prévus pour le 28 novembre 2011 – s’agissant de la présidentielle et des législatives – et la mi-2013, quant aux autres élections. Les parlementaires sortants s’étaient arrangés pour conditionner la validité d’une candidature à un minimum de cinq ans dans les domaines politique, administratif et économique à défaut du cursus universitaire ou autre capacité. Pis encore, la loi électorale exige un délai de séjour dans le territoire congolais pour pouvoir se présenter à une élection.Dans un pays où l’instruction n’est pas à la portée des trois quarts de la population, où l’État est incapable de créer des emplois, seul le suffrage populaire peut permettre l’égal accès à la représentativité électorale. Conditionner le mandat électif, exclure des milliers d’individus d’une partie de leurs droits civils du fait de leur résidence, c’est fouler sous le pied la règle universelle qui veut que le peuple soit le souverain primaire.
La nationalité congolaise d’origine
Force est donc de constater, sur le plan légal, l’existence du conflit entre la Constitution et la loi sur la nationalité. En effet, les articles 10 et 72 de la Constitution s’opposent aux articles 4, dans son premier alinéa, et 26 de la loi du 12 novembre 2004 relative à la nationalité congolaise. Il convient de noter que les alinéas 3 de l’article 10 et 1er de l’article 72 de la Constitution évoquent le caractère inaliénable de la nationalité congolaise d’origine, tandis que l’article 26 de la loi du 12 novembre 2004 fixe la perte de la nationalité congolaise à l’acquisition de la nationalité étrangère par toute personne de nationalité congolaise.Quatre constats s’imposent à première vue. Primo, il est injuste que les Congolais de l’étranger concernés à la fois par le jus sanguinis et le jus soli puissent perdre la nationalité congolaise d’origine du fait de détenir une citoyenneté étrangère. Secundo, en République
Démocratique du Congo, la terre appartient aux familles. Or, personne ne reniera les membres de sa famille parce qu’ils ont une citoyenneté étrangère. Ainsi risque-t-on de s’exposer à un conflit foncier, au cas où on leur contesterait la nationalité congolaise. Tertio, il est inhumain d’imposer aux enfants nés des parents congolais et non congolais de choisir une nationalité au détriment d’une autre. Quatro, dès lors que des Congolais d’origine détenant des citoyennetés étrangères siègent aux Parlements – national et provinciaux – et occupent des postes dans la haute administration nationale et dans les institutions étatiques, il est inadmissible que des Congolais d’origine se trouvant dans la même situation, mais résidant hors des frontières nationales, soient pénalisés.
Les droits des Congolais de l’étranger
Les dispositions constitutionnelles n’ont jamais prévu l’exclusion d’une certaine catégorie des Congolais du processus électoral, sous prétexte qu’ils vivent en dehors du territoire national. Au contraire, elles cautionnent les droits humains, les libertés fondamentales, les devoirs du citoyen et de l’État. En guise d’exemple, l’article 5 de la Constitution congolaise, dans son alinéa 3, précise que « tous les Congolais de deux sexes âgés de dix-huit ans révolus et jouissant de leurs droits civils et politiques sont électeurs et éligibles » tandis que l’article 12 affirme que « tous les Congolais sont égaux devant la loi et ont droit à une égale protection des lois ».Quant à l’article 50, dans son premier alinéa, il reconnaît que « l’État protège les droits et les intérêts légitimes des Congolais qui se trouvent tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays ». Enfin, l’article 66 stipule que « tout Congolais a le devoir de respecter et de traiter ses concitoyens sans discrimination aucune et d’entretenir avec eux des relations qui permettent de sauvegarder, de promouvoir et de renforcer l’unité nationale, le respect et la tolérance réciproques ».
Le fait de priver des milliers d’individus de leurs droits, ne serait-ce que pour des raisons techniques, c’est fouler sous le pied la règle universelle qui veut que le peuple soit le souverain primaire. En excluant d’office les Congolais de l’étranger de leurs droits civils et politiques du fait de leur résidence, les autorités violent purement et simplement les articles 5, 12, 50 et 66 de la Constitution.
L’amendement des dispositifs illégaux
« Summun jus, summa injuria »[2], disait Cicéron. En droit, la loi désigne une règle juridique suprême, générale et impersonnelle. Et lorsqu’elle est régulièrement adoptée, seul le législateur, ou une autorité supérieure, pourra la défaire ou la refaire conformément à la règle pratique du « parallélisme des formes ». Par conséquent, une autre autorité peut passer outre, ou modifier la loi, dès lors qu’elle est inconstitutionnelle. Par ailleurs, la Constitution l’emporte sur la loi en cas de conflit et, conformément à l’alinéa 2 de l’article 69 de la Constitution congolaise, « le président de la République veille au respect de la Constitution ».En vertu de ces principes juridiques et au regard du droit international en matière de nationalité, sachant qu’en droit les faits précèdent la loi, le président de la République Démocratique du Congo doit en principe exiger l’abrogation des dispositions légales dont l’inconstitutionnalité génère des injustices. Ainsi serait-il judicieux qu’il demande au gouvernement et au Parlement non seulement d’officialiser le droit de vote et d’éligibilité des Congolais de l’étranger aux élections sénatoriales et législatives, mais aussi de confirmer le caractère inaliénable de la nationalité congolaise d’origine et sa primauté sur toute autre nationalité, conformément à l’alinéa 3 de l’article 10 de la Constitution et à l’article 4 de la loi du 12 novembre 2004 relative à la nationalité congolaise.
Gaspard-Hubert Lonsi Koko
Source : Jolpress
Notes :
[1] La Constitution du 18 février 2006
Article 10 : La nationalité congolaise est une et exclusive. Elle ne peut être détenue concurremment avec « aucune autre ».
La nationalité congolaise est soit d’origine, soit d’acquisition individuelle.
Est Congolais d’origine, toute personne appartenant aux groupes ethniques dont les personnes et le territoire constituaient ce qui est devenu le Congo (présentement la République Démocratique du Congo) à l’indépendance.
Une loi organique détermine les conditions de reconnaissance, d’acquisition, de perte et de recouvrement de la nationalité congolaise.
Article 72 : Nul ne peut être candidat à l’élection du Président de la République s’il ne remplit les conditions ci-après :
1 - posséder la nationalité congolaise d’origine ;
2 - être âgé de 30 ans au moins ;
3 - jouir de la plénitude de ses droits civils et politiques ;
4 - ne pas se trouver dans un des cas d’exclusion prévus par la loi électorale.
La loi du 12 novembre 2004 relative à la nationalité congolaise
Article 1er : La nationalité congolaise est une et exclusive.
Elle ne peut être détenue concurremment avec une autre nationalité.
Elle est soit d’origine, soit acquise par l’effet de la naturalisation, de l’option, de l’adoption, du mariage ou de la naissance et de la résidence en République Démocratique du Congo.
Article 2 : La nationalité congolaise est reconnue, s’acquiert ou se perd selon les dispositions fixées par la loi, sous réserve de l’application des conventions internationales et des principes de droit reconnus en matière de nationalité.
Article 4 : Tous les groupes ethniques et nationalités dont les personnes et le territoire constituaient ce qui est devenu le Congo (présentement la République Démocratique du Congo) à l’indépendance, doivent bénéficier de l’égalité des droits et de la protection aux termes de la loi en tant que citoyens.
À ce titre, ils sont soumis aux mêmes obligations.
Article 26 : Toute personne de nationalité congolaise qui acquiert une nationalité étrangère perd la nationalité congolaise en vertu des dispositions de l'article 1er de la présente loi.
[2] Nul n’est injuste qu’une loi qui génère des injustices.
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