Des partis politiques, des regroupements et des parlementaires de
l’opposition, ainsi que quelques groupuscules de la société civile, ont proposé
le 27 février 2015 un projet de calendrier électoral qu’ils estiment « réaliste,
réalisable et cohérent ». Ainsi ont-ils préconisé de renvoyer en 2017
les élections locales, municipales et urbaines, qu’ils ont jugées « plus
complexes » mais toutefois « nécessaires à la
consolidation de l’Etat et de la démocratie par la base ».
La pyramide inversée
Il est à noter que, pour répondre à l’exigence de l’Accord global et
inclusif de Sun City de 2002, la Commission électorale nationale indépendante
(CENI) a proposé que le calendrier électoral commence par les élections
locales, municipales et urbaines, lesquelles n’ont jamais eu lieu en République
Démocratique du Congo depuis 2006. Or, étant en réalité minoritaire, la
majorité kabiliste n’a aucun intérêt
à ce que le calendrier défini par la CENI soit respecté. Une défaite cuisante à
ces élections entraînera mécaniquement une très large victoire de l’opposition
aux élections provinciales, sénatoriales, législatives et présidentielle.
Ce n’est donc pas du tout pour des raisons relatives à la réalisation et à
la cohérence du chronogramme fixé par la CENI que les partisans de la pyramide
inversée tiennent à ce que le processus électoral s’articule absolument du
sommet vers la base. Une telle approche s’apparente plutôt au refus de
parachever, enfin, la réconciliation entre les Congolais exigée dans le cadre
du Dialogue Inter-Congolais (DIC). C’est une volonté manifeste de mettre à mal
la cohésion nationale dans le but de concrétiser les projets, à visée
déstabilisatrice, conçus et pilotés depuis l’extérieur du territoire national.
Une certaine
complicité ?
Il est évident que le calendrier électoral de la CENI est irréalisable,
donc peu crédible, et incohérent du fait de l’aspect très serré quant à l’échelonnement
de différents scrutins. Mais cela nécessite-t-il pour autant le renvoi des
élections locales, municipales et urbaines à la fin dudit processus ? Les partis
politiques, les groupements et les parlementaires de l’opposition, ainsi que
d’autres groupuscules de la société civile, favorables à cette éventualité
volent plutôt au secours de la majorité kabiliste. De plus, par leur
positionnement, ils sont tombés dans le piège tendu. Celui-ci a sciemment rendu
irréalisable et incohérente le calendrier électoral dans l’espoir de repousser les élections locales,
municipales et urbaines après les scrutins présidentiel et législatifs. Ainsi
offrent-ils, de facto, une belle
opportunité au pouvoir en place à Kinshasa, lequel accepterait volontiers, à
l’issue des « échanges formels » avec l’opposition
institutionnelle sous-prétexte de « dégager un consensus pour
l’organisation des prochaines élections dans un climat apaisé et dans les délais
constitutionnels ».
Il serait très surprenant, voire incompréhensible, qu’une majorité
politique à bout de souffle soit sauvée in
extremis, contre toute attente, par ceux qui n’ont cessé de batailler pour
une autre alternative. Faut-il voir une connivence, aussi tacite et subtile
soit-elle, entre une partie de l’opposition institutionnelle et la majorité
présidentielle ? Dans la négative, ne s’agit-il que de la naïveté, ou tout
simplement de l’amateurisme, de la part de l’opposition congolaise ?
Un consensus politique
Après les tensions récemment suscitées par les différentes tentatives de
réviser l’article 220 de la Constitution du 18 février, dans le but de
maintenir illégalement Joseph Kabila au pouvoir, et l’abrogation par ce dernier
d’une loi électorale injuste, toute autre manœuvre politicienne ne contribuera
qu’à mettre de l’huile sur le feu. Il est surtout question de la crédibilité de
la classe politique congolaise, toutes tendances confondues, et de la maturité militante
des forces vives de la Nation. Le fait de s’assurer en amont des conditions
favorables aux élections apaisées et à la crédibilité de futurs élus vaut mieux
que le respect à tout prix d’un processus faussé d’avance. La tenue des élections
de 2011, loin de régler la crise de légitimité en cours en République Démocratique
du Congo, a au contraire affaibli les institutions de la République et amplifié
l’absence de l’Etat sur l’ensemble du territoire national.
Le bon sens voudrait que l’on puisse maintenir le chronogramme du
calendrier proposé par la CENI tout en décalant légèrement les échéances, de
telle sorte que le processus puisse rester inchangé et débuter, pour des
raisons techniques, par la tenue des élections locales, municipales et urbaines
en 2016 et se terminer par les scrutins présidentiel et législatifs en 2017.
Dans cette optique, il faudra impérativement un consensus politique,
grâce au vote par le Parlement d’une loi d’exception, afin de permettre
l’intérim de la présidence de la République par le Président du Sénat, ou par
le Président de l’Assemblée nationale en cas d’un quelconque empêchement,
jusqu’à l’organisation de l’élection présidentielle et à la prise des fonctions
de nouvel élu. L’objectif, compte tenu du contexte, consistera à ne pas agir
contrairement aux articles 70-2 et 73 de la Constitution du 18 février 2006
relatifs à l’installation effective du nouveau Président élu et à la
convocation par la CENI de l’élection du Président de la République. Le report maîtrisé
des élections vaut mieux que le non-respect de l’ordre constitutionnel.
Gaspard-Hubert Lonsi Koko
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