1. Comment
réagissez-vous à l’ opération « Mbata ya mokolo » initiée par les
autorités du Congo-Brazzaville ?
La dénomination de
l’opération menée à l’encontre de nos compatriotes lui confère une connotation
provocatrice. Les expulsés sont-ils victimes d’un règlement de compte entre
Kinshasa et Brazzaville ? S’agit-il d’une concertation régionale, dans la
mesure où l’Angola menace à son tour d’expulser de force nos ressortissants en
situation irrégulière ? Faudra-t-il voir, à travers les positions de
Brazzaville et de Luanda, une volonté manifeste dans l’espoir d’un
mécontentement populaire à Kinshasa, ou alors un acte prémédité consistant à
infiltrer des éléments subversifs dans notre territoire ? J’ose espérer
que la sagesse reprendra le dessus. Je souhaite que, sur les deux rives du
fleuve Congo, l’on sache rassembler tout ce qui est épars. Par conséquent, je
demande personnellement aux présidents Denis Sassou Nguesso – l’aîné que je
reconnais comme tel – et Joseph Kabila de pendre en compte, dans les relations
entre nos deux pays, la dimension étatique en vue du plus grand bienfait de nos
populations.
2. Approuvez-vous la démarche des autorités de Kinshasa qui ne recherchent que des issues diplomatiques et pacifiques à cette opération au lieu d’une réplique musclée, comme le souhaite la population ?
Nos 50 000 expulsés en
trois semaines représentent, aux dires de Lambert Mende, le porte-parole du
gouvernement de Kinshasa, 5 à 8 % seulement de nos ressortissants vivant au
Congo-Brazzaville dont les documents administratifs ne sont pas en règle. Pays
souverain, le Congo-Brazzaville est en droit de décider librement de sa
politique en matière d’immigration. De ce fait, la position de Kinshasa est compréhensible.
On ne résout pas les rapports entre Nations par la passion. La fraternité entre
nos deux peuples nécessite que les expulsions se fassent dans le respect des
droits fondamentaux de la personne humaine. En effet, nos dirigeants respectifs
doivent avoir présentes à l’esprit les obligations morales qui cimentent nos
relations. La concorde régionale doit être prise en compte dans l’amélioration
et la poursuite d’un bon voisinage. Aucune entrave à ce principe ne doit donc
être tolérée. Les dirigeants de nos pays doivent sans arrêt chercher la vérité
en vue de la solidarité. La violence n’a jamais rien arrangé. Dans ce moment
difficile, nos cœurs devront plutôt se rapprocher en même temps que nos mains
pour que la grandeur de ce geste et son sens profond puissent lier davantage
nos deux peuples dans le temps présent et dans le futur. La diplomatie et les
échanges commerciaux doivent rapprocher encore plus nos populations
respectives. Il faudra travailler sans relâche à conserver les liens millénaires
ayant toujours unis les Congolais de Brazzaville et ceux de Kinshasa.
3. Les tortures, les tueries, les insultes, les vols, les viols…Les RD Congolais ne sont-ils pas devenus la risée du monde et de l’Afrique ?
Tout en n’étant pas
mobutiste, je reconnais que, sous le règne du maréchal Mobutu, nous n’avons
jamais été humiliés de la sorte par nos voisins. C’est l’absence de l’Etat qui
fait que nous soyons devenus la risée de tout le monde. Nos voisins ne nous
prendrons en considération que lorsque nous nous respecterons nous-mêmes. Ainsi
devons-nous bâtir un Etat de droit et tabler nos relations avec les pays
limitrophes sur la base du droit international.
4. En tant qu’acteur politique RD Congolais , quelles mesures préconiseriez-vous pour répondre à ces pratiques barbares qui n’honorent pas le genre humain ?
Seules la tolérance
mutuelle, ainsi que le respect des autres et de soi-même faciliteront les
échanges commerciaux entre Kinshasa et Brazzaville. Ils permettront une
complicité, sur le plan diplomatique, entre nos deux pays dans les différentes
initiatives d’ordre régional. Il faudra surtout éviter les actions susceptibles
d’amplifier le climat de défiance, ou d’hostilité, comme l’opération qui vient
d’être diligentée contre nos concitoyens. Par conséquent, tout doit être
entrepris en vue des réparations inhérentes aux biens mobiliers et immobiliers,
ainsi qu’à la torture morale. Brazzaville devra régler de manière politique
tout problème d’ordre économique, et selon la Convention de Genève, tout
contentieux relevant du droit l’asile.
5. Comment interprétez-vous l’indifférence de la communauté internationale et le silence des médias occidentaux devant ces actes ignominieux ?
La communauté
internationale a d’autres chats à fouetter en ce moment, notamment en Ukraine.
Elle est très occupée par l’éventualité de la candidature de Bachar El Assad à
la prochaine élection présidentielle en Syrie. Les médias occidentaux sont
focalisés sur les élections européennes. En France, l’avènement de Manuel Valls
est encore d’actualité et les tristes événements de Bangui mobilisent la
politique africaine. Je suis de ceux qui pensent que les Congolais sont les
premiers gardiens de leurs intérêts. Raison pour laquelle je déplore le silence
de notre Parlement, face aux tergiversations du gouvernement dans la résolution
du refoulement de nos compatriotes.
Propos recueillis par Robert Kongo, correspondant en France
Gaspard-Hubert Lonsi Koko,
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