1. Que vous
inspire l’initiative de la majorité présidentielle en RDC de changer le mode de
scrutin des députés provinciaux, passant du suffrage universel direct au
suffrage indirect ?
La sincérité démocratique et
l’honnêteté intellectuelle supposent que l’on ne change pas les règles du jeu à
l’approche des joutes électorales. À travers l’initiative de la majorité
présidentielle, on est en train de revivre une sorte de « remake » du
changement du mode de scrutin présidentiel des deux tours à un seul, dans la
seule optique de permettre la réélection du candidat sortant. Plusieurs
facteurs, par exemple d’ordre financier ou alors structurel, peuvent
effectivement conduire à la modification du mode de scrutin. Mais au-delà de la
confiance que l’on puisse accorder ou non à l’institution censée agir dans ce
sens en cas de nécessité, les nouveaux dispositifs ne devront en aucun cas
entrer en vigueur avant un délai raisonnable. Plus explicitement, en cas de
modification du mode de scrutin, il vaudrait mieux que les nouveaux dispositifs
ne s’appliquent pas aux prochaines élections provinciales.
2. Certains
membres de l’opposition pensent qu’il s’agit
d’« un prétexte à une révision constitutionnelle plus large
destinée à permettre au président Kabila de se maintenir au pouvoir au-delà de
2016 ». C’est aussi votre point de vue ?
Une
Constitution n’est pas un fourre-tout. La Loi fondamentale d’un Etat définit les droits et les libertés des
citoyens ainsi que l’organisation et les séparations du pouvoir politique. Elle
précise, de ce fait, l’articulation et le fonctionnement des différentes
institutions qui composent l’Etat. Or, il existe dans la Constitution
congolaise des dispositifs qui n’y ont pas leur place, puisqu’ils relèvent des
lois organiques et d’application. Cette anomalie nécessitera un jour, pour
l’intérêt général, la modification du texte adopté le 18 février 2006. Dès lors
que les faits précèdent la loi, la Constitution peut évoluer. Encore faut-il
que cela ne se fasse pas chaque fois que les intérêts du pouvoir en place sont
menacés. En ayant prévu des dispositifs bloqués, notamment l’article 220, le
législateur avait prévu l’inconstitutionnalité de tout acte qui ne tiendrait
pas compte de cette interdiction. Seule l’abrogation de l’actuelle Constitution
peut permettre de passer outre les dispositifs non révisables. On ne pourra y
parvenir que par coup d’Etat.
3. L’opposition parle
d’un « coup d’Etat constitutionnel en préparation ». Partagez-vous
cet avis ?
Je ne peux que partager l’avis
de l’opposition, pour ce qui est du « coup d’Etat constitutionnel en
préparation ». Mais une opposition crédible ne change pas d’avis et
d’attitude au gré des intérêts politiciens. Or, en RD Congo, on constate que
l’expression « bonnet blanc, blanc bonnet » illustre les liaisons
dangereuses entre la majorité et l’opposition. Par conséquent, au lieu de se
lamenter systématiquement face aux injustices et aux bidouillages de la
Constitution pour des intérêts personnels, entre la complicité de quelques
opposants et les membres de la majorité présidentielle, les peuple congolais
doit avoir le courage d’assumer sa responsabilité en tant que souverain
primaire.
4. Organiser un
référendum pour modifier la Constitution ou changer le mode de scrutin des
élections provinciales censées avoir lieu en 2015 serait sans doute souhaitable. Comment interprétez-vous le flou
artistique qu’entretient la majorité présidentielle à ce sujet ?
Tout le monde sait que la RD
Congo est de nos jours dirigée grâce à une ambiguïté qui veut que la majorité
présidentielle soit en réalité composée d’une minorité électorale. Dans une
telle conjoncture, en organisant un référendum en vue d’adapter la Constitution
à ses intérêts immédiats, le pouvoir en place à Kinshasa subira un désaveu
cinglant. Le régime kabiliste a intérêt à s’appuyer davantage sur des
institutions à sa solde pour consolider son pouvoir, plutôt que de scier la
branche sur laquelle il est confortablement assis.
5. Ne
craignez-vous pas que l’opposition s’incline devant la loi de la majorité et
finisse par approuver cette initiative ?
Cette éventualité m’inquiète sérieusement. Comme à
son habitude, dans sa plus grande majorité, l’opposition a grosso modo failli
quant à la défense des intérêts du peuple congolais. Seul l’esprit de lucre
guide ses actions. Tant que les populations congolaises ne comprendront pas
qu’il faille renouveler complètement la classe politique congolaise, opposition
et majorité comprises, elles se feront toujours rouler dans la farine. Ainsi la
démocratie restera-t-elle une arlésienne, au détriment des institutions de la
République. Il ne suffit donc pas de faire émerger de nouvelles coalitions,
avec les mêmes opposants qui sont d’une manière ou d’une autre complices du
régime en place, mais de soutenir des femmes et des hommes consciencieux en vue
du triomphe de la démocratie, du progrès social et économique, de la sécurité
et de la pacification, ainsi que du bonheur du peuple congolais. Je suis
partisan d’un sursaut idéologique, d’une conjonction patriotique et citoyenne,
de l’union des Congolais de l’intérieur et ceux de la diaspora, en vue d’une
alternative crédible.
Propos
recueillis par Robert Kongo, correspondant en France
(*) Porte-parole
du Rassemblement pour le Développement et la Paix au Congo (RDPC)
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