L’Assemblée nationale et le Sénat ont voté ce mercredi 15 juin la loi électorale en termes harmonisés, en séances plénières clôturant la session ordinaire de mars 2011. Députés et sénateurs se sont finalement accordés sur l’essentiel. Parmi les divergences sur lesquelles ils ont accordé leurs violons, il y a le niveau d’études ou une expérience professionnelle avérée d’au moins cinq ans dans les domaines politique, administratif et économique à la présentation des candidatures.
Une loi taillée sur mesure
Indépendamment des divergences stratégiques et idéologiques, le Sénat congolais a adopté la nouvelle loi électorale qui régira en principe les nombreux scrutins prévus en République démocratique du Congo entre le 28 novembre prochain – pour la présidentielle et les législatives – et la mi-2013 quant aux autres scrutins. Faut-il croire que les parlementaires sortants, de la majorité comme de l’opposition, se sont arrangés pour conditionner la validité d’une candidature à un minimum de cinq ans dans les domaines politique, administratif et économique à défaut du cursus universitaire ou autre capacité ? Cette loi, qui plus est taillée sur mesure, leur permet de mettre définitivement un terme à un éventuel complexe s’agissant du niveau d’études. Ainsi, en oubliant sciemment les conditions dans lesquelles ils se sont fait élire, ils ont approuvé l’exclusion des milliers d’individus qui, par la vertu des élections, auraient pu suivre le même cheminement. Dans un pays où l’instruction n’est pas à la portée de tout le monde, seul le suffrage populaire peut permettre l’égal accès à la représentativité électorale. Conditionner le mandat électif, c’est fouler au pied la règle universelle qui veut que le peuple soit le souverain primaire.
Nul n’ignore que, en droit, la loi désigne une règle juridique suprême, générale et impersonnelle. Ainsi devons-nous tenir compte de ses dimensions matérielle et formelle. Lorsqu'une loi est régulièrement adoptée, tel est le cas du texte ayant suscité cet article, seul le législateur, ou une autorité supérieure, pourra la défaire ou la refaire conformément à la règle pratique du « parallélisme des formes ». Une autre autorité peut donc passer outre, ou la modifier, dès lors qu’elle ne réunit pas les conditions appropriées.
La primauté de la Constitution sur la loi
Après le vote de la loi électorale par les députés et les sénateurs, il ne reste plus que celle-ci soit promulguée ou non par le président de la République. Ainsi serait-il judicieux que ce dernier, en son âme et conscience, se remémore son passé et les conditions dans lesquelles il a accédé à la magistrature suprême, avant de rendre cette loi exécutoire. On n’attend pas du premier magistrat de la République de mépriser la volonté populaire, mais au contraire de veiller au respect de la Constitution. Au moment d’accomplir ce geste ultime, il doit surtout avoir à l’esprit l’alinéa 3 de l’article 5 de ladite Constitution, lequel rappelle tout simplement que « tous les Congolais de deux sexes âgés de dix-huit ans révolus et jouissant de leurs droits civils et politiques sont électeurs et éligibles ». Il en est de même de l’article 6 de cette même Constitution relatif à la création d’un parti politique ou à l’affiliation à un parti de son choix, ainsi que de l’article 102, dans la mesure où, pour être candidat aux élections législatives, l’on doit « jouir de la plénitude de ses droits civils et politiques ».
Dès lors que le texte voté par les parlementaires exclut les Congolais de la diaspora de leurs droits civils et politiques, dès lors qu’il accorde aux Congolais de l’intérieur le droit de vote tout en privant un bon nombre d’entre eux du droit d’être éligibles, il viole les articles 5, 6 et 102 de la Constitution. Or, la Constitution l’emporte sur la loi en cas de conflit. Fort de ce constat, tous les démocrates osent espérer que le président Joseph Kabila aura la sagesse de demander au gouvernement et aux parlementaires de revoir leur copie, en désapprouvant une loi dont l’inconstitutionnalité de certaines dispositions génère, à n’en pas douter, des injustices.
Faire triompher l’État de droit
En République Démocratique du Congo, constate-t-on, la loi n’est plus le secours du peuple contre les gouvernants et leurs affidés. On peut à juste titre s’inquiéter sur la menace réelle qui pèse sur le peu d’acquis démocratiques hérités des élections de 2006.
Au cas où le président de la République promulguerait la nouvelle loi électorale, dont quelques articles violent indéniablement certaines dispositions constitutionnelles, il reviendrait au peuple congolais de manifester son désaccord. En effet, s’ils veulent préserver leur avenir et éviter une nouvelle mésaventure dictatoriale, les Congolaises et les Congolais n’auront pas d’autre choix que de contester en urgence des lois injustes dont la seule vocation consiste à consolider les intérêts particuliers. Ainsi devront-ils absolument faire triompher, par tous les moyens, l’État de droit au détriment de l’État privatisé que l’on veut leur imposer. Il est donc impératif d’éviter à la République Démocratique du Congo une autre dictature, aussi bienveillante soit-elle, au sein de laquelle une classe politique peu scrupuleuse finira par s’arroger, si rien ne lui résiste, le monopole de la gestion de la chose publique.
Gaspard-Hubert Lonsi Koko
Porte-parole du Rassemblement pour le Développement et la Paix au Congo (RDPC)
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