« Pour la Monusco[1], un plan de réintégration des soldats de l’ancienne rébellion en dehors de leurs communautés d’origine n’est pas viable », peut-on lire dans un article publié dans le site de l’Agence d’information (AI)[2] intituléLes arrière-pensées gouvernementales de la démobilisation du M23. Et les auteurs de l’article de préciser que « le M23 ne l’acceptera pas et les risques de nouvelles tensions ne sont pas à prendre à la légère ». Rappelons que les différentes tentatives du Rwanda de bloquer la publication, en raison des accusations de soutien au Mouvement du 23 Mars (M23), n’ont pas empêché la transmission du rapport des experts des Nations Unies sur la République Démocratique du Congo, le 23 janvier dernier, au Conseil de sécurité.
Le désarmement du M23
D’après l’Agence d’information, dont la seule raison d’être consiste à surveiller la première intervention offensive des Nations Unies sur le sol congolais, « le plan gouvernemental [congolais] de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) des combattants de l’Armée révolutionnaire congolaise (ARC), aile militaire du M23, suscite craintes et perplexités au sein de l’appareil onusien à Kinshasa ». Il paraîtrait que, aux dires d’un officiel de la Monusco lors d’une réunion en date du 21 janvier dernier présidée par le général Abdallah Wafi en présence de nombreux diplomates, « le plan DDR conçu par les autorités congolaises, et sur lequel les fonctionnaires de l’Agence nationale de renseignements (ANR) ont la haute main, ressemble davantage à un projet de déportation qu’à un processus de démobilisation ».
D’aucuns n’ignorent que, dans le passé, les accords ayant été conclus par le gouvernement congolais avec les différents groupes armés n’ont jamais abouti à la moindre résolution des conflits qui ne cessent de déstabiliser la région du Kivu. Au contraire, ils ont facilité le noyautage des institutions étatiques et servi de chantage à d’autres menaces de rébellion.
Personne n’ignore non plus que l’objectif des présidents rwandais et ougandais, en l’occurrence Paul Kagamé et Yoweri Kaguta Museveni, consiste à administrer de manière autonome le Nord-Kivu[3]. Après la débandade militaire de leurs poulains du M23, dans un premier temps, le Rwanda et l’Ouganda essaient d’obtenir par tous les moyens leur maintien dans le Kivu dans l’optique d’aboutir tacitement au fédéralisme.
La réussite de cette opération permettra d’exporter, dans un second temps, des populations burundaises, rwandaises et ougandaises dans la région tant convoitée, afin d’y organiser un référendum populaire en vue de l’autodétermination. Enfin, tout le monde a à l’esprit le calendrier relatif à la mainmise par les pays frontaliers, du point de vue foncier dans l’optique d’un démembrement d’une portion de la République Démocratique du Congo[4].
La connaissance de la vérité
On ne doit pas avoir la mémoire courte. Il semble bien que certaines personnes ont pris les armes, à l’Est de la République Démocratique du Congo, pour assurer la protection des leurs proches ethniquement parlant et défendre leurs intérêts au détriment de la Nation Congolaise. Ainsi ont-ils remis en cause l’insertion et l’intégration d’un bon nombre d’entre eux, qui se considèrent sincèrement comme des citoyens congolais, et mis en cause l’intégrité du territoire national. Face aux millions de morts et à la souffrance humaine, on ne doit pas s’amuser à se draper de la toge de l’avocat du diable. Sauf si on considère les actes ayant occasionné plus de 8 millions de morts et des violences sexuelles, sans compter les autres violations des droits fondamentaux de la personne humaine, comme des simples errements. Un banal détail de l’histoire, si l’on veut. On ne peut pas faire abstraction de la vérité, par rapport à ce qui se passe dans la région du Kivu, si l’on tient réellement à proposer des solutions salutaires.
« Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire », préconisait à juste titre Jean Jaurès, tout en conseillant d’avoir « une confiance inébranlable pour l’avenir ». « Il ne peut y avoir de révolution que là où il y a conscience », a-t-il précisé tout en rappelant néanmoins de ne pas être « d’une ignorance encyclopédique ». Il est une réalité : les minorités ethniques existent au Congo-Kinshasa. Raison pour laquelle on doit à tout prix sauvegarder leurs droits tout en leur rappelant leurs devoirs au regard de la Nation congolaise. Face à la dramatique situation en cours dans la région du Kivu, on doit plutôt avoir la capacité de se pencher sur les différentes causes des conflits et le courage de chercher les solutions les plus efficaces.
La problématique de la trahison
Comment la majorité peut-elle défendre et assurer les droits de la minorité, si celle-ci apparaît, d’une manière ou d’une autre, comme étant la source des problèmes ? Si cette minorité ne cesse d’agir en intelligence avec les ennemis de la Nation ? Par ailleurs, il est important de rappeler que la trahison n’est pas seulement le propre des immigrants. Les gouvernants congolais devront également être cohérents et sincères, dans leurs actions et engagements en faveur de la paix et de la cohésion nationale.
C’est une question de conscience et de patriotisme, d’autant plus que le nœud du problème n’est pas forcément ces « minorités » de la région du Kivu mais l’implication de quelques Congolais dans une entreprise de criminalisation des soi-disant enjeux politiques, des complicités locales dans la région du Kivu, ainsi que dans la haute hiérarchie militaire et dans la sphère politique à Kinshasa. Seule la conscience patriotique évitera l’instrumentalisation, par les uns et les autres, de la question ethnique.
Un pacte de non-trahison
S’il existe en République Démocratique du Congo des pactes de non-agression, par exemple entre Nilotiques et Soudanais dans la province orientale et dans la province de l’Équateur, pourquoi l’État congolais n’imposera-t-il pas un pacte de non-trahison avec ceux qui, dans la région du Kivu, sont venus d’ailleurs ? Il suffit que les citoyens respectent les lois de la République, que l’État les respecte aussi et les fasse appliquer.
La question ne doit pas en principe se poser, s’agissant des rwandophones devenus sincèrement congolais (allusion aux 52 familles, par exemple). Il n’est pas non plus question de condamner ad vitam aeternam une ethnie à payer les errements de quelques-uns. Il est plutôt question de rétablir l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire et de rappeler les droits ainsi que les devoirs de tous les citoyens au regard des lois de la République. Et le pacte de non-trahison constituera un élément fondamental pour l’éveil du patriotisme, pour la prospérité économique et l’épanouissement des populations congolaises, pour l’unité et la grandeur de la République Démocratique du Congo.
Les FARDC, une institution étatique
Pour faire échouer le plan machiavélique relatif à la balkanisation conçu par des puissances extracontinentales qui utilisent quelques pays limitrophes comme bras armés, le gouvernement congolais devra à tout prix éviter l’intégration des criminels à la solde des présidents Kagamé et Museveni dans certaines institutions et structures stratégiques, donc décisionnelles, de la République. Dans la même optique, l’armée nationale congolaise étant une institution étatique, tous les militaires congolais sont obligés d’accepter leur mutation dans l’ensemble du territoire national. Ainsi revient-il au gouvernement congolais de garantir la sécurité des éléments du M23, qui sont éligibles à la réintégration dans l’armée nationale congolaise, en contrepartie de leur bonne foi et de leur sincérité quant au fait de remplir leur mission en dehors de la région du Kivu. La fermeté gouvernementale devra donc s’imposer, s’agissant de leur relocalisation dans d’autres régions du pays.
Un voleur derrière chaque menteur ?
Nul n’ignore que le bourreau tue d’abord par les armes, ensuite par l’oubli. Le peuple congolais ne doit avoir en aucun cas la mémoire courte. Sachant très bien qu’un voleur se cache toujours derrière chaque menteur, Kinshasa doit privilégier le droit – à la fois sur les plan national, régional et international – pour permettre la stabilisation du territoire national.
Si l’État congolais ne se penche pas sérieusement sur les causes réelles des conflits civils et armés qui ne cessent d’hypothéquer l’appartenance commune à la Nation, même si la situation est presque stabilisée militairement, les problèmes risqueront de ressurgir quelques années plus tard. Tant qu’à faire, il vaut mieux agir sans complaisance, ni romantisme.
On doit surtout avoir à l’esprit la corrélation entre le droit et le rapport de force. Tant que le gouvernement congolais ne saura imposer le rapport de force, il aura du mal à faire triompher le droit. Ainsi Kinshasa devra-t-elle, sur la base d’un État de droit, reprendre la main à travers des mécanismes idoines.
Gaspard-Hubert Lonsi Koko
© Jolpress
---------
Notes
[1] La mission de l’organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République Démocratique du Congo.
[2] Une structure qui œuvre en faveur des proches du président rwandais Paul Kagamé et fait du lobbying en vue de la balkanisation de la région du Kivu au profit du Rwanda, du Burundi et dans, une moindre mesure, de l’Ouganda.
[3] À lire aussi RD Congo, les véritables intentions des parrains du M23.