Selon Lambert Mende, le porte-parole du gouvernement congolais, la République Démocratique du Congo compte mener à bon terme le dialogue avec les ex-rebelles du M23[1], dans le cadre des pourparlers de Kampala. Ainsi Kinshasa souhaite-t-il que la signature, avec l’ancienne rébellion du M23, d’un document[2] – permettant de mettre un terme à dix-huit mois de conflit – ait lieu dans un délai raisonnable.
Le président ougandais Yoweri Kaguta Museveni et son homologue rwandais Paul Kagamé |
Néanmoins, le gouvernement congolais refuse de signer un accord de paix avec les protégés du Rwanda et de l’Ouganda. Il estime à juste titre que cela équivaudra à accorder un statut légitime à une force négative, qui plus est défaite par les armes. Cependant, une question se pose. Kinshasa signera ledit document avec quelle mouvance dès lors que Serge Kambasu Ngeve, membre du bureau politique du M23, a accepté la déclaration commune sur le modèle de ce que demande le gouvernement congolais – s’opposant de facto au refus de son président Bertrand Bisimwa ?
Les conclusions des pourparlers
Un document[3], lequel circule sur Internet, révèle les clauses finalisées dans la capitale ougandaise le 11 novembre 2013 par les parties concernées devant engager le gouvernement congolais et les rebelles du M23. Dans les points 6, 7 et 8 dudit document, l’accent est mis sur le retour et l’installation des réfugiés et des personnes déplacées internes, sur les biens spoliés, extorqués, volés, pillés et détruits, ainsi que sur la réconciliation nationale et la justice.
En quoi un mouvement défait militairement et ayant annoncé la fin de son existence en tant que structure armée peut-elle imposer sa volonté s’agissant des domaines ayant trait aux pouvoirs régaliens du gouvernement congolais ? Depuis quand le vaincu impose-t-il sa volonté au vainqueur ? À cette phase, les pourparlers de Kampala doivent respect le principe de droit international relatif à la non-ingérence dans les affaires intérieures d’un État souverain. La défection du M23 n’oblige plus la République Démocratique du Congo à signer un quelconque accord avec des individus qui, s’ils sont réellement des citoyens congolais, sont passibles devant la justice pour avoir violé la Constitution du 18 février 2006. Peut-on conclure que la mauvaise foi et les intentions cachées obligent le Rwanda, l’Ouganda et la communauté internationale à traiter le M23 et le gouvernement congolais sur le même pied d’égalité ?
L’autodétermination à moyen terme
N’oublions pas que le Rwanda et l’Ougandais, très motivés par une incommensurable visée expansionniste, ont toujours soutenu des bandes armées dans l’espoir de faire main basse sur la partie orientale de la République Démocratique du Congo : plus précisément sur l’Ituri et la partie frontalière du Nord-Kivu. Après la débandade de leurs poulains sur les différents champs de bataille, Paul Kagamé et Yoweri Kaguta Museveni souhaitent donc obtenir diplomatiquement ce qu’ils n’ont pu imposer par la force[4]. Sachant qu’ils auront du mal à violer l’accord-cadre d’Addis-Abeba, dont ils sont signataires, ils veulent induire Kinshasa en erreur. En effet, les clauses 6, 7 et 8 du document que l’on souhaite faire signer au gouvernement congolais permettraient d’introduire en toute légalité des populations étrangères, et d’assurer leurs besoins matériels, dans le Nord-Kivu en vue d’un processus, ultérieurement, d’autodétermination. Telles sont les véritables intentions des parrains du M23.
Le respect de différents accords de non-agression
Ratifier un tel document, dont quelques clauses préconisent insidieusement une incertaine réconciliation, équivaudra à accepter l’accalmie à court terme, mais la balkanisation de la République Démocratique du Congo à moyen terme. Le gouvernement congolais a plutôt intérêt de dénoncer publiquement les intentions cachées du Rwanda et de l’Ouganda, à obtenir officiellement leur condamnation auprès de l’instance onusienne. L’objectif est de les obliger à respecter tous les accords de non-agressions dont ils sont signataires. Kinshasa devra surtout rappeler diplomatiquement aux gouvernements rwandais et ougandais le respect des clauses de l’accord-cadre d’Addis-Abeba, quant à la non-assistance aux forces négatives.
Gaspard-Hubert Lonsi Koko
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[1] Le Mouvement du 23 Mars (M23) est né d’une mutinerie, en avril 2012, d’anciens rebelles du Congrès national de libération du peuple (CNDP) qui avaient été réintégrés dans l’armée nationale congolaise. Il a annoncé le 5 novembre 2013, quelques heures après avoir été chassé des derniers bastions qu’il occupait dans la province du Nord-Kivu, qu’il renonçait définitivement à la lutte armée.
[2] Sans être un accord, ce document permettrait juridiquement de donner une force contraignante à la déclaration de renonciation à la rébellion faite par le M23 et de régler les questions liées au cantonnement, au désarmement, à la démobilisation et à la réinsertion sociale de ses ex-combattants.
[3] Lequel devrait être signé, en cas d’accord, par Raymond Tshibanda, le ministre congolais des Affaires étrangères, et René Abandi, chef de délégation du M23, ainsi que par deux témoins : à savoir Crispus Kiyonga, ministre ougandais des Affaires étrangères et facilitateur du Dialogue, et le professeur Ntumba Luaba, Secrétaire exécutif de la Communauté économique des pays des Grands Lacs (CEPGL).
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