Premier
Vice-Président de l’Alliance de Base pour l’Action Commune
(ABACO), Gaspard-Hubert Lonsi Koko a répondu aux questions de l’Œil
d’Afrique sur la République Démocratique du Congo.
Œil
d’Afrique : Avant d’entrer dans le vif du sujet, avez-vous
un mot sur la victoire des léopards lors de la dernière CHAN qui
s’est déroulée à Kigali ?
La
victoire de nos vaillants léopards en finale de la CHAN 2016 face
aux aigles du Mali, survenue après avoir éliminé le Rwanda en
quart de finale, doit préfigurer le patriotisme en faveur des FARDC
dans la région du Kivu. Ne dit-on pas que RDC
eloko ya makasi
[RDC,
la chose la plus solide, ndlr] ?
Œil
d’Afrique : Pourquoi la direction Europe de l’ABACO a-t-elle
pris fait et cause en faveur des militants de la Lucha ?
Nous
avons tout simplement jugé disproportionné le jugement qu’a rendu
en première instance le Tribunal d’instance de Goma, puisque le
fait reproché aux membres de ce mouvement citoyen est moins grave
que les crimes de guerre et crimes contre l’Humanité commis dans
l’Est de la République Démocratique du Congo et dont les auteurs
ont été maintes fois amnistiés et continuent de jouir d’une
incompréhensible impunité. Par conséquent, nous avons vivement
attiré l’attention du peuple congolais sur le strict respect des
droits fondamentaux de la personne humaine et sur l’indépendance
de la justice au regard du pouvoir politique.
Si
nous avons pris acte de la diligente réactivité de la Cour d’appel
de Goma en deuxième instance, nous avons néanmoins estimé que le
verdict a été basé sur les seuls réquisitoires du Ministère
public. Rappelons qu’il faut obligatoirement un avocat ou un avoué
pour aller devant la Cour d’appel, sauf quelques dispositions
légales. Sachant le caractère définitif du jugement de la Cour
d’appel dès sa signification, nous espérons que les défenseurs
des membres de la Lucha présenteront une déclaration de pourvoi
devant la Cour de cassation pour non-conformité d’une décision de
justice aux règles de droit, ou alors pour violation de la loi, du
règlement ou des traités internationaux, voire pour violation des
formes légales.
Œil
d’Afrique : La résolution de crise politique en RDC
passera-t-elle forcément par un dialogue avec le président Joseph
Kabila ?
L’ABACO
est favorable à un dialogue inclusif, sous la facilitation de la
communauté internationale. Un dialogue avec toutes les forces vives
de la nation et non seulement avec le président sortant. À cet
effet, je vous renvoie à la
déclaration du Président national de notre parti,
le ministre honoraire Sylvère Luizi Balu, faite récemment lors
d’une conférence de presse. En tout cas, compte tenu de notre
neutralité et n’étant pas diligentés par le pouvoir en place à
Kinshasa, nous sommes favorables au dialogue, non pas pour pour le
per
diem
ou le partage des maroquins, mais pour mettre un terme aux
souffrances des populations congolaises et trouver la voie propice à
un État de droit.
Œil
d’Afrique : Que pense votre parti de la situation en cours
dans l’Est de la RDC ?
Comment
peut-on expliquer, juste un exemple parmi tant d’autres, le fait
que les
rebelles ougandais de l’ADF-Nalu ne s’en prennent qu’aux seules
populations congolaises et non au régime du
président Museveni ?
Comment peut-on interpréter le non-déploiement des troupes
onusiennes le long de la frontière orientale ? Le fait de les
cantonner à Goma et à Bukavu constitue-t-il une intention manifeste
de cautionner l’installation illégale des populations étrangères
dans une partie du territoire congolais, en vue d’une éventuelle
partition de la République Démocratique du Congo ? La
mauvaise volonté et les intentions non avouées de certains acteurs
locaux, nationaux, régionaux et internationaux contribuent largement
à l’instabilité, depuis 1997, de la partie orientale de la
République Démocratique du Congo. Les habitants du Kivu ont droit à
la paix, au même titre que les citoyens de l'Alsace-Lorraine, les
Nord-Amérindiens ou les peuples des Balkans.
Œil
d’Afrique : Votre Parti serait-il moins enthousiaste par
rapport aux élections que compte organiser le gouvernement ?
L’ABACO
craint surtout que le peuple congolais soit de nouveau victime d’une
farce électorale, laquelle fragilisera davantage les institutions
étatiques et amplifiera la crise politique. Le
non-respect du calendrier électoral permettra-t-il l’organisation
des élections crédibles et transparentes ? Un réaménagement
de ce calendrier s’impose-t-il ? Doit-on procéder à
l’enrôlement de nouveaux majeurs et reporter la présidentielle et
les élections locales, sénatoriales et législatives en 2017 ?
Dans la négative, faudrait-il une transition politique sans le
président sortant ? Des réponses doivent être rapidement
apportées à ces questions pour éviter que la République
Démocratique du Congo fasse un saut fatal dans l’incertitude et le
néant.
Pour
ce qui est du récent scrutin, faute de fichier électoral fiable,
l’ABACO n’a présenté aucun candidat aux élections provinciales
qui se sont déroulées dans les entités territoriales nouvellement
constituées. Notre parti ne légitimera pas l’illégalité.
Œil
d’Afrique : Et la primaire souhaitée par une partie de
l’opposition ?
Si
le principe d’une candidature unique de l’opposition paraît
fondé, l’ABACO s’interroge toutefois sur les modalités de la
primaire devant aboutir à ce noble objectif. Celle-ci sera-t-elle
ouverte à tous les électeurs congolais ou aux seuls adhérents des
partis composants une frange de l’opposition ? Nos
interrogations concernent aussi la composition réelle de cette
opposition. Englobera-t-elle les dissidents de la majorité
présidentielle ? Ou sera-t-elle conditionnée, quid de
l’idéologie, par le seul départ du président de la République
sortant ? Par ailleurs, les électeurs se prononceront-ils sur
un texte indiquant les valeurs idéologiques de l’opposition, ou
celles des transfuges de la mouvance kabiliste ?
Au cas où seuls les électeurs seront amenés à prendre part au
scrutin, quel crédit aura cette primaire, dès lors que la
Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) est incapable de
présenter un fichier électoral fiable ?
L’absence
de crédibilité d’une initiative non transparente, due à un choix
n’englobant que partiellement les forces vives, laisse en effet
dubitatif le Rassemblement pour le Développement et la Paix au Congo
( RDPC), ce courant politique que je dirige au sein l’ABACO. Si le
RDPC est très favorable à une réelle alternative politique, il est
échaudé par une mésaventure semblable à celle de l’Alliance des
Forces Démocratiques pour Libération du Congo (AFDL) et dont les
conséquences ne cessent d’hypothéquer l’avenir du peuple
congolais. La direction de l’ABACO Europe n’encouragera en aucun
cas l’émergence d’un conglomérat de structures incompatibles et
soucieuses de la prise de pouvoir sans fondement programmatique et
idéologique.
Œil
d’Afrique : ABACO ou ABAKO ?
Notre
ambition la plus immédiate consiste à rassembler toutes les
branches d’origine abaquiste
et à renforcer la dimension nationale du parti. Si, aujourd’hui,
nous avons discrètement consolidé l’assise de l’ABACO dans le
Bas-Congo, dans la ville de Kinshasa, ainsi que dans une partie du
Bandundu, nous nous attelons sans fanfare ni trompette à conférer à
notre parti une incontestable assise nationale. La réunification des
abaquistes
ne pourra que renforcer l’ancrage de l’ABACO dans tout le pays.
Cette vision nationale est d’ailleurs à l’origine de
l’appellation « Alliance de Base pour l’Action Commune »,
ABACO en sigle, contrairement à l'Alliance des Bakongo et à
l'Alliance des Bâtisseurs Kongo.
Œil
d’Afrique : Que reprochez-vous à la G7 et à la Dynamique de
l’opposition ?
Rien
du tout. Pour ce qui est de la G7, nous pensons tout simplement que
la dissidence au sein d’une même mouvance politique, en
l’occurrence la majorité présidentielle, ne s’apparente pas à
l’opposition idéologique. Seuls les imbéciles ne changent pas
d’avis, pourrait-on rétorquer à juste titre. Mais le zèbre ne se
défait pas pour autant de ses zébrures. Personnellement, je n’ai
jamais vu un cochon dans un arbre.
Quant
à la Dynamique de l’opposition, elle est composée de partis
politiques dont le combat politique n’a pas permis une alternative
au pouvoir en place. Sur la forme, nous sommes d’accord avec les
partis constitutifs de cette Dynamique de l’opposition s’agissant
des critiques légitimes relatives au glissement. Par contre, sur le
fond, nous avons une très grande désaccord. S’opposer au
glissement et siéger en même temps dans les institutions ayant
glissé est une incohérence, voire une aberration. Nous demandons à
ce que les partis politiques opposés au glissement ne siègent plus
au Sénat, ni aux Parlements provinciaux. C’est une question de
crédibilité.
Le
fait de vouloir faire triompher les idéaux humanistes a beaucoup
pesé dans notre décision d’adhérer à l’Alliance de Base pour
l’Action Commune,
parti précurseur de l’indépendance de la République Démocratique
du Congo. Il n’est donc pas question d’hostilité à l'encontre
de la G7 et de la Dynamique de l’opposition, dans la mesure où
l’ABACO en appelle à l’union de tous les démocrates, garante de
la cohésion nationale au détriment du coup d’État permanent.
Pour nous, une coalition se fait sur des bases claires et un
programme cohérent soutenu par une idéologie commune ou compatible.
En tant que parti d’inspiration social-démocrate, l’ABACO
préconise une politique de protection sociale dans le cadre de
l’économie de marché et de la libre entreprise, sur fond des
garde-fous par rapport aux injustices et aux incohérences du
libéralisme.
Cette conception réformiste permettra
l’épanouissement du socialisme du possible.
Œil
d’Afrique : Votre parti n’a-t-il pas peur d’être muselé
par le pouvoir en place à Kinshasa, et vilipendé par l’opposition ?
L’alliance
de Base pour l’Action Commune est un parti politique censé
gouverner un jour la République Démocratique du Congo. Par
conséquent, pendant que nous sommes dans l’opposition, il est de
notre droit de critiquer tout projet politique néfaste au pays et de
notre devoir de faire des propositions cohérentes. Plus
explicitement, nous constitutions une opposition constructive. Nous
n’avons aucune raison de nous inquiéter, ni d’avoir peur de qui
que ce soit, dès lors que nous militions pour le bonheur du peuple
congolais, ainsi que pour un Congo politiquement démocratique et
économiquement viable.
Que
Dieu et les ancêtres préservent l’ABACO du pouvoir en place à
Kinshasa et d’une certaine opposition, notamment institutionnelle.
Quant au peuple congolais, c’est notre affaire. De plus, l’urgence
pour l’ABACO consiste à investir sur les Congolaises et les
Congolais en vue du progrès social, du rayonnement intellectuel et
de l’évolution des mentalités. Nous préconisons une
réglementation unique sur le marché de l’emploi en vue de
l’harmonisation des salaires dans toutes les entreprises.
L’autonomie économique de notre pays passera, entre autres, par un
Fonds de Développement du Congo et non par un quelconque plan qui
aggravera la dette. Notre préoccupation réside également dans la
consolidation de l’unité nationale et du patriotisme congolais. Le
devenir de la République Démocratique du Congo ne dépend avant
tout que de la seule volonté de ses fils épris de l’intérêt de
la chose publique.
Propos
recueillis par Roger Musandji
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