mardi 15 mars 2016

‪L’ABACO plaide pour une opposition constructive en RDC

Premier Vice-Président de l’Alliance de Base pour l’Action Commune (ABACO), Gaspard-Hubert Lonsi Koko a répondu aux questions de l’Œil d’Afrique sur la République Démocratique du Congo.


Œil d’Afrique : Avant d’entrer dans le vif du sujet, avez-vous un mot sur la victoire des léopards lors de la dernière CHAN qui s’est déroulée à Kigali ?
La victoire de nos vaillants léopards en finale de la CHAN 2016 face aux aigles du Mali, survenue après avoir éliminé le Rwanda en quart de finale, doit préfigurer le patriotisme en faveur des FARDC dans la région du Kivu. Ne dit-on pas que RDC eloko ya makasi [RDC, la chose la plus solide, ndlr] ?

Œil d’Afrique : Pourquoi la direction Europe de l’ABACO a-t-elle pris fait et cause en faveur des militants de la Lucha ?
Nous avons tout simplement jugé disproportionné le jugement qu’a rendu en première instance le Tribunal d’instance de Goma, puisque le fait reproché aux membres de ce mouvement citoyen est moins grave que les crimes de guerre et crimes contre l’Humanité commis dans l’Est de la République Démocratique du Congo et dont les auteurs ont été maintes fois amnistiés et continuent de jouir d’une incompréhensible impunité. Par conséquent, nous avons vivement attiré l’attention du peuple congolais sur le strict respect des droits fondamentaux de la personne humaine et sur l’indépendance de la justice au regard du pouvoir politique.
Si nous avons pris acte de la diligente réactivité de la Cour d’appel de Goma en deuxième instance, nous avons néanmoins estimé que le verdict a été basé sur les seuls réquisitoires du Ministère public. Rappelons qu’il faut obligatoirement un avocat ou un avoué pour aller devant la Cour d’appel, sauf quelques dispositions légales. Sachant le caractère définitif du jugement de la Cour d’appel dès sa signification, nous espérons que les défenseurs des membres de la Lucha présenteront une déclaration de pourvoi devant la Cour de cassation pour non-conformité d’une décision de justice aux règles de droit, ou alors pour violation de la loi, du règlement ou des traités internationaux, voire pour violation des formes légales.

Œil d’Afrique : La résolution de crise politique en RDC passera-t-elle forcément par un dialogue avec le président Joseph Kabila ?
L’ABACO est favorable à un dialogue inclusif, sous la facilitation de la communauté internationale. Un dialogue avec toutes les forces vives de la nation et non seulement avec le président sortant. À cet effet, je vous renvoie à la déclaration du Président national de notre parti, le ministre honoraire Sylvère Luizi Balu, faite récemment lors d’une conférence de presse. En tout cas, compte tenu de notre neutralité et n’étant pas diligentés par le pouvoir en place à Kinshasa, nous sommes favorables au dialogue, non pas pour pour le per diem ou le partage des maroquins, mais pour mettre un terme aux souffrances des populations congolaises et trouver la voie propice à un État de droit.

Œil d’Afrique : Que pense votre parti de la situation en cours dans l’Est de la RDC ?
Comment peut-on expliquer, juste un exemple parmi tant d’autres, le fait que les rebelles ougandais de l’ADF-Nalu ne s’en prennent qu’aux seules populations congolaises et non au régime du président Museveni ? Comment peut-on interpréter le non-déploiement des troupes onusiennes le long de la frontière orientale ? Le fait de les cantonner à Goma et à Bukavu constitue-t-il une intention manifeste de cautionner l’installation illégale des populations étrangères dans une partie du territoire congolais, en vue d’une éventuelle partition de la République Démocratique du Congo ? La mauvaise volonté et les intentions non avouées de certains acteurs locaux, nationaux, régionaux et internationaux contribuent largement à l’instabilité, depuis 1997, de la partie orientale de la République Démocratique du Congo. Les habitants du Kivu ont droit à la paix, au même titre que les citoyens de l'Alsace-Lorraine, les Nord-Amérindiens ou les peuples des Balkans.

Œil d’Afrique : Votre Parti serait-il moins enthousiaste par rapport aux élections que compte organiser le gouvernement ?
L’ABACO craint surtout que le peuple congolais soit de nouveau victime d’une farce électorale, laquelle fragilisera davantage les institutions étatiques et amplifiera la crise politique. Le non-respect du calendrier électoral permettra-t-il l’organisation des élections crédibles et transparentes ? Un réaménagement de ce calendrier s’impose-t-il ? Doit-on procéder à l’enrôlement de nouveaux majeurs et reporter la présidentielle et les élections locales, sénatoriales et législatives en 2017 ? Dans la négative, faudrait-il une transition politique sans le président sortant ? Des réponses doivent être rapidement apportées à ces questions pour éviter que la République Démocratique du Congo fasse un saut fatal dans l’incertitude et le néant.
Pour ce qui est du récent scrutin, faute de fichier électoral fiable, l’ABACO n’a présenté aucun candidat aux élections provinciales qui se sont déroulées dans les entités territoriales nouvellement constituées. Notre parti ne légitimera pas l’illégalité.

Œil d’Afrique : Et la primaire souhaitée par une partie de l’opposition ?
Si le principe d’une candidature unique de l’opposition paraît fondé, l’ABACO s’interroge toutefois sur les modalités de la primaire devant aboutir à ce noble objectif. Celle-ci sera-t-elle ouverte à tous les électeurs congolais ou aux seuls adhérents des partis composants une frange de l’opposition ? Nos interrogations concernent aussi la composition réelle de cette opposition. Englobera-t-elle les dissidents de la majorité présidentielle ? Ou sera-t-elle conditionnée, quid de l’idéologie, par le seul départ du président de la République sortant ? Par ailleurs, les électeurs se prononceront-ils sur un texte indiquant les valeurs idéologiques de l’opposition, ou celles des transfuges de la mouvance kabiliste ? Au cas où seuls les électeurs seront amenés à prendre part au scrutin, quel crédit aura cette primaire, dès lors que la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) est incapable de présenter un fichier électoral fiable ?
L’absence de crédibilité d’une initiative non transparente, due à un choix n’englobant que partiellement les forces vives, laisse en effet dubitatif le Rassemblement pour le Développement et la Paix au Congo ( RDPC), ce courant politique que je dirige au sein l’ABACO. Si le RDPC est très favorable à une réelle alternative politique, il est échaudé par une mésaventure semblable à celle de l’Alliance des Forces Démocratiques pour Libération du Congo (AFDL) et dont les conséquences ne cessent d’hypothéquer l’avenir du peuple congolais. La direction de l’ABACO Europe n’encouragera en aucun cas l’émergence d’un conglomérat de structures incompatibles et soucieuses de la prise de pouvoir sans fondement programmatique et idéologique.

Œil d’Afrique : ABACO ou ABAKO ?
Notre ambition la plus immédiate consiste à rassembler toutes les branches d’origine abaquiste et à renforcer la dimension nationale du parti. Si, aujourd’hui, nous avons discrètement consolidé l’assise de l’ABACO dans le Bas-Congo, dans la ville de Kinshasa, ainsi que dans une partie du Bandundu, nous nous attelons sans fanfare ni trompette à conférer à notre parti une incontestable assise nationale. La réunification des abaquistes ne pourra que renforcer l’ancrage de l’ABACO dans tout le pays. Cette vision nationale est d’ailleurs à l’origine de l’appellation « Alliance de Base pour l’Action Commune », ABACO en sigle, contrairement à l'Alliance des Bakongo et à l'Alliance des Bâtisseurs Kongo.

Œil d’Afrique : Que reprochez-vous à la G7 et à la Dynamique de l’opposition ?
Rien du tout. Pour ce qui est de la G7, nous pensons tout simplement que la dissidence au sein d’une même mouvance politique, en l’occurrence la majorité présidentielle, ne s’apparente pas à l’opposition idéologique. Seuls les imbéciles ne changent pas d’avis, pourrait-on rétorquer à juste titre. Mais le zèbre ne se défait pas pour autant de ses zébrures. Personnellement, je n’ai jamais vu un cochon dans un arbre.
Quant à la Dynamique de l’opposition, elle est composée de partis politiques dont le combat politique n’a pas permis une alternative au pouvoir en place. Sur la forme, nous sommes d’accord avec les partis constitutifs de cette Dynamique de l’opposition s’agissant des critiques légitimes relatives au glissement. Par contre, sur le fond, nous avons une très grande désaccord. S’opposer au glissement et siéger en même temps dans les institutions ayant glissé est une incohérence, voire une aberration. Nous demandons à ce que les partis politiques opposés au glissement ne siègent plus au Sénat, ni aux Parlements provinciaux. C’est une question de crédibilité.
Le fait de vouloir faire triompher les idéaux humanistes a beaucoup pesé dans notre décision d’adhérer à l’Alliance de Base pour l’Action Commune, parti précurseur de l’indépendance de la République Démocratique du Congo. Il n’est donc pas question d’hostilité à l'encontre de la G7 et de la Dynamique de l’opposition, dans la mesure où l’ABACO en appelle à l’union de tous les démocrates, garante de la cohésion nationale au détriment du coup d’État permanent. Pour nous, une coalition se fait sur des bases claires et un programme cohérent soutenu par une idéologie commune ou compatible. En tant que parti d’inspiration social-démocrate, l’ABACO préconise une politique de protection sociale dans le cadre de l’économie de marché et de la libre entreprise, sur fond des garde-fous par rapport aux injustices et aux incohérences du libéralisme. Cette conception réformiste permettra l’épanouissement du socialisme du possible.

Œil d’Afrique : Votre parti n’a-t-il pas peur d’être muselé par le pouvoir en place à Kinshasa, et vilipendé par l’opposition ?
L’alliance de Base pour l’Action Commune est un parti politique censé gouverner un jour la République Démocratique du Congo. Par conséquent, pendant que nous sommes dans l’opposition, il est de notre droit de critiquer tout projet politique néfaste au pays et de notre devoir de faire des propositions cohérentes. Plus explicitement, nous constitutions une opposition constructive. Nous n’avons aucune raison de nous inquiéter, ni d’avoir peur de qui que ce soit, dès lors que nous militions pour le bonheur du peuple congolais, ainsi que pour un Congo politiquement démocratique et économiquement viable.
Que Dieu et les ancêtres préservent l’ABACO du pouvoir en place à Kinshasa et d’une certaine opposition, notamment institutionnelle. Quant au peuple congolais, c’est notre affaire. De plus, l’urgence pour l’ABACO consiste à investir sur les Congolaises et les Congolais en vue du progrès social, du rayonnement intellectuel et de l’évolution des mentalités. Nous préconisons une réglementation unique sur le marché de l’emploi en vue de l’harmonisation des salaires dans toutes les entreprises. L’autonomie économique de notre pays passera, entre autres, par un Fonds de Développement du Congo et non par un quelconque plan qui aggravera la dette. Notre préoccupation réside également dans la consolidation de l’unité nationale et du patriotisme congolais. Le devenir de la République Démocratique du Congo ne dépend avant tout que de la seule volonté de ses fils épris de l’intérêt de la chose publique.

Propos recueillis par Roger Musandji


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