Le lundi 10 février de cette année, Fatou Bensouda, la procureure de la Cour pénale internationale, a accusé l'ancien chef de guerre Bosco Ntaganda, ainsi que sa milice composée de l’Union des patriotes congolais (UPC) et des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC), de crimes « ethniques » dans l’Est de la République Démocratique du Congo. Par conséquent, elle doit convaincre les juges de la solidité de son dossier en vue de l’ouverture d’un procès. La persécution des civils sur « des bases ethniques » n’était pas le fait du hasard dans la mesure où elle visait délibérément la population non-Hema de l’Ituri dans l’optique de faire main basse sur l’Ituri, une région riche en ressources naturelles.
D’aucuns n’ignorent que Bosco Ntaganda doit répondre de crimes contre l'Humanité et de crimes de guerre commis en 2002 et en 2003 en Ituri par les FPLC, dont il était le chef militaire. L’accusation de la procureure Fatou Bensouda à l’encontre du « Terminator des Grands Lacs » nécessite que l’on s’interroge sérieusement sur les raisons qui poussent à privilégier, dans ce cas précis, les crimes « ethniques » au détriment des crimes contre l’Humanité.
Une nouvelle infraction en droit pénal international ?
Crimes « ethniques » ? Est-ce une nouvelle infraction en droit pénal international ? Qu'est-ce qui les différencie de crimes contre l’Humanité ou crimes de génocide ? Ainsi s’est interrogé judicieusement, sur l’espace social Facebook, le journaliste Joël Asher Lévy.
En effet, pourquoi ne doit-on parler de crimes contre l’Humanité, ou crime de génocide, que lorsqu’il s'agit de certaines populations et utiliser le terme exclusif de « crimes ethniques » quand il est question des populations congolaises ? On a l’impression que l’on essaie de minimiser les crimes commis dans la partie orientale de la République Démocratique du Congo pour renvoyer l’ascenseur à quelqu’un qui a tout simplement été mandaté de faire le sale boulot au profit des Etats régionaux, lesquels sont des représentants officieux des puissances économiques extracontinentales.
Ainsi est-il inhumain de vouloir utiliser le droit international pour confiner en crimes ethniques les actes qui relèvent normalement des crimes contre l’Humanité. Rien n’est plus injuste que lorsque la loi génère des injustices, ne cessait de clamer Cicéron.
Le crime contre l’Humanité
Tout le monde sait qu’un crime contre l’Humanité désigne une « violation délibérée et ignominieuse des droits fondamentaux d’un individu ou d’un groupe d’individus inspirée par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux ». S’il n’existe pas pour les crimes contre l’Humanité de définition généralement admise, en dépit de la complexité quant aux crimes punis sur les plans international et national, on doit néanmoins respecter le principe juridique selon lequel les faits précèdent la loi.
Rappelons que le génocide des Tutsis a été officiellement reconnu, et à juste titre, du fait qu’il fut commis dans le cadre d’une guerre civile ayant opposé le gouvernement rwandais, constitué de Hutus, au Front patriotique rwandais (FPR), considéré par les autorités nationales d’être essentiellement « tusti ». D’ailleurs, l’accusation de la procureure Fatou Bensouda à l’encontre de Bosco Ntaganda repose sur le fait que les actes visant les non-Hema étaient délibérés.
Une tentative d’émigration forcée ou d’extermination
Il est évident que les différentes crises civiles et armées qui déstabilisent l’Est de la République Démocratique du Congo n’est pas du tout étranger aux aspects fonciers. Le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi essaient de s’approprier, par tous les moyens, les régions congolaises riches en ressources naturelles alors que les puissances économiques extracontinentales s’intéressent aux matières premières. Le processus de balkanisation ne peut être atteint que si lesdites contrées sont majoritairement peuplées de populations en provenance des pays aux velléités expansionnistes.
Ainsi faudra-il provoquer soit l’émigration forcée des populations autochtones, soit parvenir à leur extermination. Le fait que les populations congolaises sont tuées du simple fait d’être nées congolaises relève, qu’on le veule ou non, du génocide. Cette logique est à la base, aussi bien dans la région du Kivu que dans la province orientale, des violences sexuelles contre les femmes et les enfants, des violations systématiques des droits fondamentaux de la personne humaine, de la volonté de priver les Congolais d’origine détenant une citoyenneté étrangère de leur nationalité congolaise…
La partialité et la complicité des institutions internationales
Le fait de reconnaître officiellement le génocide congolais risque de mettre en branle toute une mécanique susceptible de clarifier les complicités locales, nationales, régionales, continentales et internationales relatives au génocide commis dans l’Est de la République Démocratique du Congo.
A contrario, le fait de vouloir protéger les auteurs des crimes contre l’Humanité, de s’activer dans des institutions internationales pour réduire les actes génocidaires en banals « crimes ethniques » ne fait que confirmer la partialité de la Cour pénale internationale et la complicité des Nations Unies au détriment de la République Démocratique du Congo en particulier, et des peuples bantouphones en général.
En tout cas, le fait d’avoir été une victime ne doit pas donner le droit de devenir à son tour un bourreau. Cela ne doit en aucun cas octroyer le permis de violer, de piller, d’humilier et de tuer impunément.
Gaspard-Hubert Lonsi Koko
© Jolpress
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