Les différents messages de l’église
« La République est un patrimoine qu’on ne peut se permettre de léguer de manière quelconque aux générations futures », ont rappelé les évêques membres de la Cenco. Soulignons qu’il ne s’agit pas d’une première prise de position de l’église catholique au regard de la situation socio-économique et politique en République Démocratique du Congo. En 2009, à l’attention des fidèles catholiques et des hommes de bonne volonté, la Cenco avait adressé un message intitulé « Il est temps de nous réveiller ». Dans cette optique, en 2011, elle s’était manifestée par le truchement d’une exhortation intitulée « Année électorale : Que devons-nous faire ? ». En février 2014, le comité permanent de la Cenco a publié un communiqué de presse relatif au cycle électoral, ainsi qu’un mémorandum au président de la République sur l’état de la Nation congolaise.
La protection de la Nation
« La forme républicaine de l’Etat, le principe du suffrage universel, la forme représentative du Gouvernement, le nombre et la durée des mandats du Président de la République, l’indépendance du pouvoir judiciaire, le pluralisme politique et syndical ne peuvent faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle », ont souligné les évêques membres de la Cenco. Ainsi ont-ils désapprouvé « toute sorte d’initiative qui, sans modifier directement l’article 220[1], viserait à le vider de son contenu essentiel ».
Il est évident que l’église est composée de citoyens congolais, dont la spécificité réside, sous la dimension spirituelle, dans les actes au profit des valeurs morales. De ce fait, l’église catholique a joué son rôle consistant à éveiller les consciences en vue « d’un avenir meilleur de la Nation ». Par conséquent, elle compte utiliser « des moyens appropriés pour sensibiliser la population sur l’importance capitale de cet article verrouillé [article 2002, ndlr] » et défendre « les options fondamentales qui sauvegarde [la] jeune démocratie [congolaise] et la stabilité du pays ». La vraie question est de savoir comment compte-t-elle procéder, sans pour autant violer le dispositif constitutionnel relatif au caractère laïque[2] de l’Etat congolais.
Le déficit de la classe politique
Il faut reconnaître que la prise de position de l’église catholique a mis en évidence le déficit chronique ayant caractérisé, depuis des lustres, la classe politique congolaise. En effet, celle-ci a failli dans sa mission primordiale consistant à assurer la formation politique qui a sans cesse fait défaut au patriotisme congolais. Néanmoins, on doit relever un bémol dans l’attitude de l’église catholique par rapport à la partialité de l’abbé Apollinaire Malu Malu, l’actuel président de la Céni[3]. Tant qu’elle ne tirera pas les conséquences idoines, sa sincérité et sa crédibilité seront mises en cause. En tout cas, la politique ayant horreur du vide, l’église catholique ne fait que combler un déficit dû à la carence des hommes et des femmes d’Etat en mesure de définir des grandes perspectives pour un Congo meilleur et davantage éclairé.
Le peuple souverain
Dans l’absolu, le peuple étant le souverain primaire, il lui revient d’agir par tous les moyens en vue de la sauvegarde de la nature de l’Etat congolais qui est une République et non une Monarchie, de la forme de l’Etat, de la démocratie représentative fondée sur le suffrage universel et de la nature du pouvoir politique en République Démocratique du Congo. L’instauration d’un Etat de droit risque d’échouer si l’église catholique choisit de se substituer à la classe politique. En agissant de la sorte, on risque de sombrer dans un soulèvement populaire tant souhaité par le régime.
De plus, il dénoncera la mainmise de l’église dans un soulèvement n’ayant rien de populaire. Cela permettra de facto la proclamation d’un Etat d’urgence et la prolongation pour une durée indéterminée du mandat du président sortant. Pis encore, l’armée pourra faire un coup d’Etat. Or, quand on connaît les membres qui constituent la chaîne de commande des FARDC[4], il y aurait des fortes chances que, dans un tel scénario, les Congolais soient dirigés par des gens dont le seul objectif consiste à faire main basse sur la République Démocratique du Congo.
Face à la complexité de la situation en cours en République Démocratique du Congo, il faudra agir avec subtilité. Il faudra une intelligence supérieure pour que l’avenir du peuple congolais ne soit guère hypothéqué. Ainsi est-il indispensable que la classe politique puisse privilégier la chose publique au détriment de l’intérêt personnel. Il va falloir surtout que le peuple congolais puisse se responsabiliser. Il devra se prendre en charge, en imposant enfin sa volonté à la classe politique.
Gaspard-Hubert Lonsi Koko
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[1] L’article 220 de la Constitution du 18 février 2006 stipule : « La forme républicaine de l’Etat, le principe du suffrage universel, la forme représentative du Gouvernement, le nombre et la durée des mandats du Président de la République, l’indépendance du pouvoir judiciaire, le pluralisme politique et syndical, ne peuvent faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle.
» Est formellement interdite toute révision constitutionnelle ayant pour objet ou pour effet de réduire les droits et libertés de la personne, ou de réduire les prérogatives des provinces et des entités territoriales décentralisées. »
[2] La République Démocratique du Congo est, dans ses frontières du 30 juin 1960, un Etat de droit, indépendant, souverain, uni et indivisible, social, démocratique et laïc.
[3] Commission électorale nationale indépendante.
[4] Forces armées de la République Démocratique du Congo.
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